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Paul GIovanni and Magnet › The Wicker Man (Original Soundtrack)
- 1998 • Trunk Records BARKED 4 • 1 CD
- 2002 • Silva screen records FILMCD330/SVLP389 • 1 CD
- 2009 • Music on Vinyl MOVLP063 • 1 LP 33 tours
- 2013 • Silva screen records SILLP1440 • 1 LP 33 tours
1cd • 16 titres • 39:18 min
- Songs From Summerisle : Ballads Of Seduction Fertility And Ritual Slaughter
- 1Corn Rigs2:37
- 2The Landlord’s Daughter2:40
- 3Gently Johnny3:33
- 4Maypole2:46
- 5Fire Leap1:29
- 6The Tinker Of Rye1:53
- 7Willow’s Song4:43
- 8Procession2:17
- 9Chop Chop1:44
- 10Lullaby0:58
- 11Festival / Mirie It Is / Summer Is A-Cumen In4:30
- Incidental Music From ‘The Wicker Man’
- 12Opening Music / Loving Couples / The Ruined Church4:17
- 13The Masks – The Hobby Horse1:25
- 14Searching For Rowan2:23
- 15Appointment with The Wicker Man1:18
- 16Sunset1:05
informations
Pistes 1 à 4 et 7 à 11 enregistrées au studio De Lane Lea, Wembley. Pistes 5 et 6 enregistrées aux Pye Studios, Londres.
Il s’agit là de la bande originale du film britannique de 1973 réalisé par Robin Hardy, avec Edward Woodward dans le rôle principal ; et non de celle de son remake américain avec Nicolas Cage, réalisé en 2006 par Neil LaBute. Seules les chansons Willow’s Song et Gently Johnny ont été pressées et distribuées dans le commerce sous forme d’un quarante-cinq tours – une chanson par face – à la sortie du film. La première édition en album de cette bande-originale – dupliquée en mono, directement depuis la piste son d’une copie du film ; présentant vingt-sept plages enchaînées à priori dans l’ordre où elles apparaissent à l’écran, et dont certaines sont des extraits de dialogues ou effets sonores – est sortie en 1998 sur le label Trunk Records. Cette première version – créée de toute évidence d’après la version courte du film, re-montage fait sans l’assentiment du réalisateur Robin Hardy par Michæl Deeley de British Lion, société productrice et distributrice du film – exclue la chanson Gently Johnny et présente une version tronquée de Willow’s Song. La deuxième version du disque – sortie en 2002 sur le label Silva Screen – prend comme sources à la fois l’édition Trunk Records et les bandes des sessions en studio, détenues jusque là par le musicien Gary Carpenter, membre du groupe Magnet, co-directeur musical du film (et co-compositeurs de plusieurs titres). Elle propose seize plages - en stéréo - parmi lesquelles Gently Johnny et la version rétablie, intégrale, de Willow’s Song. Les plages de dialogues et effets sonores en ont été retirées. C'est cette seconde édition qui est ici chroniquée.
line up
Christopher Lee (voix sur 6), Paul Giovanni (compositions, paroles ; voix lead sur 1 et 3, guitare acoustique sur 1), Andrew Tompkins (guitare acoustique sur 1, 2, 3, 4 et 7), Michael Cole (harmonica sur 1 et 3, concertina sur 2 et 4, basson sur 7), Peter Brewis (harmonica sur 1, 3 et 7, flûte à bec sur 1, 2 et 7, guimbarde sur 4), Gary Carpenter (lyre nordique sur 1, 7 et 10, flûte à bec sur 2, 4, 5, flûte à bec ténor sur 3, fife sur 5, ocarina sur 5, piano sur 6, direction sur 8 et 11, composition sur 9 et 11), Ian Cutler (violon sur 1, 3, 4, 7 et 9) The Wicker Man Chorus (chœurs sur 3, chant d’ensemble sur 11), Bernard Murray (percussion sur 3 et 9), Rachel Varney (chœurs sur 4, voix lead sur 10), Sally Presant (chœurs sur 4, voix lead sur 10), Walter Kerr (voix lead sur 4), Michael Frye (tambourin sur 4, tom-tom sur 7), Chœur de filles non-identifié sur 5, Diane Cilento (voix sur 6), Lesley Mackie (voix principale sur 7), Peter Shaffer (adaptation des paroles sur 11) ; Thomas The Rhymer featuring Gareth Williams, James Fitzpatrick & Nic Raine (pistes 12 à 16)
chronique
Ce film serait comme un chaînon – comme un pont, une traverse, entre deux générations, deux élans d’affranchissement ; des courants de pensées, d’idées, deux volontés de libération survenues à quinze, vingt ans de distance. Il enjamberait une réputée scission, une rupture, un fossé… The Wicker Man raconte l’affrontement de deux puissances, de deux pouvoirs. Un policier écossais, le sergent Neil Howie (Edward Woodward), par ailleurs Chrétien à l’inébranlable foi – Puritain, même – reçoit une lettre anonyme l’informant de la disparition, sur l’île de Summerisle, d’une enfant d’une dizaine d’années, dans une grande indifférence générale. Partant enquêter sur place, le policier y est accueilli par un déni unanime de l’existence même de la fillette. Aussi – à sa plus grande horreur – il constate dès son arrivée, et des signes de plus en plus flagrants heurtent ensuite toujours plus sa propre croyance, que les Locaux ont abandonné la religion officielle pour s’adonner au culte des dieux de leurs ancêtres. Il est cerné par des Païens… C’est la musique, d’abord, qui – pour le spectateur – marque la traversée, le basculement d’un monde à l’autre. Un chant encore marqué par les harmonies un peu raides, d'abord, les timbres aigres des cantiques, de l’église probablement anglicane où Howie communiait encore la veille, en même temps curieusement archaïque, avec en fond une sorte de bourdon de cornemuses ; alors que l’avion survole un paysage à la beauté soudain sauvage, une autre voix – extraordinairement chaude et souple par contraste – se fait entendre, remplace, submerge l'espèce d'hymne ; aux guitares se lacent les lignes sinueuses d’instruments rustiques : violon timbré, accordéon, flûte à bec… Musique solaire et intime tout à la fois. Les paroles du morceau (Corn Rigs) sont prises au poète Robert Burns, héros national écossais, révéré bien au delà : aux Amériques, en Europe ; libre penseur, champion dans son pays de la révolution française… À partir de là, le film installe et développe une mécanique narrative – un jeu avec les symboles, aussi – d’une grande finesse, d’une puissance saisissante. Un humour subtil et pénétrant, volontiers cruel. Une vision profonde de ce qu’il montre. Laisse sourdre, progresser, pousser de ces ambigüités : de celles qui tendent un récit. La musique, dans cette mécanique, prend toujours part à l’action, s’y intègre ; elle la commente ; même : l'infléchit. Dès que le sergent pose pied sur l’île, tout ce qui se chante, se joue sur les instruments, prend place à même l’espace temps de l’histoire contée. Le jeu du réalisateur, alors, devient de faire mentir ce statut (en terme technique, on parle de "son diégétique") ; ou mieux, ou plutôt : de revêtir ces couplets, marches, danses – dans l'espace filmé – d’une qualité magique. Ils traversent murs et plafonds, par exemple, s’entendent des chambres à l’étage – joués dans la salle commune de l’auberge – comme si les musiciens se tenaient entre les lits, avec la même netteté qui ne laisse place à nul assoupissement. Toutes les chansons ici regroupées – et les parties de musique instrumentales aussi – semblent relever d’une sorte de miracle. Elles émanent un charme fou, irrésistible – aimablement sauvage. Sur l’île, elles sont l’hommage permanent rendu, voulu, à la Nature par les habitants. Elles doivent être partout célébration, fête de la vie organique – des figures et des âmes animales, des défunts transmués dans les herbes, les arbres, le vent. Rondes, ballets, suite de pas qui pour ce peuple, nous dit-on, sont les seuls actes de piété véritables ; qui honorent, la lui renvoyant, la beauté d'un monde sensible. Seul qui les pratique est pour ceux-là pleinement humain… C'est à Paul Giovanni, Américain, New Yorkais – homme d’idées, versé dans les folklores, au fait aussi des mouvements culturels, littéraires, musicaux, de ces temps cosmopolites ; mais incapable de lire une partition, de consigner sur papier ses propres compositions – qu'est confiée la tâche d'écrire et d'enregistrer ce cycle, de fournir cette sève musicale. Lui, à son tour, fait appel – pour la rédaction formelle des partitions, pour le seconder plus généralement dans sa tâche – à un jeune musicien (Gary Carpenter), fraîchement sorti du Royal College of Music. Et c’est ce dernier qui recrute le reste du groupe. Outre certains camarades de promotion, Carpenter s’adjoint des compères de son ancien groupe folk, musiciens qui eux ne jouent que d’oreille. Giovanni – ravi du choix de ces membres, certains "savants", d’autres aiguisés aux intuitions de l’improvisation, des formes spontanées – installe tout ce monde dans un appartement où le propriétaire fournit gracieusement les vins. Parfois – pour inciter les musiciens "à se détendre" – il vient aux répétitions, les poches garnies de plante médicinale ; il présente à tous les morceaux encore en travail, discute avec chacun des parties qu'il devra jouer ; il pose sa voix sur deux des chansons, en joue la trame à la guitare ; les idées sont amenées mûres, développées, mais ouvertes à chacun quant à l'exécution, la finition. Tout est arrangé – Carpenter notant seulement ce qui en est retenu pour les sessions à venir en studio – encore une fois, "à l’oreille". Pour les chœurs, Giovanni chante d’abord à chacun sa partie, sans chercher à savoir quelles noms portent les intervalles trouvés, si l'académie les juge ou non corrects. Le matériau lui-même – l’assemblage de chaque morceau – procède d’une audace rare, inédite sans doute dans ce contexte au moins. Des bribes de fonds populaire – la comptine Baba Black Sheep, dont la première notation remonterait au dix-septième siècle, entre autres – sont fondues, montées, adaptées à des mélodies, des orchestrations nées de la plume de Giovanni – de sa mémoire, de son sens des situations. Parfois le procédé s’inverse : ce sont des ritournelles anciennes portant des paroles créées de toute pièce. Des gaudrioles sont chantées avec un détachement, un entrain confondants – étonnamment exemptes, traitées ainsi, de toute intention de souillure, d’abjection, de vulgarité (The Landlord’s Daughter). Des images à la présence charnelle saisissante se mêlent au souffle, au flot d’une poésie proprement édénique – dans un sens, bien entendu, alors tout terrestre (Gently Johnny). Ailleurs c’est en alternance, en juxtapositions de lignes absolument naïves et de métaphores crues que se dresse ce contraste (Willow’s Song – d’abord, cet aimable enfantillage : "I’ll catch a rainbow from the sky and tie the ends together" ; puis en conclusion d’un dernier couplet, dans cette suite de tendres et colorées promesses : "How a maid can milk a bull, mmh mmh, and every stroke… A bucketful"). Comme le film lui-même, une telle musique n’aurait sans doute jamais pu naître à un autre moment. La folie retombée – l’orage magnétique – d’une brève ère psychédélique, beaucoup se tournaient vers des formes anciennes, les chansons du patrimoine, des registres de collectage que soudain de jeunes gens venaient exhumer. Des pionniers du folk rock comme Fairport Convention chantaient maintenant Tam Lin, Matty Groves, d’autres légendes et anecdotes, panthéons et généalogies celtiques plutôt que Dylan, Cohen ou Joni Mitchell… Chacun, à ce moment ci, se réclamant d’un folklore véritable – ancré dans ses jours autant que sur ses terres – se devait de tout se réapproprier ; d'enjamber les convenances, les superstitions d’un répertoire supposé figé, arrêté. Il fallait au contraire le continuer à même ces heures. La fiction païenne du film galvanise tout ce qui se trame, s’harmonise, fleurit dans son espace. La musique se doit d’être rite continu – et par là désamorce l’impression d’un rite, d’une grâce accomplie dans un espace coupé du monde matériel, une bulle spirituelle. Voix et instruments – nourris aussi de ces mouvements plus haut décrits – déroulent, émanent un chant de consubstantialité avec toute le vivant, induit cette communion comme un état constant, une conscience permanente, là où d’autres tours de pensée les tiennent comme exception voire crise, délire. La musique est la face lumineuse, le baume de chaque instant – elle explique le monde, l'apaise ; elle est le lien : des humains avec les éléments. Offrande qui se fait en respirant. Plus qu’à tous autres, au vrai, on penserait ici à Comus, à cet album fou – First Utterance – sorti par eux en 1971... Peut-être quelques autres bardes isolés comme Simon Finn sur son Past The Distance (sorti lui aussi en 1971)… Tous artistes cités abondamment - comme donc ils font aussi de ce film – par ceux du courant Dark Folk les plus portés sur l’ésotérisme, les communications surnaturelles, les états seconds adoptés comme mode de perception le plus constamment tenu qu’il soit possible. A mon sens – je reviens à mon idée première – c’est par là que The Wicker Man établit une croisée : entre les utopies hippies effondrées de s’être trop répandues, d’une part, dont il n'est guère resté après coup, pour certains de ceux qui les avaient embrassé, que l’idée du repli hors d’une civilisation désormais tenue pour fausse ; et d'autres marginaux, après, en quête d’horizons plus vrais que ceux de villes, de sociétés – industrielles, ou post – qu’ils percevaient comme finies, effondrées, ruines. Bien sûr : des uns – ceux des communautés rurales fondées par des enfants des classes moyennes et citadines – on peut penser qu’ils n’ont pas vu, dans leur propre élan, l’impossible de ce retour aux sources, la limite qu’il trouverait forcément quand il faudrait sortir de l'autarcie. Le film parle aussi de ça, de cette impossibilité, désormais, de l'isolement véritable – l’île produit des pommes ; ce sont des denrées prisées ; et la crise non dite est aussi une affaire de commerce, consentement d'exportation vers le "continent" (ou plutôt, cette autre ile à part – plus grande mais tenue pour à peine moins singulière par le reste de l'Europe, du monde). Des "disciples" du film, de ceux qui l’ont étudié, en ont fait une inspiration dans les années d’après, on peut trouver, aussi, qu’ils lui ont donné une postérité partiellement faussée – en n’en retenant que l’idée d’une résurgence païenne, alternative à une église devenue simple police spirituelle ; même temporelle, garde-malade et surveillante… Mais ne péchons pas à notre tour par de trop hâtives conclusions ! Peut-être que ceux-là, aussi – individus qui s'interrogeaient sur la réalité d'un libre arbitre, la nécessité d'une résistance, les possibilités de ne se point conformer – y ont trouvé – plus que des solutions, des modèles – des questions adéquates. Peut-être leur musique, au fond, est-elle dans sa part la plus sombre, la plus grinçante, comme l’envers, le négatif, la réflexion de celles entendues là – et de ce qui les forme, les anime. Peut-être, y prenant source, ont ils senti ce qu’il y avait de noir dans ce fluide qui les irriguait. Peut-être aussi ont ils trouvé belle cette erreur, cette folie, plus que la gloire d'une raison sèche et bien trop platement publique pour ne pas cacher de piège. Peut-être au moins, de là, ont-ils pensé voir venir les périls… “And he brought me up the same way : to reverence the music, and the drama, and the ritual of the old gods ; to love nature, and to fear it ; to rely on it ; and to appease it – when necessary”.
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- Demonaz Vikernes › Envoyez un message privé àDemonaz Vikernes
Diantre, TOP GUTS me fait réaliser que je n'avais jamais vu cette chronique !! Une BO extraordinaire, pour un film extraordinaire. Je possède le CD qui vient avec la version Bluray, magnifique.
- Note donnée au disque :
- Klarinetthor › Envoyez un message privé àKlarinetthor
L'autre jour je croise ca dans les bacs : et ouais, il est encore ressorti avec une pochette bien insipide et bien des années 2000. Le disquaire me disait que c'etait pas la meme playlist (vont mettre quoi de plus, une itw de Paul Gio ou de Christopher Lee?) alors que c'est exactement la meme. J'ai rien dit car le gars pourrait etre mon grand-pere et qu'il a sorti du Godflesh et du Haino.
- Note donnée au disque :
- (N°6) › Envoyez un message privé à(N°6)
Ah putain ! Magnifique !
- Dioneo › Envoyez un message privé àDioneo
Hum... Parle pas de tamponner ! (Cf l'anecdote dans le livret, qui dit que l'actrice "les avait" le jour de tourner cette scène, et que "le lieu doit encore garder des traces de son ADN", donc, à peu près texto dans lesdites notes).
- (N°6) › Envoyez un message privé à(N°6)
Ah ben oui dis-donc. Belle chro. Bien plus intéressante que le film. Suis d'accord sur les moments musicaux (les seuls vraiment biens d'ailleurs) et comment parfois il en use dans l'espace, comme la pseudo scot Britt (désolé) qui tamponne ses murs en guise de percussions lors de la très belle "Willow's song".