François Couperin (1668-1733) › Messe pour les couvents

On serait tenté de dire que cette messe pour les couvents est la sœur lumineuse de celle pour les paroisses. Elle est ici présentée dans ce même système global strict d’alternance de chant et parties d’orgue seul, conformément à l'usage de l'époque. Mais là où la messe pour les paroisses s'appuyait sur le répertoire grégorien, les interprètes ont choisit ici pour les pièces chantées l'ordinaire de la messe du 6ème ton de Henry Du Mont. A l’usage des couvents, cette messe et ses monodies vocales sont ainsi destinées notamment aux femmes, et ce n’est plus la méditation sévère et abyssale, aux voix profondes, que nous offre le chœur , mais l’extase clair et serein des sœurs à l’unisson. A elles se soustrait parfois la douceur d’une ligne soliste, solitaire, dont la soudaine pureté donne à ces parties chantées une vibration raffinée et céleste loin des mélopées des hommes en robe de bure de la messe pour paroisses. Comme dans cette dernière, la qualité formelle intacte, la sobre facture de ces chants amène à la beauté saisissante, mais typique, de la musique sacrée sans harmonie. Et, là encore, c’est par l’intrusion précise de ces fameuses pièces d’orgue que l’ensemble sort soudain du simplement superbe, pour rejoindre la singularité et le fascinant. Dans la logique spirituelle de ces voix plus éthérées, l’orgue est plus apaisé ; on ne retrouvera pas la violence dynamique, la folie contrapuntique et arythmique de la messe des paroisses ; mais malgré la présence plus fréquente, majoritaire, de pièces mélancoliques au charme très accessible, l’instrument solennel voile encore fortement son langage de nombreuses dissonances, ici plus tempérées, mais résolument inconfortables. Au chaos éprouvant de sa sœur, la messe à l’usage des couvents oppose, dans une forme identique, une douceur aérienne, dont l’aspect encore une fois primitif confine cette fois à l’abstraction désincarnée, par le biais de ces voix de femmes. On est toujours malmené par la partition, finalement si lointaine, gêné, interpelé, intrigué par ces notes incongrues qui évoquent gaucherie et maladresse à nos oreilles nourries par des siècles de règles mélodiques sans cesse plus affinées. Le complément parfait à sa sœur exigeante, cette messe est plus claire, plus sereine, bienveillante, ainsi plus accessible. Mais sa forte étrangeté, sa plastique impeccable d’alternance rigoureuse en font une expérience tout aussi subjuguante, et sans doute plus sensuelle.