Vous êtes ici › Les groupes / artistesSSameer Ahmad › Perdants Magnifiques

Sameer Ahmad › Perdants Magnifiques

cd • 10 titres • 34:00 min

  • 1Genesis01:54
  • 2F.45103:29
  • 3Siwak 03:21
  • 4Crop Circle 03:52
  • 5Nouveau Sinatra 03:22
  • 6Deuxième du nom03:36
  • 7Barabbas03:05
  • 8Drago03:13
  • 9P.M (feat Minuit)03:29
  • 10Hale-Bopp 03:58

extraits vidéo

informations

line up

Sameer Ahmad (MC)

chronique

Ahmad n’est pas nouveau, "Perdants Magnifiques" est son second disque : mais quelle évolution depuis "Justin Herman Plaza" en 2010 ! il est ici tout à fait différent, et en même temps, égal à lui-même. On le reconnaissait à son flow caractéristique, nonchalant, avec ce petit accent d’orient que l’on décèle au creux de quelques mots, et à sa façon de déballer l'air de rien des phases instinctives, aphoristiques, parfois d'une profondeur abyssale. De ce côté heureusement, rien n’a changé. Deux choses ont changé. D’abord, il y a cette atmosphère de mystère et de rêverie qui flotte sur toutes les instrumentales, qui, il faut le dire, malgré la diversité de leurs producteurs, sont d’une unité admirable — et, il faut encore plus le dire : sont même les meilleures instrumentales de l’année 2014 pour le rap français, rien de moins ! Qu’on prenne "Drago" ou "Siwak" : ça plane indiscutablement, mais sans surfer sur la vague cloud ; ça groove mais sans être funk ; c’est doux et lascif, mais sans être lounge ; insaisissable, et original. Il n’y a qu’à se laisser aller, car toutes sont d’un abord facile, et merveilleusement sophistiquées. Autre changement corrélatif : le ralentissement du flow du gus, qui en devient plus frappant, et son écriture, plus épurée. Je ne sais pas si ça vous le fait, mais quand j’entends ce type rapper, par exemple sur "F451", je ne me le représente pas avec cette petite moue de frimeur qu’on pourrait lui supposer à l’entendre, comme ça à première vue, avec ses onomatopées, ses respirations, ses saccades peu élégantes... mais plutôt avec le sourire extatiquement malicieux du mec qui prend plaisir à parler. Et ce plaisir, bien sûr, est communicatif. Que de merveilles, en effet, sur ce disque d’à peine 34 minutes, depuis les sifflements d’Omar Little (The Wire) aux derniers remous d'une comète jazzy. S’il fallait ne garder qu’un titre : "Deuxième du nom" — je vous somme de l’écouter —, un fabuleux relent d’orient, à cordes grinçantes et percussions soufis... on voit bouger les ombres dans la savane épaisse, les fauves roder, les zèbres ronfler, le soleil taper fort… il y a les bruits d’oiseaux, les insectes, les tam-tam ! tout !… et même Sameer Ahmad, en jean-casquette, qui pose ses vers énigmatiques, abscons et labyrinthiques, à la mode 2014. C’est véritablement ce qui fait son charme : rappeur dernier cri, rappeur geek, rappeur de sa génération, il l’est assurément ; mais avec ce grain, ces accents, cette identité, comme si Frédo Roman revenait apaisé et musulman d’un voyage salutaire à Babylone. Evidemment, on ne pige pas tout : les références fourmillent, les formulations sibyllines multiplient les "entendres", et il y a de cette nécessité de se laisser porter par l’idée générale, d’avoir une approche instinctive, un peu comme sur les Psykick Lyrikah de la maturité. Mais le ton est tout autre, pas du tout vénère. "P.M." voit l’apparition du seul featuring du skeud, des inconnus Yocko et Youssef ; le premier lâche "on étudie Nietzsche loin du palpable", et s’il est à la limite du contresens philosophique, selon la façon dont on interprète le vers, je ne peux m’empêcher de me dire qu’il y a quelque chose du "surhomme sur une civière" sur ce disque : un regard lucide sur le monde, une écriture aphoristique, un amour patent de la vie — et surtout, la création artistique de valeurs nouvelles. A écouter Sameer Ahmad, on se dit qu’au détour d’une découverte fortuite, le rap a de belles années devant lui, en France.

note       Publiée le samedi 21 mars 2015

dernières écoutes

    Connectez-vous pour signaler que vous écoutez "Perdants Magnifiques" en ce moment.

    tags

    Connectez-vous pour ajouter un tag sur "Perdants Magnifiques".

    notes

    Note moyenne        2 votes

    Connectez-vous ajouter une note sur "Perdants Magnifiques".

    commentaires

    Connectez-vous pour ajouter un commentaire sur "Perdants Magnifiques".

    Rendez-Moi2 Envoyez un message privé àRendez-Moi2

    Tout est bon mais "Hale-Bop" est dingue comme final avec son gros beat et sa mélodie. "F.451" aussi, avec quelque chose de surréel...

    Note donnée au disque :       
    taliesin Envoyez un message privé àtaliesin

    Bon. Bien. Comme quoi chacun ses goût hein ;-) Je viens d'écouter le titre sur le bandcamp... Décidément pas pour moi. Absolument pas...

    Raven Envoyez un message privé àRaven
    avatar

    "à creuser" ça valait pour le lascar ; qu'il creuse son truc ;) j'aurais dû écrire "à tenir à l'oeil". Potentiel, tout ça. La mode du 'grand ralentissement' quant à elle, si on parle du même style, je vois ça comme une variante moderne du chopped & screwed (qui était déjà essentiellement de la merde), bref un truc initialement réservé aux camés houstoniens, que les bling bling à smartphone actuels se sont approprié loin des clubs dégueux, plutôt dans des baffles de voiture électrique ; en gros sans passer par l'étape mix t'essaies de faire un effet rap sous kétamine. Et encore, quand ça part d'un bon sentiment. Sauf qu'au final t'as plus de chances d'avoir le style de Doc Gyneco... quand il parle.

    Ntnmrn Envoyez un message privé àNtnmrn
    avatar

    "Hermétique au flow", ça a été la même chose pour moi aux premières écoutes ! c'est assez désarçonnant de prime abord, ces flows ralentis-frimeurs contemporains du Grand Ralentissement que vit le rap en ce moment. Pour ne rien vous cacher, au bout de deux semaines, j'ai failli virer le disque définitivement de mes appareils, à cause de ça. Mais j'y suis retourné, ça s'apprivoise doucement.

    Et merci pour le com' : tu vises juste dans les références, Maître Corb !

    Note donnée au disque :       
    saïmone Envoyez un message privé àsaïmone
    avatar

    "Hermétique au flow" malheureusement je me range du même côté