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Charlemagne Palestine & Joachim Montessuis › Voxorgachitectronumputer

  • 2011 • Sub rosa SR326 • 1 CD digipack

cd • 1 titre • 60:38 min

  • 1Voxorgachitectronumputer60:38

informations

Enregistré live en l’église du Gesu, Toulouse, le 29 juin 2007, pendant le festival Comme un Été.

line up

Joachim Montessuis (voix, ordinateur), Charlemagne Palestine (b. 1945) (voix, orgues)

chronique

"Le drone c’est facile" ? Le drone c’est risqué, quand on vise autre chose que l’épate, que l’arnaque spiritualiste, un peu new-age – new-age-ambient ou new-age-metal-extrême, c’est à vrai dire le même travers qui guette. Musique de trois fois rien, de transformation lente, souvent minime – musique minimale. De là, il est toujours possible d’adopter en prétexte une philosophie de la moindre intervention. De laisser tourner ce dont le son s’écoule, émane : générateurs électroniques de fréquences pures, amplificateurs poussés au plus haut volume face aux micros des guitares, des basses, boucles de sons concrets… D’ici, aussi, on peut réellement tomber dans la vibration – à l’intérieur de l’onde ; y entrer, s’y laisser, s’en laisser traverser ; trouver l’attention juste au détail qui fait touche, déclencheur, guetter l’instant d’infléchir tel ou tel cycle. Le drone – oui – peut se contenter si on ne cherche pas plus, autre chose, de "faire illusion" ; certains ne s’en privent pas, accompagnant parfois disques et concerts, alors, de tout un cirque théorique – inventions de loges, d’ordres, salmigondis de croyances et pensées "exotiques" (plus ça vient de loin plus ça fera sérieux) – se parant de capuches de moines, fréquemment, se présentant sur scène en processions rituelles ; on notera d’ailleurs que tout humour – toute forme de plaisant questionnement, de relativisation – n’est pas forcément absent de cette démarche : je doute qu’on doive prendre complètement au sérieux les accoutrements d’un Sunn O))) à l’époque où ils usaient et abusaient du procédé, ou les défroques shinto-couvent-de-la-bête-sacrée des américano-nippons Bloody Panda (quoi qu’on puisse penser, d’ailleurs, de leurs manières, de la puissance ou non de leur art, de leur finesse ou pas). En tout cas… Ce disque-ci est bien ailleurs. J’avoue connaître assez peu Charlemagne Palestine, avoir peu écouté de ses œuvres. Je connais peu son histoire, son itinéraire, ses recherches et leur fondement ; j’entends certes ici son passé de carillonneur ; j’ai peu pratiquée sa quête, comme il dit, du "son d’or". J’ai vu Joachim Montessuis en concert, par contre, en performance, dans un tout autre contexte. J’avais aimé le côté très immédiat, physique de ce moment qu’il occupait ; pas une mimétique de cormorans ou autres bêtes mais presque – on m’excusera : je le dis au sens de Deleuze – un devenir-oiseau, un devenir-animal dans ses cris et mimiques. Un engagement, oui, ricane qui voudra, qui exigeait et inventait une curieuse "technique". Et ce disque-ci – rencontre de ces deux hommes pour un concert dans une église – m’enchante. Chaque fois j’ai cette impression : qu’il libère autours de moi son espace. Que les tours en dilatation des orgues – spirale grandissante – se développent autours de moi, au seuil de la matérialisation. Que les fréquences en battements – c’est un terme acoustique précis, pour ce coup là pas une métaphore – apaisent mon attention sans jamais l’endormir ; en l’aiguisant, plutôt, en rendant à l’écoute sa focale juste. Sans doute l’acoustique du lieu – justement – joue-t-elle dans cette magnificence plastique de la sonorité, cette beauté des vagues non fascinante mais attirante, séduisante mais qui laissent en lucidité, qui y pousse, voire. Réellement, Voxorgachitectronumputer – joli titre descriptif et imprononçable défait du poids de n’être que ça, en passant, avec ses déclinaisons en lignes qui s'amenuisent, sur la pochette – semble distendre, étendre le temps. L’œil, à son écoute, s’attarde sur chaque détail, le détoure, en perçoit la brillance ou la matité propre. L’ouïe mesure la longueur et la proportion – dût-elle contredire les chiffres qui défilent sur le compteur du lecteur CD – de chaque bruit extérieur accidentel, ténu ou plus fort, pas parasite mais distinct : ici, le robinet qui lentement goutte, les terrasses qui ferment, les rideaux métallique qui descendent aux façades de ma rue, les tables qu’on range ; au moment du concert, sans doute : il y a bien dû y avoir des toux, des jambes qui se dépliaient et se mettaient en place pour soulager la circulation sanguine, éviter la crampe musculaire… Je ne sais pas non plus à quel point ce qui se joue ici doit être pris comme tentative mystique transcendante ou quête de l’immanent. A l’oreille, au ressenti, à la survenue de ces vocalises en montées et énoncés de gammes, de modes, au moment où le son de l’orgue s’enfle et bouillonne en saturation, en harmoniques de tambura (l’instrument, le bourdon à cordes qui donne en continu le ton dans nombre de musiques indiennes), j’aurais tendance à pencher pour la seconde hypothèse, l’illumination profane, purement sensible, matérielle. Tant le timbre y sonne brut, les hauteurs précises mais l’articulation, l’émission dénuées du souci d’orner, de faire hymne, élégiaque – la place des sons exacte mais niant la notion illusoire d’une perfection qui rendrait abstraits gorge, diaphragme, corps. Voilà, en fait : le drone, quand il n’est pas tour de passe-passe, étalage, surenchère du moins-est-mieux, c’est une histoire de corps, la question soudain perceptible de leur résonance. Là, je la trouve merveilleusement saisie, rendue, le support ne réduisant pas ce qui a du naître et flotter, grandir, dans le temps où ils ont joué. Ce n’est pas si souvent qu’un disque ainsi enregistré me fait goûter ce qu’il en fut sans que je regrette d’avoir loupé la circonstance.

note       Publiée le jeudi 9 octobre 2014

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    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo  Dioneo est en ligne !
    avatar

    (Mercipourelle)

    Ceci dit je ne sais pas si ça se trouve à l'aise, maintenant, aucune idée en fait. (J'avais chopé ça à un concert dont Montessuis était l'organisateur, pour ma part...).

    allobroge Envoyez un message privé àallobroge

    Cette belle chronique donne envie!

    Alfred le Pingouin Envoyez un message privé àAlfred le Pingouin

    Ah je connais pas celui-là du Charlot. Faut dire, il en a fait des tonnes avec tout le monde depuis son retour dans les années 90. Entre Pan Sonic, Jaenek Schaeffer, Rhys Chatham, Chris Watson, Z'Ev...