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Catherine Ribeiro + Alpes › Le Rat Débile et l'Homme des Champs

cd • 4 titres • 48:27 min

  • 1La Petite Fille Aux Fraises5:12
  • 2L’Ère De La Putréfaction13:04
  • 3Un Regard Clair (Obscur)4:47
  • 4Poème Non Épique (Suite) [Concerto Alpin en 6 Mouvements]25:24

informations

Ingénieurs du son : Dominique Blanc-Francard. Assistant : Michel Antin. Collaboration technique et mixage : Pierre Latès. Technicien d’Alpes : Marc Ribeiro.

L’édition CD Mercury de 2012 signalée à la rubrique « éditions » est le coffret intitulé Catherine Ribeiro + Alpes – 4 Albums Originaux, qui présente les quatre disques en question sous pochettes cartonnées, versions réduites des pochettes des vinyles. Le Rat Débile Et L’Homme Des Champs est le quatrième de ces quatre disques.

line up

Denis Cohen (timbales, percussion), Patrice Moullet (percuphone, cosmophone), Catherine Ribeiro (vocal), Daniel Motron (orgue, piano), Gérald Renard (percuphone, basse), Jean-Jacques Leurion (orgolia)

chronique

"C’est Suicide ?" demandait un camarade tard une nuit alors qu’un autre envoyait ce disque. On attendrait Alan Vega, c'est vrai… C’est Catherine qui déboule. Elle nous parle de l’été mais c’est pour annoncer la glaciation – hiver nucléaire ou pire : conséquence industrielle logique. Et blague – et fait indéniable que nous étions tous bien entamés à cette heure là – à part, il est vrai que la froideur du son, sur cette Petite Fille aux Fraises, prend de court. Un peu trop communicative. Un peu trop cruelle – avec une distance qu’on jurerait presque jubilante – cette délectation d’une gamine découvrant des fruits donnés comme les tous derniers ; génération que l’initiatrice, la grande – Ribeiro donc – annonce comme celle de la dépossession, du manque ; celle qui verra crever la nature et l’humain. Musicalement, la suite – littéralement articulée en longues Suites, d’ailleurs, dont l’une est nommée concerto – retrouve une manière moins inédite pour le groupe. Pas moins singulière qu’ils l'avaient toujours été. Toujours ces curieuses occurrences – alors et à jamais inédites – de guitares classiques ou ritournelles, folkloriques ; de claviers qui tissent des volutes et volières médiévales ; des timbres uniques, composites sans doute dans les moyens de leur émission mais indivis à nos oreilles - les percuphones et cosmophones inventés par Patrice Moullet. Pourtant, le malaise ne se dissipe pas ; la production, le mixage, maintiennent le voile de givre sale, ce flou de brume pénétrante. Et la parole porte ce morne mordant de la prémonition : sinistre, avis d’anéantissement long, par le poison et la décrépitude. L’ère de la putréfaction, très exactement, comme dit le titre. Le Rat Débile et l’Homme des Champs n’est pas vraiment le revers de Paix, sorti deux ans avant. Il est l’extrême fatigue au bout de son élan. La certitude qu’il n’y a pas de victoire. L’amertume, la rancœur qui là flambaient – "Paix à la haine, à la rage des opprimés…" – s’épand ici impuissante, ronge… Encore une fois : fige dans ce jour faible et sans chaleur. Catherine parle d’une humanité déjà zombie, mutante, dégénérée, fin de course. La catastrophe n’est pas imminente : elle est en cours, perpétuelle, banale ; des bureaux pour l’instant la gèrent, en attendant que les bouffées toxiques aient fait rendre gorge aux employés blasés. Même lorsqu’il y a retour à l’intime – "Je vais crever, dis ! Je vais crever (toi !) et tu n’en sauras rien" – la souffrance prend cette qualité grise et friable, substance désertée de la vie qu’on y goûtait, qu’on regrettait encore dans la perte ; il n’y a plus que constat, plat, neutre, fini, fermé. A vrai dire cet album – en 1974 ! – a déjà quelque chose de post-punk. Précisément, aussi, cette musique annonce ou précipite ce que certaines scènes françaises – juste avant, pendant, juste après – tentaient, effleuraient, remuaient. La Chanson ambitieuse d’Higelin, par exemple, déjà présent depuis quelques années mais qui la suivante sortirait Irradié puis celle d’après Alertez les Bébés ; les soliloques de la Femme Fontaine bien sûr (Brigitte, évidemment) ; mais le free rock d’Apocalypse écologique et sociale de Red Noise ou Lard Free, aussi ; peut-être même les lais prog-rock de Vilains et Loqueteux chantés par Ange, avec leur couleur passée, leurs fresques en salpêtres et autres moisissures… No Future, oui, carrément. Les centrales sont les fiefs qu’il ne faut pas approcher à des cents et des milles à la ronde. (Ils feront des cimetières leurs cathédrales et des tombes leurs cités, comme dit un groupe de nos caves de maintenant, qui l’ont apparemment repris à une bobine survenue entre temps). Bien sûr, et puis, mais encore, pourtant, de plus… Arrive le Poème Non Épique (Suite). Qui ne continue pas celui d’avant – cette plage terrible entendue sur n°2, trois années plus tôt. Qui pour le coup semble vouloir le contredire, même. Affirmer – en mouvement contraire à son impudeur inouïe, aux affres terminales qui y faisaient soubresaut, de la tendresse défaite – un désir sans honte et jamais éteint. Multiple. L’amour des filles noiraudes et celui des hommes avec et malgré, encontre et en plein. Le paradoxe de celle qui voit tout et veut encore. Ou qui ne sait rien mais le dit en détails. Les démons là depuis l’enfance – et qui sont ce qui rôde dans et hors la cage et veut écarter les barreaux, et craint le saccage de l’abri… Étrangement cette plage – la plus longue du disque pourtant, la plus composite, aussi, changeante – me semble aussi la plus…Modeste. Non pas démenti des Visions sans pitié qui précèdent mais voix qui tente de s’en libérer en passant à coté, par dessous. Le ton se casse parfois – brise cette théâtralité dans le déclamé, au fait, qui n’avait sans doute jamais été si forte qu’ici. Une vie affaiblie luit au fond, veut percer la hantise, la conviction du Mal triomphant, installé. Un peu de neige semble fondre, autour du halo pâle. L’humain commence en général – ou bien persiste, têtu – à rayonner envers et contre, autour de trente sept degrés deux dixièmes. C’est ainsi qu’il chauffe la paille où il s’allonge en ses retraites. Et cette musique à la tension cassée continue de s'accomplir lors que les mains s'accrochent.

note       Publiée le mardi 23 septembre 2014

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    SEN Envoyez un message privé àSEN

    Je découvre pas mais j'avais jamais approfondi l'écoute de Catherine Ribeiro et c'est ouf quand tu te poses pour l'écouter chanter sur ce son psyché avec cet orgue de dingue ! Quelle merveille !

    Message édité le 28-09-2023 à 19:47 par SEN

    Note donnée au disque :       
    WZX Envoyez un message privé àWZX

    Je l'avais peu écouté par rapport aux précédents, le choc n'en a été que plus fort. Drôlement remuant !

    Aladdin_Sane Envoyez un message privé àAladdin_Sane

    Trouvé le vinyle d'occasion pas cher chez un disquaire l'autre jour. Une artiste intéressante, sans concessions et malheureusement un peu oubliée aujourd'hui. Je me serais bien procuré le coffret 4 ou 9 cd mais il n'y a pas les paroles (contrairement aux vinyles) dans ses rétrospectives.

    Klarinetthor Envoyez un message privé àKlarinetthor

    Bon, des quatre premiers +Alpes, c'est carrement Ame debout qui le fait le moins, et les trois autres brillent tous autant. Il est un peu a part, je ne sais si ce sont les instrus. Comment ca je suis sur le mauvais album? Mais en fait c'est un meme et seul album a tiroirs

    Note donnée au disque :       
    Klarinetthor Envoyez un message privé àKlarinetthor

    Dernière écoute du rat débile avant de prêter ce coffret (après avoir soigneusement vérifié qu'il est toujours trouvable). C'est peut-etre celui-ci qui me parle le plus, instrumentalement, sans doute pour sa sombritude. Et le lien avec Suicide est certainement légitime; après tout Rev et Vega ont dû s'abreuver de musique progressive similaire à ce qu'Alpes produit dans ses trips les plus poussés. Heldon par exemple pourrait être le chainon manquant.

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