Lacrimosa › Stille

Vingt ans après, je puis parler plus sereinement de Lacrimosa au delà des trois premiers albums. Non que je sois devenu fan mais je me suis habitué au style d’un groupe qui aura au moins eu le mérite de poser sa patte et une identité unique malgré tout, sans trop de redites. Ou plutôt si, on peut presque dire la même chose de chaque disque produit par le duo avec ses nuances de bon et de mauvais. Premièrement, l’uniformité n’est jamais de mise, les morceaux sont longs et souvent riches en breaks, changements d’orientation, accélérations, montées et cela constituait d’ailleurs une faiblesse puisque notre ami Tilo Wolff était capable de faire cohabiter des passages profonds et sentis avec des nuances ultra kitsch ou simplement hors de propos. Il me semble avoir progressé de ce point de vue, même s’il n’est pas toujours aisé de comprendre le besoin de faire durer. J’en veux pour preuve le final de près d’un quart d’heure; il aurait pu faire l’objet d’un single à lui seul car il est plutôt riche avec intro de chants féminins, percussions néoclassiques, le tout enchaînant sur le metal gothique si typique du duo, avec batterie et arrangements de cordes, des passages dépouillées, des accélérations (beau jeu de batterie), avant que les guitares ne finissent pr se joindre à la fête. Je suis beau joueur, les thèmes de base sont plutôt sympa, Tilo chante avec beaucoup d’émotion mais après cinq minutes, on a compris l’idée. A quoi bon tout laisser retomber pour recommencer la structure avec des parties de gratte plus développées ? C’est beaucoup trop long, ce d’autant que les chansons précédentes durent elles-aussi. Apparemment les Lacrimosa n’ont toujours pas appris l’art de la concision. Toujours cette impression de compositeur classique frustré qui veut faire de chaque pièce une mini opérette ? D’autant que si les séquences sont bien menées, leur progression n’apporte pas réellement de bonus, ni même de vrai climax. Il ne suffit pas de reprendre en choeur avec tous les éléments pour accentuer l’émotion, ce la donne juste un final grandiloquent, certes moins pompier que par le passé mais pas ultra émotionnel aussi. Donc la durée, première faiblesse. La seconde à mon sens demeure la difficulté à créer des titres mémorables. Certes chacun d’eux est complexe, fouillé, parfois même assez remarquable dans son agencement mais l’impression laissée est davantage celle d’une accumulation de thèmes que d’ un morceau complet plutôt que complexe. J’en veux pour preuve ‘Siehst du mich im Licht ?’ que j’écoute volontiers mais qui ne me laisse rien une fois la dernière mesure jouée. On me rétorquera que Lacrimosa ne font pas de la pop et qu’il faut écouter comme on écouterait du classique. Pas faux mais l’aspect metal rock demeure présent dans la composition et l’aspect ‘Rondo Veneziano’, je ne suis pas très fan. Le single choisi, ‘Stolzes Herz’, plus compact, plus clairement orienté metal peine lui-même à s’extraire ouvertement, la faute à Tilo qui chante beaucoup trop de mots durant ses refrains. Bref, oui, globalement le travail est nettement plus cohérent, le groupe a progressé, sonne moins kitsch et décousu mais franchement s’enfiler ce disque d’une traite est aussi digeste qu’un plat de crurrywurst nappé de camembert fondu. De ce point de vue ‘Not every pain hurts’ chanté par Anne et rythmé version valse de bal de fête foraine (que même la guitare n’étouffe pas complètement) constitue la bouffée d’oxygène dans ce ‘Stille’ trop lourd. On complimentera volontiers aussi ‘Mein zweites Herz’ plus orienté fanfare symphonique funèbre, sans guitare lourdingue, autre point fort. Le problème est que le duo produira mieux même si, pour chaque disque, la durée excessive demeure la faiblesse numéro un; il y a toujours une ou deux pièces fortes mais qui se trouvent prisonnières d’arrangements n’en finissant plus. Nul doute que les fans crieront au génie mais pour ma part, si j’admets que beaucoup de travail a été fourni, qu’il est clair que le combo a pris de la bouteille et sonne moins kitsch et bâclé, plus mature, au jeu des comparaisons, des albums comme ‘Hoffnung’ ou ‘Testimonium’ proposeront mieux dans un registre similaire.