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Philippe Poirier & Stefan Schneider › Automne Six

cd • 10 titres • 41:53 min

  • 1Seule03:55
  • 2Les minces formes du monde04:56
  • 3Sur le sable03:49
  • 4C'est plus la taille05:14
  • 5Les images04:30
  • 6Kurz02:32
  • 7Araka04:38
  • 8Mes objets03:43
  • 9Soirée03:22
  • 10La traversée04:56

informations

Enregistré au Théatre de la Comédie pendant "La Bâtie-festival de Genève" 2002, Studio des Tonneliers, Strasbourg et Bleibeil, Berlin, studio Silver Mine entre Septembre 2002 et février 2003. Produit par Stefan Schneider, Philippe Poirier & Bernd Jastram.

Edition limitée à 2000 exemplaires.

line up

Philippe Poirier (programmation, samples, voix), Stefan Schneider (programmations), Hanno Leichmann (batterie, percussions), Bela Leichmann (percussions additionnelles)

chronique

Kat Onoma étant une affaire réglée, Philippe Poirier se tourne vers d'autres collaborations. Ce n'est pas nouveau pour lui, ayant déjà sorti un album de free jazz avec le vieux compagnon de route Yves Dormoy, et ayant participé à l'album Zend Avesta du nancéen Arnaud Rebotini pour le mémorable morceau "Qu'est ce qui m'a pris ?". C'est toujours au Nord-Est que se tournent le regard et les oreilles de Poirier, vers Berlin, où il rencontre les expérimentateurs électroniques de To Rococo Rot, et bientôt, avec Stefan Schneider, livre un album à quatre mains à l'occasion d'une résidence en Suisse. La germanophilie, on n'en sort pas. Elle prend la forme de ce que l'Allemagne a amené de plus moderne à la musique populaire, l'électro, touillée en une recette infaillible avec les triturages de samples et d'instruments acoustiques et cuivrés de Poirier, à la fois guitariste et saxophoniste très libre d'âme. Et toujours plus conteur plus que chanteur, son sprecht-gesang tendant cependant de plus à plus à caresser la forme chanson, à oser les mélodies vocales en reprises de vrais refrains. Tout en restant à hauteur du tapis synthétique que fait dérouler Schneider, en de longues et hypnotiques ballades aux beats parfois secoués d'arythmie soudaine, comme pris de quintes de toux malicieuses qui viennent dérouter un demi-temps l'inébranlable débit d'un Poirier posé mais pas poseur, quoique sa tessiture en rappelle d'autres plus anciennes qui s'étaient jadis posées dans ce cadre de chanson-narration aux phonèmes légers comme de la fumée de cigarettes. A l'aise le Poirier, pas dénué d'une certaine sensualité, lui qu'on qualifierait feignassement de simplement cérébral, quand il décrit avec force détails la femme allongée en robe de soirée au milieu des objets cassés, traces mystérieuses de colère passée ou simple vue d'un esprit toujours rêveur, toujours prompt à contempler des tableaux étranges. Le sens de la formule aussi, alors que les synthés de Schneider se chargent de l'élixir à faire tourner la tête comme un fond de bar lounge vu de l'intérieur d'un verre, casser la bulle et dévier les regards vers les coins inattendus de ritournelles électroniques, Poirier sait énumérer et rendre leur gloire aux plus petites images-mouvements qui passent dans le champ, ces "Minces formes du Monde" dont il salue l'existence avec une élégante quasi-nonchalance, "c'est beau, ça nous occupe". Ou dans un des morceaux qui suit, de lâcher un "Comme c'est épuisant de voir la beauté passer, regarder n'est pas assez." Acuité de regard et de la réflexion, Poirier en miroir de nos cerveaux fatigués, alors heureux de se frotter un peu à la transe doucereuse d'une électro serpentine. Atmosphères pleines de bips et de beats, de textures scintillantes et froides, mais aussi d'un feeling presque jazz, dans la batterie et les percussions qui viennent s'ajouter aux samples trafiqués de Poirier, grand amateur de 78 tours, au passage. "Sur le sable" va et vient comme une marée de cuivres mis à la queue-leu-leu en boucles infinies, soyeuses et grignotées en vain par des jaillissements de bulles artificielles. Poirier sur la plage, en contemplation d'un visage de femme tracé dans les éphémères micro-dunes de micro-grains, récit qui part en vrille, Poirier la gueule par terre, la gueule dans le sable, occasion de les voir de plus près encore, ces milliers de petits grains. Parfois la voix se tait pour laisser place à la programmation, comme des interludes inquiétants entre deux phases de sommeil paradoxal, entre deux siestes traversées de visions inconfortables et absurdes, "Soirée" fait même figure de mauvais trip, avec ces sons déformés qui chutent et rebondissent, de l'ambient de dedans du cerveau, de l'électro-synaptique pas sympathique. "Araka", avec ses cordes brouillées surgissant de nul part sur un tapis grouillant de beats et de samples grésillants fait de la bouillie de vos instruments organiques, du downtempo en traitre qui hésite, bégaie un coup avant de sautiller allègrement et repartir de plus belle, jamais confortable, jamais bien dans les rails. Du coup le charme se fait insidieux, comme cette mise en bouche pendant les deux premières minutes de "C'est plus la taille", qui se module et se démodule à loisir avant qu'enfin la voix presque susurrée de Poirier trouve un façon bien particulière et intriguante de s'introduire dans le cerveau : "Parfois, pas n'importe où, une porte s'ouvre, et là c'est rewind." Précision de la formulation et mystère du choix d'un mot incongru qui tombe comme un cheveu sur la soupe. Rewind ? Elément perturbateur dans la langue parfaitement calculée de Poirier qui d'un coup prend des inflexions familières, ses doigts grillant des bouts de blues tordus sur une guitare opaque. Tout ça pour ouvrir un vieux grenier à mémoire, un grimoire magique vers des souvenirs dans lesquels on ne rentre plus. Evidence d'une magie de conte d'enfant, retrouvée dans le tout dernier morceau, entièrement dit et non plus chanté, sur des drones et des mécanismes sonores comme des horloges qui remonteraient dans le passé, le temps d'un rêve de dormeur, sur un océan d'où surgissent des petites bulles d'histoires anciennes sous cloche, des fragments d'évènements et de personnages. Une histoire à dormir debout qui se termine quand le personnage contemple ce paysage irréel et réminiscent dans lequel passe tranquillement le paquebot abritant sa propre forme de dormeur. Jeu de miroir bercé par une guitare de coucher de soleil. Un dernier cocktail pour une dernière gorgée onirique.

note       Publiée le mardi 7 octobre 2014

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