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Satoko Fujii › Kitsune-bi

  • 1999 • Tzadik TZ 7220 • 1 CD

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Membre Note Date
Cyril_M      vendredi 18 juillet 2014 - 12:13

cd • 9 titres • 52:20 min

  • 1Hizumi6:26
  • 2Sound Of Stone4:56
  • 3Zauzy2:08
  • 4Past Of Life6:34
  • 5Bal-lad3:02
  • 6Drops7:09
  • 7Moonlight / Sola9:00
  • 8Kitsune-bi8:10
  • 9This Is The Thing That I Have Forgotten4:32

extraits vidéo

informations

Enregistré par Mark Marciano aux studios Systems Two, Brooklyn, NY, les 3 novembre et 7 mai 1998.

line up

Jim Black (batterie), Mark Dresser (contrebasse), Satoko Fujii (piano), Sachi Hayasaka (saxophone soprano sur les pistes 3 et 5)

chronique

Curieux comme ces plages – alors qu’aucune d’elles n’use de la voix en aucune manière – affirme d’emblée un caractère idiomatique. Qu’on m’entende bien : aucun des musiciens ci-enregistrés ne semble vouloir imiter la parole, copier son débit, calquer mécaniquement la dynamique d’une langue. Il m’étonnerait fort que ces quatre là – deux Japonaises et deux Américains – donnent dans cette illusion naïve d’un langage instrumental "universel", qui transcenderait les mots, réuniraient tous les hommes, femmes, enfants, dans une soudaine entente, une perception tout à coup complètement identique. Il ne s’agit pas non plus, me semble-t-il, de calquer les contours de dialectes, de parlers localisés, d’argots et d’idiotismes confrontés, frottés tels quels. Mais cette musique, indéniablement, a… comme un, plus d’un, plus qu’un accent. C’est à dire que ses souffles, sa dynamique, sont bien articulés depuis l’individu, les individus qui jouent – avec leurs origines, leurs histoires, leurs prédilections. Au delà du style, toutefois, en tant que marque – que répétition de traits qui tournent tics, que de bribes et d’éléments fondus, assemblés mais repérables, traçables. Au-delà ou en deçà, d’ailleurs – chacun jugera comme il l’entend.

Car ce trio – quartet sur deux titres seulement, la saxophoniste se joignant aux piano, contrebasse et batterie – semble jouer en fait plus élémentaire que ça, partir de cellules, d’idées prises à la souche, à la naissance ; développées selon les savoirs, la dextérité propre à chacun des musiciens, certes… Mais avant toute théorisation, sans que semble se poser le "problème" d’un cadre esthétique décidé, nettement défini avant d’initier le jeu – seraient elles, ces prémisses, une simple volonté de compromis ou de confrontation entre des… voix, encore, particulières et travaillées. La question, à vrai dire, n’est pas celle de l’écriture ou de l’improvisation, de leurs parts respectives. Pas plus que celle – ou celle-ci est-elle, au mieux, partielle – des "maîtres", des genres, des écoles. Qu’il y ait du japonais – du Japon – dans le piano de Satoko Fujii, autant que du Debussy, de l’impressionnisme européen comme du Toru Takemitsu (celui des pièces pour clavier seul en particulier, oui), nul n’en doutera, je crois ; qu’on trouve du new yorkais dans les heurts de batterie de Jim Black, ses ruptures et basculements qui se font continuité, pivots, c’est tout aussi évident ; que passent des frottements et foisons baroques dans l’archet de Mark Dresser, du Steve Lacy dans le saxophone de Sachi Hayasaka… Certainement. Que dans la manière de tous ceux-là il y ait l’emprunte du Free, des musiques improvisées, d’autres dites classiques contemporaines, c’est indéniable. On pourrait trouver sans doute d’autres matières, d’autres empreints. Mais ce n’est pas une copie de ces supposés modèles que vient cette impression d’étrange familiarité ; ce n’est pas non-plus, en retour, dans le dépassement, l’extension de systèmes ou d’œuvres pris comme matière, bases, point de départ – ni dans leur négation, le contrepied, d’ailleurs – que cet art sensible trouve son originalité, sa proportion tout à fait personnelle. De toute évidence, ces neuf morceaux sont des compositions – ouvertes certes mais pas sans forme, pas "sorties de rien" à l’instant de la séance. Seulement il semble que celles-ci – leur dessin, leurs proportions – soient générées par la phrase, le phrasé, la respiration : que ceux-ci définissent la mesure, les vitesses plutôt que de se plier à leurs chiffres notés, consignés.

C’est là qu’ils trouvent leur cohérence, leur fluidité – comme nombre de pièces signés par ceux cités plus haut en probables influences ; comme chez d’autres aussi : dans les fantaisies pour instruments de la Renaissance de Mauricio Kagel, les transcriptions des bruits de rues londonienne de Luciano Berio… Comme dans les "relevés" que faisait Leoš Janáček, concevant son concertino pour piano, deux violons, alto, clarinette, cor et basson, des trilles et mélodies chantées par les oiseaux qui, l’œuvre achevée, donneraient leurs noms aux mouvements successifs… Jamais dans ces exemples – jamais ici non plus, disais-je – il ne s’agit de copier telle-quelle quelque Nature que ce soit. Seulement de prendre le matériau comme générant les cellules premières, modulant rythme et variations, trouvant des correspondances, possiblement, dans des modes, des intervalles, mais sans les poser en limites, guides premiers, structures rigides. Parti pris bien plus risqué, sur le fil, que l’affirmation d’une spontanéité absolue, du geste musical comme pur et simple et instantané manifeste. La pratique plus difficile que celle d’un simple naturalisme, donc, qui ne se soucierait que de dérouler l’allant de soi en apprenant et reprenant les fragments d’un Tout extérieur. Cette musique exige plus d’exactitude, d’attention – précisément parce qu’elle se tient bien ailleurs qu’en leur mitant – que ne demanderaient ces deux extrêmes ; l'approche libère bien d’avantage la part d’inconnu, d’incertain quant à ce qui va s’épanouir ou non à ces ébauches premières et puis… dans la rencontre. Pris sous un tel angle les clichés attendus – ceux qu’on pourrait craindre – se dissolvent, quitte à pour cela curieusement permuter. C’est bien le Moonlight de Jimmy Giuffre – superbement repris – qui se pare, s’imprègne d’une teinte "orientale" dans le cordes de Dresser ; et le Sola écrit par la pianiste – à quoi cette appropriation fait en quelque sorte incipit – qui nous rappelle aux harmonies d’une certaine Europe du dix-neuvième, début du vingtième siècle, où s’affirmaient en d’autres pages (Debussy disais-je mais, autrement : Liszt, Chopin…) des caractères, des sensibilités libérées des contingences de chapelles, de maisons ; de très singuliers… Idiomes – on y revient.

De là sans doute, aussi, découle cette impression que les ci-présents – justement, littéralement – dialoguent réellement ; sans discourir, pourtant, à un niveau qui n’est pas celui de l’argument, du verbe mais bien celui d’une expression librement mêlée, articulée, questions et réponses qui s’accrochent, se complètent sans rien DIRE qui se voudrait métaphore, assertions que l’on pourrait transcrire en aphorismes, en chapitres. Ce disque n’est pas recueil de poèmes, de strophes. Il s’écoute sans dictionnaire. Sa force poétique – et sa délicatesse – tient en ceci qu’hors de tout vague, de tout flou sublimant, on ne peut le saisir par voie de traduction. Et qu’à sa voix, pourtant, l’entendement consent autant que l’immédiate sensibilité.

note       Publiée le vendredi 18 juillet 2014

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