Pas rock, la langue française ? Même la poésie peut l’être, il suffit juste de laisser ceux qui ont du talent s’en charger, c’est tout. Les mots sont terribles, quiconque a lu Villon, Corbières, Rimbaud, Lautréamont ou même Jarry le sait, leurs crocs sont plus meurtriers que ceux des fauves. Comme eux, ils doivent être domptés pour révéler leur dangereuse beauté, comme eux, il faut savoir les flatter pour en apaiser la fougue quand elle terrifie. Les mots, Varsovie, ils connaissent, ils en savent la cruauté et l’amertume mais également l’éclat, ils savent comment les affronter et en faire des alliés. La musique aussi, ils connaissent. Varsovie sont des poètes guerriers, des écorchés sublimes, des guides pour mener les luttes intestines qui torturent chacun d’entre nous… Savoir donner aux émotions des noms, des couleurs, des sons, pour mieux les comprendre et ne pas les laisser nous détruire… C’est comme cela que ça marche, il ne faut pas avoir peur. Ces mots, le groupe les assemble en des mosaïques âpres, parfois rêches, mais toujours glorieuses, qu’ils tiennent au bout d’une chaîne… Relâcher, laisser du jeu mais pas trop, goûter le vitriol en même temps que le nectar, cracher la colère mais avec parcimonie pour que ça continue de bouillonner à l’intérieur des nerfs ; c’est ça qui rend l’expérience intense et captivante. Varsovie peut faire du rock intellectuel sans que cela sonne comme une raillerie. Ça n’a rien de confortable d’ailleurs, les mots et la passion, voilà un cocktail qui peut blesser, tuer parfois. Mais Varsovie sont maîtres du jeu et cet album est le leur… Nerveux, sec, il ne déroge pas au style amorcé depuis les débuts, cette violence punk couplée à la tension noire du post punk et l’énergie électrique du rock, il pousse la démarche un pas en avant, plus près du péril, sans crainte de se brûler les ailes. Plus dépouillé, plus axé sur les textes souvent clamés plutôt que chantés, le disque témoigne d’un savoir-faire d’orfèvre de la part du combo désormais réduit à un duo. Pas de temps mort, les alternances d’explosions et de retenue s’enchaînent avec brio, laissant l’auditeur exténué, en sueur, à la fin… Oui, le rock peut être encore être dangereux, délicieusement dangereux.