Igorrr › Hallelujah

C'est bien de passer après la tempête. Maintenant que la poussière est retombée, on va pouvoir enfin parler de cette nouvelle fournée d'Igorrr pour ce qu'elle est et non pour ce qu'on voudrait qu'elle soit. Parce que Hallelujah, pas de bol, passe derrière Nostril et qu'il va inexorablement souffrir de la comparaison. Nostril était énorme dans son énormité, et Hallelujah l'est tout autant. Sauf que bouh : l'effet de surprise est passé. On le sait qu'un disque d'Igorrr c'est un disque de tout, qu'on y rencontrera poulets ('Vegetable Soup'), cantatrices ('Tout petit moineau'), black/death metal glitché (l'inévitable aspect Whourkr du projet) et tout ce qui fait le reste ; folk, saxophone, disques de marché aux puces passé à la moulinette, Nicolas Chevreux qui dit ”pamplemousse”, et caetera. On entend bien tout cela, et on entend, derrière, quelque chose qui cherche à être bien plus que cela – bien plus qu'une esbrouffe sonore, à vrai dire. Prenez l'impressionant 'Cicadae' par exemple, glitch-flamenco hystérique maîtrisé du premier chant de cigale au dernier bêlement de mouton ou encore 'Corpus Tristis', avec son chant d'opéra, ses craquements de vinyle et sa rythmique bourrée qui tangue superbement, comme celle du Snares sur 'Sabbath Dubs'. Certaines manipulations sonores laissent encore bouche-bée ('Tootphaste', c'est à base de quoi ce truc ?!) et d'autres, dans leur exhubérance, fatiguent ('Grosse Barbe' qu'on dirait Dev/Null qui remixe les Residents). On sent clairement le boulot, d'autant qu'à présent Gautier Serre s'assure de vrais musiciens pour toutes les interventions acoustiques ; mais de plus en plus il me semble qu'un peu de respiration permettrait au projet de ne pas s'enliser dans une formule qui bien que réjouissante, trouve aussi ses limites intrinsèques. Igorrr étant enfin armé d'un véritable live band pour la scène (avec Laure Le Prunenec et Laurent Lunoir, les deux au chant et Laurent aussi à la guitare), il se pourrait bien que ses horizons s'élargissent pour le futur.