Terranova › Close The Door

Du trip-hop allemand qui est passé culte, c'est pas commun. Enfin, culte... confidentiel, surtout - condition sine qua non pour mériter une étiquette 'culte' non galvaudée - et un chouia supérieur à la moyenne des albums qui sortaient encore en 99 après l'extinction des feux que fut la sortie de Mezzanine. Évacuons-en d'emblée le défaut principal : la voix des chanteuses en guest sur la moitié des titres n'a strictement aucune charge érotique, à part peut-êre le tout petit frisson sur le plus véloce "Just Enough". Du meublage féminin armé d'œstrogènes de niveau 1 sur l'échelle MTB. Nanas utilitaires sur downtempi entre le psychédélique mou et les trames hôtel costes, pour résumer au mieux... Il y a Martina Topley-Bird, et il y a les autres, comme le dit l'adage... alors on excusera Terranova d'avoir plaçé tout ce qu'ils avaient de sexuel sur leur pochette, et d'avoir pêché ce qu'ils pouvaient en tirant sur les ficelles de tampax qui dépassaient du bac promo. De toute façon sur Close the Door, je me concentre en général sur les morceaux rappés, signe du passif de Fetisch aux côtés de Kool Keith et des Stereo MC's. "X-Files", Le premier avec Rasco (MC californien au flow très lambda, issu de Stones Throw) est superbe, mazouté à souhait - et même si le second ("Midnight Melodic") est juste passable, on s'en fout car si ce skeud a un intérêt c'est surtout parce qu'il contient un des meilleurs morceaux souillés par Tricky. Le genre d'invité qui, en plus de rendre tout de suite crédible un allemand, mettait direct la barre très haut, même en '99 à l'époque de sa chute. Sur "Bombing Bastards" on obtient une association d'ordre cryptico-pharmaceutique ultime : Tricky qui égrène péniblement son flow d'asmathique weedo-mortifié sur un beat samplant le thème du "Assaut" de John Carpenter... Choc mental total et connexion sublime, cela va sans dire. Sans parler qu'il refourgue des bouts de verset de "Here Come The Aliens", c'est un peu le titre-jumeau de "Bury the Evidence" du reste, sur lequel Tricky reprendra à l'identique le même "trick" vocal pour les verses courts et poussifs avec timbre à polypes bien granuleux (en remplaçant Carpenter par Notorious BIG). A côté de ça il y a une super suite de compositions trip-hop, sans temps mort ni essoufflement (lol), Terranova nous donnant par moments l'illusion que Berlin est Bristol. Un album très fin de siècle, dans le fond, symptomatique de cette période floue-brouillonne, même si je rêve parfois de la présence de femmes plus pimentées et sensuelles, je n'arrive pas à m'en débarrasser... du coup, quatre boules, oui - dont trois aussi légères que des maltesers, et une bien plombée pour Tricky. Hormis les premières et secondes pistes, la trame adéquate pour un fond sonore à peu près consistant de soirée romantique, si vous n'avez pas peur de passer pour un peu sordide à l'oreille chaste habituée au hululements farmeriens, compte tenu des quelques points noirs venant épicer un compendium trip-hopesque raffiné même si dénué d'envergure ou d'addiction. C'est pas du Massive Attack mais c'est pas du Morcheeba, et on s'en contentera. Sachant que pour le geek comme pour le beauf tous les accompagnements musicaux sont bons pour investir de la gourgandine jusqu'au king-size, autant en choisir des qui sont à peu près de goût.