Death In June › All Frogs Must Die

Il fallait bien s'y attendre au vu du caractère rancunier de Douglas Pearce : après All Pigs Must Die (règlement de comptes avec son ancien distributeur World Serpent) et Operation Hummingbird contre la censure suisse, c'est la France qui en prend pour son grade pour la censure quasi-totale de la tournée C'est Un Rêve de 2013. S'ouvrant sur la fameuse tirade "Un saucisson de merde, un pinard de merde, une famille de merde dans un bled de merde : te voilà bien tombé, l'boucher" du film Seul Contre Tous de Gaspar Noé, All Frogs Must Die envoie justement bien dans le lard. C'est un Douglas aigri et vieilli que l'on rencontre, utilisant sa six cordes pour jeter son venin sur notre pays dont les dérives récentes ne lui ont pas échappées (à ce titre le huitième morceau sur l'ascension du FN à lire entre les lignes allégoriques des vagues érodant le littoral, enchainé sur le texte le plus politisé de Manau cette fois rejouée en version néofolk laissent à réfléchir). Un peu facile, certes, est l'attaque sur la réputée couardise de notre peuple ('Blue flames, white flags, red wines' ainsi que les trois variation de 'How we laughed' - astuce poussive mais efficace). Seul Charles de Gaulle semble trouver grâce à ses yeux et deux de ses nouvelles chansons lui sont dédiées. Les mélodies francophones aujourd'hui passées dans le domaine public se font entendre en arrière-plan – et cela inclut, est-ce un rêve, un court passage de Johnny en tendant l'oreille sur 'C'est un cauchemar', enregistré live dans un bled du Jura qui n'aura pas eu le temps d'avertir sa MJC du prétendu contenu politique du groupe. La pièce finale de cet étrange mini-album est un de ces collages bruitistes comme on a pu en entendre auparavant, mais il a cette fois-ci la particularité d'être très ciblé: il s'agit du spectre politique Francais de la Vème République retranscrit en stéréophonie ! On y entend sur le canal de gauche un entremêlement de discours samplés d'Arlette Laguiller, du facteur Besancenot ainsi que de Robert Hue (vous l'aviez oublié, le revoici) ; en tendant l'oreille on reconnait même la voix de Mélenchon au loin. À l'opposé s'accumulent une quantité incalculable de voix par trop familières ; libérales ou non, les droites s'agglutinent sur un même canal comme un banc de poissons dans un filet de pêche. Le plus étonnant est d'écouter la voix d'Eric Besson, stéréophonique si elle en est, croiser en chemin celle d'Estrosi (sans doute un clin d'oeil à son retournement de veste concernant le mariage gay, sujet d'importance pour Pearce). Autant dire qu'il se fout bien de la gueule de notre inconsistence politique et idéologique, et qu'on l'aura bien mérité au vu des préfets que l'on nomme pour précisément nous protéger de telles barbaries.