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Io Casino › Io Casino

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Walter Benjamin      jeudi 24 novembre 2016 - 22:44

cd • 3 titres • 70:47 min

  • 1Omblin28:46
  • 2Pebla6:43
  • 3Cetly35:18

informations

Music composée, jouée et enregistrée par Io Casino, LMD ESTE, entre mars et avril 1998. Mastering : Cat Fly studio.

L'intégralité de l'album - ainsi que ses autres disques - est en écoute sur le bandcamp de l'artiste (voir lien ci-contre).

line up

Io Casino (basse électrique, effets)

chronique

On ne peut pas coller le drapeau de la Catalogne, en haut de la chronique. A la place de celui de l’Espagne, j’entends. Les armes de la ville de Barcelone. Ça n’enlève rien à l’indépendance de cette musique. A son insularité, presque, son enclavement. Son isolement têtu, même, à vrai dire, presque impénétrable. Regardez le vide de ce quartier. Ses niveaux de gris. Ce disque est une onde sombre le plus souvent étale, presque immobile même, halo opaque, eau huileuse en quasi stagnation. Rien d’autre que des densités qui se serrent et s’enflent. De la basse. Aux doigts, à l’archet parfois. Avec quelques autres objets sans doute qui viennent frotter les cordes, qu’elle – Io Casino, femme ici seule avec son instrument, son ampli, ses choses et des pédales d’effets – insère probablement entre elles pour changer les harmoniques, afin qu’un seul contact mette en branle tout le manche, l’appareillage, fasse même sonner sourdement les mécaniques. Cette musique – monotone, microtonale brute – impose sa présence comme une rumeur qui soudain aurait pénétré derrière les temporales, s’amplifierait à l’intérieur des têtes, proportion, conscience inquiétante d’un extérieur tout à coup inhalé, comme si l’enveloppe de chair ne faisais plus qu’en séparer cette part, sans plus nous en laisser distincts. Nous sommes pièges à son, coquille à vibration. L’environnement nous avale, nos absorbe, nous rend invisible, simple hauteur ou dépression de son spectre. Il y a bien mouvement, en fait. Mais d’une extrême lenteur. Il y a rythme, parfois. Comme une sorte de jazz de bande son – la ligne de contrebasse mise seule en boucle, ralentie, étirée, grossie jusqu’à nous acculer aux parois de l’espace. A moins encore d’y entrer. De laisser gagner cet état de semi-songe voisin de l’ennui, de la torpeur, de la Vision, aussi. Mouvement extrêmement lent, disais-je. La reptation même du temps. Qui se glisse à nos métabolismes, les engourdit. Nos chairs se camouflent, mimétique. Par effet d’homothétie, nous commençons à voir, à sentir, les plus infimes déplacements. Les girations infinies d’un nuage de gouttelettes soulevé et tourné par le passage de la voiture. Nous percevons chacune des phases de l’électricité, renversements de polarités, forme du bourdonnement aux câbles tendus entre nous et le ciel. Des dizaines de mètres avant, dès que l’œil les discerne, les bâtiments nous opposent, nous dressent leurs champs magnétiques. Tout est frottement et heurts et sons souvent enharmoniques ; émis et tenus parfois de façon à ce que l’attaque soit le moins audible possible, pour nous rendre amnésiques de l’instant de l’amorce tend que dure cette enveloppe de note. Ailleurs, courts fragments de bruit blanc, presque en miettes, calcifiés, semés comme tombant en gravats depuis les cordes. Cette musique ne communique pas. Elle restitue seulement – avec le moins de changement qu’il se peut – les murs et les faibles lumières de la place où elle fut jouée. Le vide rendu sensible entre les surfaces. C’est un field recording, en quelque sorte : mais sans qu’aucun son concret, naturel, de terrain, ne soit enregistré – ou presque pas, par accident, insignifiants ou signal seulement qu’il reste une vie hors de l’autonomie, de l’autarcie de la pièce (fracas bref de plats dans un bar, quelques secondes, sur Omblin ; mécanisme d’un coffre, guère plus long, sur Cetly). Le terrain, la nature, ce sont cette basse, celle qui les tient. L’individu et son mode, son extension neutre et choisie. Une personne qui porte x années et mois et semaines et jours de lieux parcourus, ressassés, présence banale et familière. Et des histoires ici pas dites, des ancêtres – est-ce l’une d’elle au revers du boîtier, cette étrange dame à coiffe au strabisme divergent ? – et des motifs obscurs. Rien n’est dit et l’on écoute. Curieusement la chose absorbe. Apaise. En même temps tend doucement l’attention, stoppe toute agitation comme si le monde en passant sur nous était une part de nos respirations. Curieuse, atone, interminable musique de rien. Mais un interminable et un rien élastiques. Sensation sans nom mais tenace. C’est peu mais c’est là. C’est vaste mais on n’y rencontre personne. On ne peut pas – je l'aurais fait volontiers – mettre l’endormissement des trains de lignes périphériques en lieu de la note au bas de la chronique.

note       Publiée le dimanche 21 septembre 2014

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