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Philippe Poirier › Qu'est-ce qui m'a pris

cd • 12 titres • 52:41 min

  • 1La carte postale04:06
  • 2La riviera03:42
  • 3Gouvernance04:16
  • 4Le grand filtre06:24
  • 5Je songe05:43
  • 6206 os carrés04:00
  • 7Les murs blancs03:53
  • 8A bords perdus05:31
  • 9Qu'est-ce qui m'a pris03:04
  • 10Le cénotaphe03:18
  • 11Où nous étions03:45
  • 12Le lac05:00

informations

Réalisé par Stefan Schneider & Philippe Poirier au studio Bleibeil, Berlin, Septembre 2003. Enregistré entre 2000 et 2003 à Strasbourg et à La Petite-Lièpvre par Marco De Oliveira et à Berlin par Bernd Jestram.

Dessins : Phillipe Poirier

line up

Pascal Benoit (batterie), Guy Bix Bickel (trompette), Marco de Oliveira (basse, programmations), Bernd Jestram (basse, vocoder), Ronald Lippok (batterie, percussions, chant, synthétiseurs), Philippe Poirier (chant, guitare, sax alto, samples, synthétiseur, contrebasse), Stefan Schneider (synthétiseur, guitare), Katarina Hein (choeur), Vincent Robert (contrebasse), Jean-Philippe Chalte (électronique), Max Bruckert (électronique)

Musiciens additionnels : Dominique A (chant 3, choeurs, guitare acoustique 8)

chronique

  • chanson française +++

Album culte. Ou il devrait l'être si l'attention des critiques et du public était un peu moins concentré sur des grandes figures tutélaires statufiées au fronton du temple de la Chanson, ou du Rock, Français(e). Mais au diable les étiquettes, dont Poirier est bien le dernier à se préoccuper, alors qu'il aborde le genre chanson de front, délaissant les interludes et pièces instrumentales qui fascinaient cependant déjà sur ses précédents albums. Un aspect clairement expérimental qu'il ne met pas vraiment de côté mais qu'il intègre, de façon organique, à sa manière de composer des chansons, toujours à-peine-chantées mais un peu plus qu'avant cependant, peut-être parce que certaines, il les avait données d'abord à d'autres, en particulier à des femmes. Philippe Poirier fait donc des chansons, et il assume. Et dès "La carte postale", l'évidence est là, il y en aura des grandes, des marquantes, aux textes toujours ciselés à sa façon bien particulière, pour être dits-chantés sur un fond sonique particulièrement chiadé. Moitié rock soyeux, des réminiscences de son ancien groupe Kat Onoma émergent parfois dans le traitement des cuivres (la trompette de Bix Bickel fait d'ailleurs une apparition), moitié électro d'inspiration berlinoise d'avant-garde (à côté de Stefan Schneider, à nouveau, le duo de Tarwater participe à la réalisation), hypnotique et griffonnées de samples conférant un aspect trompe l'oeil à chaque texture. De la chanson qui cherche, et qui trouve. Pas un hasard, à maints égards, de voir figurer au générique de cet album phare des années deux-mille, où qui aurait du l'être, l'ami Dominique A, paradoxalement pas venu pour effectuer une transition plus douce vers une grande famille, non, mais qui écrit et chante sur un bien étrange "Gouvernance" tout de bourdonnements glitchés vêtu, un des morceaux les plus déroutants et cryptiques de l'album. Arrivant juste derrière, "Le grand filtre" (jadis offert à Françoiz Breut, ex-compagne du nantais, voyez le lien) de et par Poirier fait figure de tube aquatique, aux arrangement de cordes apocryphes ondoyantes en mini-vaguelettes, le genre de chanson qui aurait du devenir une référence comme certains morceaux à la fois aventureux mais pourtant terriblement accrocheurs d'un Bashung. Ouais, je balance du nom, y a pas de raison. Même si Poirier et son sprecht-gesang légèrement détaché a vocalement plus de rapport avec un Gainsbourg ancien (ouais, et c'est la classe naturelle, c'est pas juste une banale histoire de "faire comme"), en beaucoup moins retors, en version conteur d'histoire mathématicien, à la diction néanmoins précise et aux formules aïgues comme la pointe d'un compas. Et il réussi sur tous les plans, qu'il se frotte à des secousses aux sensations de chanson free-jazz, "206 os carrés" magnifiquement heurtée, ou qu'il se glisse le long de l'évidence d'une mélodie mélancolique et sensuelle, qu'il achève de ses lignes claires de saxo d'une élégance sans nom, "Les murs blancs". La répétition des samples traversés de sons inquiets confère une atmosphère infiniment étrange à des chansons-rêves comme "Je songe", ou au poème en prose quasi-ambient d'"A bords perdus", magistral et onirique, qui fait perdre ses repères à l'auditeur transporté ailleurs, dans une autre mémoire, lointaine, un autre monde : "Le sol est doux, la mélodie charmante. Est-ce là le long séjour ?", question restée en suspens sur un tapis d'humus électronique, aux fragrances piégées diffusées par quelques notes de guitares acoustiques, toujours les mêmes (l'ami A, à nouveau). Poirier est un maître du jeu discret qui sait prendre les chemins cachés, jamais deux fois les mêmes, comme le montre cette nouvelle version du fabuleux "Qu'est ce qui m'a pris" déjà entendu sur l'album de Zend Avesta quelques années plus tôt. Beaucoup moins effrayante et paranoïaque, tout en pizzicati presque guillerets, elle gagne en énergie baroque et en ironie ce qu'elle perd en menace, expédiée en trois minutes comme si, connaissant déjà les ratiocinations tragi-comiques du narrateur, il valait mieux foncer au galop, sur un cheval en bois cette-fois-ci. Le temps d'un écart fait à la langue française signé de l'allemand Ronald Lippok sur le très hypnotique "Où nous étions", et Poirier se pose sur les berges d'un lac qui évoque un autre pôle de ce qui se fait de mieux dans la chanson française de haute tenue, avec des textures planantes et minimalistes que n'aurait pas renié un Murat de l'époque "Dolores" (quand on délaisse à ce point un petit bijou pareil, autant y aller avec des références, une fois n'est pas coutume). D'une suprême élégance, d'une exigence sans faille, ce premier album à proprement parler de *chansons* de Philippe Poirier, ex-Kat Onoma comme on dirait si on était dans un média culturel, devrait être dans tous les classements des disques indispensables de la décennie, trônant fièrement aux côtés des grands noms du genre. Au lieu de ça, il reste un album culte qui n'attend qu'à être redécouvert. Après tout tant mieux. La qualité ne se jugeant pas à l'aune de la réputation. Et fi du canon. Un album culte, pour qui le voudra.

note       Publiée le samedi 1 novembre 2014

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    (N°6) Envoyez un message privé à(N°6)
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    Oui, d'ailleurs "La boite", sur l'album suivant (encore meilleur) est aussi un morceau écrit pour Françoiz Breut. J'avais vu Poirier manipuler ses vieux 78 tours lors d'une carte blanche mémorable à Dominique A à la Ferme du Buisson (où il y avait aussi les machines joueuses de Pierre Bastien).

    nicola Envoyez un message privé ànicola

    Tiens donc, Dominique A par ici.
    Derrière le grand filtre est d’ailleurs la première chanson de l’album Vingt à trente mille jours de Françoiz Breut qui date de 2000 et où on retrouve Dominique A, Philippe Katerine ou Yann Tiersen.

    (N°6) Envoyez un message privé à(N°6)
    avatar

    C'est l'automne, la saison parfaite pour ressortir Philippe Poirier. "le grand filtre" est une chanson tellement magnifique.