A Brésil on sait s’amuser, ça, a priori, ça ne fait de doute pour personne. On sait s’amuser de sombrexe façon. Ah bon ? Même à Brasilia, la capitale futuriste, ville nouvelle construite par Oscar Niemeyer au milieu d’un plateau vierge et sans passé. Faut croire que les jeunes zicos de là-bas s’ennuient tellement qu’entre deux joutes de choro hyper techniques (le choro étant un genre de jazz brésilien plus ancien que le jazz et enseigné dans des universités avec le sérieux et l’investissement d’un art martial chinois), que font-ils ? Ils jouent à dynamiter leur propre académisme, à s’écorner les doigts sur des structures explosées, et à se faire péter la tête avec un son ultra bourrin dans lequel basses saturées et batterie spasmophile cohabitent avec un clarinettiste virtuose et un joueur de cavaquinho visiblement très enrhumé. Tout y passe, ce que les hilarants titres ne manquent pas de rappeler : forro, choro, jazz à la brésilienne, et bien sûr le samba, parce que comme au Brésil tout le monde marche sur la tête (c’est de l’autre côté du globe, ignorant !), on dit LE samba, d’une. Et de deux, le Satanique Samba Trio n’est pas un trio, ils sont entre 5 et 7, ça varie. Quant au Satanisme, c’est pas celui de Sarcofago, non, ne cherchez pas, plutôt une grosse ficelle facile pour emmerder les gardiens du temple… Le démiurge de cette bande de terroristes encapuchonnés, Munha da 7, se réclamerait plutôt d’Edgar Varèse et de Zappa quand il se décrit comme "The Present Day Composer" en exergue du livret virtuel de ce disque tout aussi virtuel, compilation lancée en pâture au label anglais Far Out pour qu’il essaie de promouvoir le groupe en Europe. Bonne chance les mecs ! En plus le groupe semble accompagner l’entreprise d’une dérision là-encore toute Zappesque (je vous laisse chercher les références), un genre de "mauvais esprit" pas vraiment habituel chez les artistes brésiliens (en tout cas envers le public européen). Rien que le début : "chers citoyens des régions les plus privilégiées du monde", hem hem… Au final, voilà un projet qu’on peut assez aisément qualifier d’une part d’héritier lobotomisé d’Arrigo Barnabé et de Tom Zé, et d’autre part de seul prétendant au titre de Mr Bungle brésilien, avec ces mêmes humour noir et imprévisibilité, même si au final, dans un grand tour du monde de références, on pensera plus volontiers aux finlandais de Ailaimailmaan Vasarat, aux colombiens de Meridian Brothers, et aux californiens de Secret Chiefs 3 reprenant les mélodies du répertoire Masada du juif new-yorkais John Zorn. Et le seul but est de rendre fou vos jambes et vos neurones. Ici comme sur les albums électriques de cette galaxie Masada, le jeu rigolo consiste à retrouver dans ce grand bordel les ossements calcinés des mélodies familières du répertoire brésilien : trois notes du "Pipoca Moderna" de Gil/Veloso par-ci, les ossements d’un "Aquarela do Brasil" par-là, et beaucoup de tension partout.