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Catherine Ribeiro + Alpes › Âme Debout

cd • 8 titres • 36:29 min

  • 1Âme Debout7:55
  • 2Diborowska3:35
  • 3Alpes 15:45
  • 4Alpes 27:21
  • 5Alpilles1:22
  • 6Aria populaire2:22
  • 7Le Kleenex, Le Drap De Lit Et L’Étendard3:26
  • 8Dingue4:33

informations

Ingénieur du son : Gilles Salle. Réalisation : Laurent Thibault.

L’édition CD Mercury de 2012 signalée à la rubrique « éditions » est le coffret intitulé Catherine Ribeiro + Alpes – 4 Albums Originaux, qui présente les quatre disques en question sous pochettes cartonnées, versions réduites des pochettes des vinyles. Âme Debout est le deuxième de ces quatre disques.

line up

Patrice Lemoine (orgue), Patrice Moullet (cosmophone, guitare acoustique), Catherine Ribeiro (vocal), Claude Thiebaut (percuphone)

chronique

Le folklore, disais-je. Lorsqu’il est vrai – véritable et mouvant – rien en lui ne sent le musée. Il est le chant des femmes, des hommes, des vivants à même le monde. A hauteur d’existence. Forcément nu et travaillé – d’individualités, de singularités, de contradictions. Nommément – puisqu’alors on est en France, en ce début d’une décennie qui, selon les voix qui racontent l’histoire, perpétuait la comédie d’une révolution, d’une révolte avortée ; ou bien reprenait les feux pour les couver, cachés sous le courant, à l’abri du regard-flic ou exhibée pour masquer seulement la véritable agitation derrière – il est question là de… Chanson. Exagérée, les traits de ladite "réaliste" – rappelez vous alors Gréco ou Barbara plutôt que Piaf ou Réjane – poussés au bout de l’expressionnisme pour toucher plus loin que l’Épinal, défaire l’image figée, le maudit kitsch des faiseurs, des fabricants. En fait, dès le morceau titre – un collègue et camarade d’ici l’avait également remarqué ; nous ne nous étions pourtant pas consultés – celle à qui Catherine fait penser, ce n’est ni Juliette ni Édith. Mais bien Colette. "Magny, la mère", oui. Parfois c’est même confondant comme elle semble lui emprunter des intonations, les lui reprendre directement. Même, leurs manières de scat qui n’a pas besoin de mimer encore le jazz pourraient presque là se superposer. Aussi, il s’entend parfois – ici comme par exemple sur le Vietnam 67 de l’autre, ou sur certains de ses disques d'un même temps – ce caractère direct de ce qui se dit, cette poésie littérale – oxymore supposé mais bel et bien, dans leurs deux cas, réalisé – qui vient se ficher dans l’entendement et au défaut du cœur (qui pour rappel n’est pas sa tare ; simplement l’évent par quoi il pulse comme on respire). Bien sûr, chez Magny c’est plus brut, encore. On croirait parfois qu’elle n’était qu’entrailles – ou que de là elle a cheminé vers la tête, la découverte libre des âmes sœurs – Hugo, Aragon, Machado, Marx ou Louise Labé. On se laisserait facilement penser que pour Ribeiro et Alpes, le chemin s’était fait au contraire : de la pensée sophistiquée, plongée vers le viscéral. Ce sont au mieux des questions un peu oiseuses. Il n’est surtout pas lieu de départager celle-ci, ceux-là. Ce sont des arts frères, des voix où se connaissent de mêmes souffles. Certes, je le répète, c’est parfois déconcertant. On ne sait pas toujours, là, ce qui est humour ou parfaite articulation de ce qui dans l’instant est senti, nécessaire, qui doit sortir. Il ne faut pas – je crois – douter que Catherine et les hommes qui jouent là savaient en tout cas parfaitement ce qu’ils faisaient. Si certaines lignes de Diborowska, par exemple – "Ils se sont aimés un certain temps/Tout le temps où ils se sont aimés" – peuvent décontenancer voire agacer, elles ne sont peut-être au fond qu’hypertrophie des codes de la ritournelle. Sans doute s’il est quelque ironie là-dedans, c’est de renverser la convenance en poussant la supposée naïveté au point où plus rien n’est… Interprétable hors ce que ça conte. Les amants achètent des fleurs au marché. Est-ce ridicule ? Est-ce la cinglante mise en miroir d’un chant de propagande forgé par les comités pour enchanter les masses ? Que reste-t-il dans les Soviets qui soit les peuples ? … Je ne sais pas à vrai dire si celle qui écrivait, si ceux qui jouaient se sont posés ces questions. C’est un folklore, disais-je, d’un genre inventé, certes – mais même ainsi, ceux là n’expliquent jamais, ne traduisent pas. Ils disent, au plus près possible. Mieux : ils montrent, relèvent, animent. C’est le regard qui fait les points saillants autant qu’il y accroche, c’est lui qui est la face réfléchie et évidente de l’intention. Et le folklore, aussi, est toujours un art indistinct des modes de vie – j’entends : non séparé ; non produit pour des circuits à part, spécifiques, divertissement et diversion ; irrecevable par de tiers négociateurs. Ribeiro et Alpes – je crois – en sont alors exactement là. Sans avoir rien lâché de la liberté de forme, d’écriture. Même : on entend là leurs instruments inventés – ces percuphone et cosmophone créés par Patrice Moullet. Et les plages instrumentales, ici, touchent sans doute à la forme la plus épurée de la musique du groupe, la moins encombrée – le contraste est frappant d’avec les autres, aux textes si bruts – de discours. Timbres translucides – d’une beauté lumineuse ; ombre dans la gorge ; cycles qui tournent en exsudant leur densité de plus en plus serrée, prenante. Et puis – vas et viens, logique organique, mouvement naturel de l’aller-retour suivant – lorsque les mots reviennent, ils se font durs, déchirés. La voix qui les porte de plus en plus habitée, hantée, tendue. L’énoncé anguleux, rugueux, volontairement coupant dans la paume. Une sorte de tension contenue à s’en faire mal. C’est sans doute l’un des traits qui nous rend cette musique si intrigante – attirante et dérangeante encore – à tant d’années de distance. A s’exposer ainsi volontairement au plus cru de son jour, elle révèle ce qui coince – ce qui coinçait, ce qui dans cette histoire résonne jusqu’à nous dans son inconciliable. Elle ne se fait pas tribunal : elle énonce simplement l’irrépressible et le contraint, la chair et les éclats de verre et les barreaux aux fenêtres. Il y a dans les deux derniers morceaux de ce disque une folie qui vibre, la tentation du saut tête en avant depuis la chambre du pigeonnier en plein dans l’arc de la serre, de la véranda. Ribeiro – elle l’avait chanté, déjà ; elle le fera encore, in extenso, "par le menu" – avait voulu mourir, quelques temps avant. Elle en était revenue forte – agitée, indomptée, affamée semble-t-il ; l’inverse de ce que dit la science des narcotiques et de l’intégration à propos des suicidaires. Toute la violence, la noirceur, toute sa douceur, et celles de ses gens, tous leurs rires sourdent et flambent de cette Âme Debout. Et fichtre, mais diantre… Chaque fois que finit abruptement la dernière plage j’entends à bout portant cette Raison qui se brise.

Très bon
      
Publiée le lundi 22 septembre 2014

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Tallis Envoyez un message privé àTallis

Elle travaillait, à un moment, sur son autobiographie mais le projet n'a jamais vu le jour. Vraiment dommage.

Et comme le disait Coltranophile, les autres albums d'Alpes (non chroniqués pour le moment) méritent aussi le détour. Il n'y a guère que le dernier (La déboussole) que je trouve moins convaincant.

Coltranophile Envoyez un message privé àColtranophile

Poème Non Épique est encore plus belle si on n'oublie pas la ballade qui suit.

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dariev stands Envoyez un message privé àdariev stands
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Je pense que c'était plus une volonté délibérée de l'ignorer qu'une amnésie. Tous ses albums jusqu'au début des 80's au moins s'étaient très bien vendus, c'était de très loin la plus connue du "trio" Magny/Ribeiro/Tekielski, sans compter la renommée internationale soudaine de sa période Alpes vers 2010... Il y avait eu des gros concerts, au moins 1 reportage TV, des articles à l'époque... Et puis plus rien. Quoique fassent les médias musicaux aujourd'hui, ils auront l'air de cons. à lire l'article un peu vache mais assez instructif de C.Conte dans libé aujourd'hui, je me rends compte que j'ignorais encore plusieurs épisodes de sa vie. Je trouve son parcours totalement unique, et c'est peu de dire que niveau figure féminine "libre" dans le paysage culturel français, elle était une île à elle toute seule. C'est bizarre, sa mort n'est pas forcément une surprise, mais je ne sais pas pourquoi, j'attendais ou espérais qu'elle refasse parler d'elle, d'une manière ou d'une autre. On ne dira jamais trop de (ré) écouter "Paix", "2bis" et "Poème Non épique"... Perso, j'aime beaucoup sa reprise de la chanson "de la main gauche" aussi, bcp + tardive...

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Coltranophile Envoyez un message privé àColtranophile

Peu importe le "réveil" journalistique. L'amnésie de certains n'enlèvera jamais rien à ce qu'elle a enfanté. Je ne saurais même pas commet décrire ce qu'elle a su exprimer dans la séquence allant de "+2bis" à "le Rat Débile....." (ce qui suit n'étant pas à ignorer non plus). Unique, faute de mieux.

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Shelleyan Envoyez un message privé àShelleyan
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des putains de vautours...