Vous êtes ici › Les groupes / artistesIImperial Tiger Orchestra › Wax

Imperial Tiger Orchestra › Wax

lp • 9 titres • 44:19 min

  • 1Konso6:19
  • 2Lelele4:55
  • 3Yaseryshery5:33
  • 4Bechereka Moshete5:13
  • 5Che Belew4:01
  • 6Shered3:21 [version CD uniquement]
  • 7Tgeregna7:03
  • 8El Naas Elgiagfa4:38
  • 9Sudani Tune4:16

extraits vidéo

informations

Enregistré à Genève en octobre 2012 par Antoine Petroff. Mixé par Antoine Petroff au studio Le Silo, Renens. Mastering et montage par Adi Flück au studio Central Dubs, Bern.

Illustrations : Benoît Guillaume. Le titre Shered n'est pas présent sur l'édition vinyle de l'album. L'intégralité de l'album est en écoute sur la page bandcamp du groupe (voir lien ci-contre).

line up

Raphaël Anker (trompette, clavier), John Menoud (saxophones, électronique), Alexandre Rodrigues (claviers), Cyril Moulas (basse, phin, krar, guitare), Luc Détras (kebero, pads, kayamb), Julien Israelian (batterie, wax machine)

Musiciens additionnels : Gabriel Gebresghi (voix sur 4 et 7), Julien Lessuisse (flûte sur 1), Getu Tirfe (voix sur 3)

chronique

Je me souviens parfaitement de ce concert. "La baffe", comme on dit. Par surprise. Mais une bonne, soyons clair : de ce genre qui en musique font du bien autant que "ça fait mal". Apparemment eux ne s’y attendaient pas non-plus, d’ailleurs. On avait du leur dire qu’ici les gens étaient statiques. Ou alors ils n’avaient pas mesuré leur magie forte, ce soir là… Toujours est-il que ça remuait, dans ce lieu pas très grand et trop chaud. J’aurais même juré que certains réalisaient sur place et dans l’instant qu’ils étaient capables de vraiment bouger. De mon point de secousse, juste devant la scène, j’entendais bien – d’ailleurs ils indiquaient entre les morceaux chaque provenance – qu’ils prenaient leur matière ailleurs. En Éthiopie, manifestement ; avec ce que ça implique aussi de voix multiples et pas toutes concordantes : depuis l’Érythrée, le Tigray… Et puis disaient-ils, au Soudan, en Lybie, me semble-t-il… En Nubie. Bizarre pour des Suisses ? Rien en tout cas – au sens deuxième du terme – ne sonnait "emprunté". Moderne, oui. Libre. Avec cette foison de claviers, cette curieuse chose électronique à vent, ces fantastiques montées de guitares au son si électrique, foutrement rock parfois, qui piquaient longuement vers la transe, s’entrelaçant, dépassant, rattrapant les soufflants, tressant la propulsion, l’emballement sans fin. Et ces percussions, aussi, si exemptes de toute raideur dans leurs comptes étranges et tours parfois impairs et leurs retours abrupts aux simples syncopes qui – miracle – semblaient se couler sans choc aux cours. Tout ça s’était conclu en tout cas par un quasi stupéfait "merci aux danseurs", après les deux ou trois longs rappels. Ce à quoi l’une des possédées avait naturellement répondu "merci à vous !", pas moins étonnée. On aurait dit qu’on sortait tous d’un bel état second…

Il faut bien l’avouer : l’album n’a pas tout à fait cette puissance immédiate, "attrape" moins pour jeter en déboîtements. Le même feu y est bien mais plus couvé, moins débordant. La finesse de leur jeu, par contre, s’y entend mieux, peut-être, en retour. Le grand respect que de toute évidence ils portent aux morceaux, aux musiciens repris. La largeur et la liberté qu’ils prennent avec les arrangements. Les traces et reflets d’un jazz qu’au moins certains d’entre eux ont du d’abord apprendre, qui ressort ici frais, buissonnier – c’est à dire touffu (je dirais bien : ardent ; mais alors il faudra le prendre en un sens point trop biblique). La flexion reggae du rythme sur celles où ça les prend. L’espèce d’étrange couleur électro, techno légère, même, sur la fin de la face A. En fait c’est le contraire de toute condescendance, il me semble, cette approche. C’est joué, on se dit – le texte reporté sur la pochette intérieure insiste un peu là-dessus ; je ne l’ai lu que bien plus tard, en fait, on le soupçonne sans y avoir posé l'œil – très à l’intuition, sans vraiment se demander, sûrement, si "ça se fait". Approche amoureuse de son objet, qui dans ce qu’elle sait cherche l’ivresse, l’onde et le mouvement, l’embrassement, ce qui se meut sous le dialogue, l’échange conscient des noms, des pas, l’appariement des teintes, le tranché des couleurs, dimensions, arômes, saveurs. L’inédit toucher.

Ce qui est beau, aussi, c’est que nos jours permettent ça – et que certains s’en emparent. Que l’Impérial Tiger Orchestra enveloppe de strates de synthétiseurs un morceau donné comme traditionnel, ça ne devrait pas choquer ; et ça ne choque pas ; et en soi, d’ailleurs, on devrait se rendre compte que ce n’est pas un exploit ; en fait, l’oreille qui déjà s’est posée sur les musiques originales ici reprises – ou sur des formes voisines, d’autres du même cru – ne saurait s’en offusquer. Parce que l’erreur n’est pas de "moderniser". L’Afrique – ses pays de côtes en Cap, ses villes, ses populations – ne nous a pas attendu pour adopter l’amplification, les claviers sur secteur ou électrogène. L’Asie non plus, d’ailleurs, ni en fait… Aucune contrée. Tout a été partout approprié. L’échec d’une certaine "world", son approximation – je pense à nombre de productions anglaises ou françaises de la fin des années quatre vingt au milieu au moins de la décennie suivante, notamment dans le catalogue Realworld mais pas seulement (et tout d’ailleurs ne souffrait pas de ce défaut parmi celles là) – a souvent été de vouloir vendre, de vouloir nous refiler une "authenticité" qu’elle ne prenait en réalité que comme un exotisme importé plutôt qu’inventé. Et puis à l’enrober de son kitsch local – celui du studio où enregistraient les "invités", j’entends – sans se demander si ce n’en était pas autant, finalement, que celui d’origine. Et si celui-là devait vraiment s’appeler ainsi. S’il n’était pas fâcheux de plaquer sur sa substance – en proclamant l’universel – une autre vision de la magnificence, du sérieux ; en faisant jouer d’autres déclencheurs émotionnels, quitte à fausser l’équilibre premier – qui le plus souvent procédait déjà d’un délicat, d’un complexe alliage. Pas de ça ici. Eux sont moins précautionneux – moins chichiteux, en fait. Et pas du tout obséquieux. A la rigueur leurs manières rappellent plutôt ces musiques réellement internationales – le raï de Barbès ou de la Place du Pont ou de Belzunce vers le milieu de la décennie quatre vingt ; le rock immigré de la même époque ; la rumba soukouss faite à Paris par les stars "du pays" de passage en studio équipé – au sens où elles respiraient, cette fois sans douteuse "assistance", l’air des lieux où elle s’implantaient. Ou bien encore quelques décomplexés qui, depuis leurs propres terres et insularités, avaient sauté de leur fascination – ce vacillement sur le bord – vers le cœur de ces autres formes, en étaient devenus vraiment familiers ; s’étaient mis en tête que depuis là, il fallait donner ici corps. Des gens pas contraints : 3 Mustaphas 3, Dissidenten ou The Ex, encore aujourd’hui, lorsqu’ils occupent la scène avec Getatchew Mekurya et – décidément – d’autres Éthiopiens ; et des jazzmen, souvent des pays, des quartiers où passent leurs tournées.

Ce ne sont que des exemples... Ce disque est encore ailleurs – il se crée sa propre place. Il est trompeur, piégeux, dans sa décontraction. Je gage qu’il ne prendra pas de sitôt la poussière… Je suis assez impatient – j’espère, je suis curieux – d’entendre ce qu’il adviendra quand, hors scène, ils oseront étendre encore les durées, faire s’affoler le son et monter la densité jusqu’à ce même point de ferveur. Comme ce soir là, tout à l’heure évoqué... Que je ne suis pas près, je crois bien, d’oublier.

note       Publiée le lundi 6 octobre 2014

dernières écoutes

    Connectez-vous pour signaler que vous écoutez "Wax" en ce moment.

    tags

    Connectez-vous pour ajouter un tag sur "Wax".

    notes

    Note moyenne        1 vote

    Connectez-vous ajouter une note sur "Wax".

    commentaires

    Connectez-vous pour ajouter un commentaire sur "Wax".

    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
    avatar

    L'écoute est à un clic. (Bandcamp, donc). Et... Sept/huit ans après, l'effet "ça tabasse moins que sur scène" devrait pas gêner, je pense ! (C'est à dire qu'il y a des chances que tu l'entendes tout de suite "mieux" que je l'avais fait le lendemain ou surlendemain - et la face B est ma préférée des deux, je me suis rendu compte au fil des écoutes ; peut-être parce que finalement moins proche dans l'ensemble de ce qu'ils font sur scène, aussi, justement).

    absinthe_frelatée Envoyez un message privé àabsinthe_frelatée

    Vus en concert il y a de ça 7 ou 8 ans, le groupe était bien peu de chose question notoriété je pense. Super concert, évidemment, mais je n'ai bizarrement jamais jeté l'oreille sur ce que ça donnait sur album. Sûr que là ça donne plutôt envie.

    dariev stands Envoyez un message privé àdariev stands
    avatar

    Le précédent, découvert via une des radios de proggy (bénies-soient elles ces radios) , m'avait bien enthousiasmé, avec ses relents de Stevie Wonder instrumental et jamaïcanisé, et son chaloupement irrésistible. Faut encore que j'écoute celui-là, et ta chro fait assez envie (pourquoi je suis pas allé à ce concert grrrr). J'en profite honteusement pour encore et toujours chanter les louanges du meilleur groupe afro/ethio actuel, et peut etre mon groupe préféré actuel, allons-y gaiement c'est totalement dans le sujet : https://maisumdiscos.bandcamp.com/album/metal-metal

    Impossible de m'en remettre.