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Janvier 1979 aux Good Earth Studios , Soho, Central London - Produit par Colin Thurston (ingé-son)
Barry Adamson (basse), Howard Devoto (chant), Dave Formula (claviers), Martin Jackson (batterie), John Mcgeoch (guitare, saxophone)
illustration par Ian Pollock
C’est bien mignon de sacraliser les premiers albums, et pour les groupes de punk, ça garantit certes le shoot d’adrénaline le plus pur possible. Mais Magazine n’a rien de punk, et leur apothéose se trouve ici. Dans ces bas-fonds dignes d’une Gotham City assiégée par les loup-garous. Le tube du groupe, celui qui dévaste pour de bon, se révèle d’ailleurs être ce Rythm of Cruelty, qui rue dans les brancards porté par un riff magistralement teigneux de McGeogh. On est en plein territoire glam rock, à peine punkisé par la ruguosité de sa guitare... Un genre de Rebel Rebel rejoué à fond la caisse par les Damned levé de leur plus mauvais pied. Ça sera le seul élan de vitalité du disque, qui perpétue, voire amplifie, le délabrement de Real Life. Sous ces compos assez structurées et recouvertes de claviers grotesques se cachent deux éléments qui sortent d’emblée le groupe du lot : des lignes et un son de basse unique, qui ne tombera pas dans l’oreille d’un sourd (Peter Hook étant même plutot un mélomane). Le deuxième élément, c’est cette tendance sournoise à enchaîner des plans contradictoires, à saloper les fin de chansons par des obsessions répétées (Talk To The Body) voire par une disparition soudaine du groupe, qui nous laisse lâchement devant un genre de Gomez Adams grimaçant sur son piano (I Wanted Your Heart). Les portes du manoir se referment, et la citroen DS râcle déjà les graviers derrière notre dos… Une tendance à la déviance déjà aperçue sur The Light Pours Out Of Me, et qui explose sur le presque aussi bon Back to Nature : un exceptionnel morceau de progressif, certes un peu concis pour le genre, mais tout y est : du prog en 4 minutes, sans les solos verbeux et ennuyeux. Si lors de la première accélération, on n’y croit pas une seconde, la chanson morphe à toute vitesse en une sorte d’abérration épique, volontairement boursouflée et géniale. Ce qui a du salement énerver les punks, le groupe ayant un certain succès à l’époque, des deux côtés de l’Atlantique. Pour le coup, du glam rock on a cette fois sauté le pas vers le prog pur gras, loin de ce qui est considéré comme acceptable en punk. L’intro ambient glacée, puis new wave à mort de la face B (Thin Air) rappelle que Colin Thurston, le producteur, avait fait ses armes sur Heroes de Bowie… Seule cette rythmique pataude et cahoutchouteuse, incessante, diffère. Et Secondhand Daylight regorge de ce genre de moments brillants, car moins replié sur lui-même que Real Life, sans pour autant en perdre une goutte du venin et de l’aigreur. Venin affleurant finalement dans sa plus simple laideur sur Permafrost, fantasme pervers et cauchemardesque. Il sait parler aux femmes, de Devoto. Mais il ferait mieux de se grouiller avant que le-dit Permafrost ne fonde, libérant ses vastes réserves d’azote dans l’atmosphère, déclenchant ainsi la deuxième fin du monde causée par cette riante contrée qu’est la Sibérie. En attendant, la guitare s’esclaffe dans un solo à la dissonnance agonisante. L’album s’achève sur cette note peu ragoutante, laissant une impression globale d’un improbable chaînon manquant entre Peter Hammill et Joy Division (la sortie remarquée de Real Life, ovni pour l’époque, correspond au changement de nom du groupe de Ian Curtis et à leur abandon radical du punk rock). En fait, dans un tour de passe passe morbide et drainant les lois du bon goût derrière un écran de fumée, ces types arrivent à annoncer le futur avec une musique passéiste. Jouer des solos et utiliser les claviers en mode "crescendo pompeux", en plein boom punk, et marier saxo avec sophistication art-rock. On se croirait en 74, à la charnière du glam et du prog, au creux de la vague déliquescente du rock. Et pourtant, rien ne ressemble à Magazine. Sans doute la faute à l’affreux Devoto, sorte de Mark E. Smith théâtral et gothique. C’est bien sa voix hargneuse et caressant toutes les mélodies du groupe à rebrousse-poil, ainsi que la basse de Barry Adamson qui rendent mêmes les morceaux plus faibles passionnants, et hissent cet album un bon cran au dessus de Real Life. La concurrence, pléthorique lors de ce tournant des 80’s, retiendra la leçon.
note Publiée le lundi 31 mars 2014
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Ecoute donc Cut Out Shapes voir, si elle colle pas au cerveau.
Je découvre tout juste, je connaissais seulement de nom. Je viens d'écouter Permafrost. Je crois que la fin de la chanson va pour mon plus grand malheur me coller à la tête jusqu' à la mort. Un peu comme le "Walking on the beaches looking at the peaches" de Stranglers.
Je ne sais pas ce qui me retient de lui mettre 6 et... rien, en fait, balec.
Existe-t-il une guitare aussi brillamment vicieuse et expressive que celle de Permafrost ? Si oui, j'attends vos suggestions.
Ce que j'ai pas assez rappelé dans les chros c'est que ça ressemble surtout aux Stranglers, Magazine. En fait ils leur ont quand même pas mal piqué... De vrais rosbifs bien hargneux, surtout ce Devoto dont la voix est 100% manchester crade et délatté, ça peut rebuter, clairement, c'est fait pour. Et si la comparaison avec Wire tient encore (mais sur 154 ils sont juste 15 ans dans le futur, donc bon...), effectivement, peu à a voir avec This Heat, qui est un groupe pur gutsien, inimaginable sur une major, et qui tatane bien plus que du "simple" post punk.