Mount Kimbie › Cold Spring Fault Less Youth

Gratifiés sur Libé et trônant fièrement au sommet des tops 2013, les deux jeunots de Mount Kimbie font mouiller à mort le public bobo. Avec leurs gueules de geeks british défoncés, leur façade fadement colorée DJ "alternatifs" à diffusion soundcloudienne et leur style electronica-club pleurnichard, faut dire qu'ils ont tout pour ! Rapide historique de ce projet sitôt né (2008) sitôt hissé au firmament : après sortie d'un premier disque (2010) pop-dubstep qui sentait fort les gratouillis triturés sur logiciels de MAO, la deuxième sortie du groupe "Cold Spring Fault Less Youth" dont nous parlonz-ici, braque à angle droit vers la pop. Entre temps, les angliches ont signé chez Warp (signe de leur fulgurante ascension!) aux côtés d'autres starlettes de l'electro, et puis Warp a dû dégainer le pognon car ils se sont vite tirés du home studio pour passer au pro avec de vraies bestioles analogiques argentées... On aurait pu croire avec ça que le verrou de la sérendipité avait pété, qu'ils allaient faire gargouiller leurs nouvelles machines, que "Cold Spring Fault Less Youth" emprunterait les voies sombres de l'expérimental... mais non. S'il réjouit néanmoins quant à la fraîcheur de son son, c'est qu'il fait un mélange certes pas révolutionnaire, mais d'influences qui ont du plomb dans la couille. A l'inspiromètre on mesure 5 Radiohead dans les claviers, 3 Autechre dans les patterns de BAR, 12 Aphex Twin dans les bruitages-geek, et j'dirais même un zeste de Portishead dans l'atmosphère, queque'fois. Les rythmiques à pied-bot et le rap grinçant du rouquin King Krule (autre idole de la presse dominante recruté à la volée parce qu'il habitait l'apart' au-dessus du studio) marquent les meilleurs titres par leur nonchalance ("You took your time"), pendant que le groupe tisse une toile sonore à base de claviers à l'étouffée, de synthés New Wave à la sauce 2013, et d'ambiances en sourdine, avec une certaine sensibilité hip-hop alt pour l'attitude de désinvolture globale, le "relax poto"-side du truc. Distillant un climat claustrophobique à force de répétition des mêmes motifs, le disque offre un repos planant, électrique, cotonneux, qui te fout le cerveau dans un sac de couchage. Parmi les titres les plus inventifs, on remarquera "Made to stray" et son tam-tam electro à vibrations croissantes, "Slow" et ses accords fantomatiques sur beat qui claque, ou encore la majestueuse et tranquille "Home recording" (titre désormais mensonger ! un peu comme Booba qui fait encore des chansons sur la vie de tess) à rythmique décalée en trainée de poudre. Sur quelques morceaux, un chant bâclé angélique avec trois tonnes de reverb vient apporter de la variation, mais à trop tirer sur la corde de l'hypnotique et du répétitif, les mecs lâchent quand même quelques déjections minimalistes qui donne une impression de boulot de feignasse, comme sur "So many times, so many ways", "Lie near" ou "Blood and form". On tient donc là un disque timide dans sa complaisance consensuelle, mais qui relève néanmoins de la guts-attitude par son occasionnelle ambiance de maison hantée transformée en dancefloor pour DJ-clubbing des années 2010.