Atmosphere › When Life Gives You Lemons, You Paint That Shit Gold

Le cœur, sans ses fringues, sur un plateau. Même en hip-hop, c'est beau. Slug a enfin décidé de faire un vrai album. En imaginant un tout, un entier... bref un album complet, voire un concept album, et pas un E.P rallongé avec des brouillons indie jetables comme il savait très bien en faire jusqu'alors. Même si ici on a encore ce qui ressemble à du filler dans ce When Life Give You Lemons You Paint That Shit Gold, je dirais plutôt qu'il s'agit de passages plus laid-back pour faire respiration entre des morceaux très mélo, des vraies chansons même, qui sentent les heures passées courbé sur le bureau à griffonner les paroles en buvant beaucoup de thé et en fumant beaucoup de clopes. Un album de songwriter, pour résumer. De quoi me rendre embauchable comme critique musical chez les Inrocks, en effet... Mais cet Atmosphere a quelque chose de touchant, j'y peux rien. Quelque chose d'organique, de spirituel (pas que pour le morceau gospel), bref : il a un goût de vécu, qui me parle comme le ferait un Springsteen ou un bon film de Mike Leigh, et le fait que je l'aie plusieurs fois ressorti pour pendre mon petit dèj' tandis que les derniers rayons du soleil pointent par les vitres crasseuses de mes taudis successifs depuis sa sortie en 2008 est révélateur à bien des égards d'une qualité profonde et immuable. Toujours aussi émo, toujours aussi wannabe-someone, toujours aussi analytique des sentiments du commun des mortels et motels, avec son modeste flow et son univers limité, le MC Slug passe en mode "songwriter" comme je l'ai dit plus haut, se concentre sur sa petite vie et ses petits problèmes (aussi universels que ceux de n'importe quel blanc classe moyenne à peu près geek), ceux qui régissent ce monde fait d'injustices et de regrets, et nous mitonne son album-livre-intime dans une ambiance très cosy, intimiste et soulful, très spleenesque et en même temps tenu accessible au commun des amateurs de rap par un feeling très FM. Jusqu'à en être parfois un peu relou - puisqu'on parle d'Atmosphere ("You"). Mais cousu main, comme l'artwork très classe et sobre du digipack. On est un peu à la lisière entre hip-hop-pop clinquant et claquant à la Jay-Z période Black Album coupé à de l'indie pop, pour le son (et même au niveau du flow, en fait), et rap alternatif de sentimental à cœur d'artichaut, pour la matière, qui va jusqu'à toucher au ventre sans prévenir ("Dreamer", "Me"), voire creuser dans le bide ("Your Glasshouse" - gros pouls de synthé cold + lyrics dignes d'une chronique de Saïmone quand il vient de se faire meurtrir le cœur par une femme = tuerie). Atmosphere n'a selon moi pas fait mieux, avec les outils très limités que possède Slug, et ce When Life Gives You Lemons est un peu ce que God Loves Ugly promettait d'être. Attachant. Et peut-être même davantage...