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Béla Bartók (1881-1945) › Le Mandarin merveilleux (a csodálatos mandarin)

cd • 12 titres • 31:02 min

  • 1Prélude1:16
  • 2Lever du rideau1:41
  • 3Premier jeu de séduction3:44
  • 4Deuxième jeu de séduction3:04
  • 5Troisième jeu de séduction2:25
  • 6Effarement général – Les vagabonds toujours dissimulés dans leur cachette font signe à la fille de commencer tout de même, de s’approcher du Mandarin, de le séduire1:14
  • 7La fille ne peut se décider, elle recule en frissonnant4:33
  • 8La fille est maintenant sur les genoux du Mandarin, qui commence à être secoué de frissons nerveux2:29
  • 9Les vagabonds sortent alors, s’emparent du Mandarin et dégagent la fille. Ils le dépouillent de ses bijoux, de son argent2:06
  • 10Mais soudain, d’entre les coussins, pointe la tête du Mandarin et son regard plein de désir cherche la fille. Tous sont figés de stupeur3:00
  • 11Épouvantés les trois vagabonds délibèrent à nouveau pour savoir comment se débarrasser définitivement du Mandarin1:21
  • 12La lampe tombe et s’éteint. Le corps du pendu commence à s’éclairer de lueurs bleuâtres et vertes mais son œil continue de fixer la fille4:09

informations

Enregistré en 1971 par Raymond L. Moore. Produit par Andrew Kazdin.

Bien que Bartók l'ait composé entre 1918 et 1919, Le Mandarin Merveilleux, « Pantomime en un acte », n’a été créé que sept ans plus tard - le 27 novembre 1926, précisément, à l’Opéra de Cologne. Les représentations prévues dans le même lieu après cette création ont d’ailleurs été interdites par le maire de la ville – Konrad Adenauer – le caractère érotique et morbide affirmé de l’œuvre ayant dès cette première suscité un scandale. L’interprétation de l’œuvre ici chroniquée (CD Sony Classical, 1991) occupe les plages 8 à 19 du disque ; elle y est précédée des 4 Pièces pour Orchestre (1912 ; plages 1 à 4) et des 3 Scènes de Village (1926 ; plages 5 à 7) du même Bartók, également dirigées par Boulez. Peinture par E. Ross.

line up

Schola Cantorum ; Hugh Ross (direction de l’ensemble vocal) ; New York Philarmonic ; Pierre Boulez (direction de l’orchestre)

chronique

L’intrigue est simple. En Chine, dans un bas quartier – l’époque ne nous est pas dite, ni la cité – une prostituée aguiche. A l’arrière plan, cachés, trois complices - trois souteneurs – guettent pour agresser et dépouiller le client qui tombera dans son piège. Ils repoussent les gueux, les pauvres, leurs semblables. Survient un Mandarin – c’est à dire un haut fonctionnaire de l’Empire, l’outil zénithal de l’Autorité, qui rôde là un soir. La courtisane l’attire. Les malandrins fondent sur lui pour l’occire, l’étouffer sous un coussin. Ils pillent le corps. Mais celui-là se relève. Ils tentent de le tuer une deuxième fois, de le poignarder. Il s’en relève encore. Pour finir ils le pendent. Tandis que lentement la vie le quitte, il continue de fixer la fille de son regard lubrique. Le Mandarin Merveilleux est un drame. Un cauchemar, un épisode surnaturel. Un théâtre musical de frayeur, d’horreur, d’affrontement vain. Tout y est mouvements heurtés, masses oppressantes et traits dissonants. Les cordes elles-mêmes, le plus souvent, comme les vents, y font blocs propulsifs, en mouvements contrariés, chocs percussifs. Les voix individuelles – le quatuor à corde pour les brigands ; les cuivres pour le Mandarin ; la clarinette pour la fille – y sont d’extraordinaires lignes de tensions, harmonies déformées, motifs brisés ; machines, matrices rythmiques dont les ralentissements nous écrasent de leurs lourdeurs, dont les cassures nous assènent l’horreur de ce qui se joue. Les chœurs, au dernier mouvement, sont la voix sourde des mondes d’en bas – où rien ne se résout mais tout sombre et se déchire, éternellement condamné à cet instant de la chute. La chorale étire le moment, fait halo autour du cadavre. L’orchestre ne se laisse pas submerger par l’extinction, l’endormissement, leur tentative d’engourdir, d’accompagner la fin. Les trombones triomphent sinistrement, leur clameur : le Mort désirant continue de se dresser. De dominer. L’Ordre est brutalité, son besoin inextinguible. Cette pièce n’a rien de confortable, de charmant. Tout ou presque y agresse, y est dur, instable, pesant, intense jusqu’à la gêne, le douloureux. Pas sans beauté mais alors d’un type brutal – et toujours, à tel point de chaque mouvement, à leurs phrasés : contrariée, défaite par une explosion, une soudaine note ennemie, une torsion chromatique qui vient noircir le son, froisser l’espace. Un cluster qui grêle, des timbres qui cinglent leur pluie de projectiles. Les "jeux de séduction" mêmes sont bruités par des bourdons d’enfers en sourdines, inquiets, stressés, grevés d’attentes, pollués de peur larvée, de contrariété, raidis de répugnance pour leur parade et l’objet du ballet. Le New York Philharmonic, ici, porte, projette parfaitement cette pièce terriblement dense, sa course en même temps disloquée – sonorité nerveuse, le jeu comme réticent à l’idée même du legato. Et la direction de Boulez – obsédé par la clarté de l’articulation, maniaque de la lisibilité, à qui on a parfois reproché même une approche de mécaniste, d’ingénieur – est pour le coup complètement idoine. Ce morceau de ténèbres agitées, de forces qui broient l’humain, le raidissent, l’asservissent dans sa routine même, son compromis avec "le monde et sa marche" y trouve son effrayante vigueur. La musique de Bartók – ce mâcheur, ce cracheur de rythmes ; ce paniqueur d’harmonies – est ici au moins doux de sa manière ; l’orchestre et le chef en libèrent sur nous la charge – violemment expressive, fantastiquement cabrée.

note       Publiée le mercredi 15 octobre 2014

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    bubble Envoyez un message privé àbubble

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    Klarinetthor Envoyez un message privé àKlarinetthor

    Adieu Pierre...

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    Klarinetthor Envoyez un message privé àKlarinetthor

    En parlant de Boulez: un coffret de 67 CDs de ses enregistrements sur columbia et sony classical vient de sortir ce mois-ci. Pour ceux qui aiment sa direction, et dans son répertoire conventionnel (Bartok, Stravinsky, Schoenberg, Berg, Webern, Berio, Varese, Berlioz, Debussy, Ravel, Messiaen, De Falla, Carter, et lui-même) et pas si conventionnel (Handel).

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    Klarinetthor Envoyez un message privé àKlarinetthor

    je pense que les deux peuvent être liés, voire une grande partie de la musique "bruitiste" de Bartok. Son génie est d'y rajouter autre chose et que ce soit cohérent.

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    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
    avatar

    Ah ! C'est surtout que le Sacre, je le lierais plutôt à la musique pour cordes, percussions et céleste, du même Béla !

    (Et - histoire de faire de deux d'une même si du coup ce sera incompréhensible lu hors-contexte - pour ce qui est du lien Obey/Evil Heat : c'est surtout que je ne le connais pas, cet Oxbow là ! M'rappelle que c'est un truc à réparer, d'ailleurs).