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Danger Mouse and Sparklehorse › Dark Night of the Soul

cd • 13 titres • 46:18 min

  • 1Revenge04:58
  • 2Just War03:48
  • 3Jaykub03:57
  • 4Little Girl04:33
  • 5Angel's Harp03:00
  • 6Pain02:55
  • 7Star Eyes (I Can't Catch That)03:15
  • 8Everytime I'm With You03:16
  • 9Insane Lullaby03:14
  • 10Daddy's Gone03:12
  • 11Man Who Played God03:14
  • 12Grim Augury02:35
  • 13Dark Night of the Soul04:39

informations

Artwork & photos : David Lynch. Suite à un différent contractuel, l'album est d'abord sorti sous une édition auto-éditée par Danger Mouse, sous forme de livre avec les photos de David Lynch et un CD-R, vierge, avec l'indication de "l'utiliser comme vous souhaitez". En même temps, l'album a leaké sur les sites de partage. Quelques mois après le suicide de Mark Linkous, EMI a finalement décidé de sortir l'album officiellement… No comment.

line up

Danger Mouse (synthétiseurs, Wurlitzer, orgues, programmation, piano, percussions, mellotron, basse, claviers, batterie), Mark Linkous (batterie, basse Hohner, basse électrique, guitares acoustiques et électriques, Rhodes, synthétiseurs, programmation, piano, piano-jouet, optigan, chant, choeurs)

Musiciens additionnels : Frank Black ((as Black Francis) chant 5), Vic Chesnutt (chant 12), The Flaming Lips (Wayne Coyne (chant, choeurs 1), Steven Drodz (batterie, orgue, synthétiseurs, guitare, boite à rythme, programmation cordes, choeurs 1)), David Lynch (chant 7, chant, guitare, effets sonores, synthétiseurs 12), Jason Lytle (chant, guitare, programmation, synthétiseur 3 & 8), Iggy Pop (chant 6), Gruff Rhys (chant 2), James Mercer (choeurs 2, chant 9), Julian Cassablancas (chant, solo de guitare 4), Nina Persson (chant, choeurs 10), Suzanne Vega (chant, choeurs 11), Steve Nistor (wurlitzer, percussion, batterie), Sonus Quartet (cordes), Daniele Luppi (arrangement et programmation des cordes, clavoline), Anton Rielh (préparation partition), Money Mark (piano), Nathan Larson (solo guitares), Dean Hurley (guitares électriques, orgue, batterie, percussions), Scott Spillane (cors, arrangement cors), Heather McIntosch (arrangements cors)

chronique

  • indie-rock psyché-cauchemardesque

Quand Mark Linkous s'est tiré une balle de carabine dans le coeur le 6 Mars 2010, une triste évidence s'est imposée à moi : la musique ne sauvera personne. Pas-même ceux dont l'art, ou l'artisanat, consistait à faire de leurs névroses, de leur mal-être, de leur incapacité à vivre, des ritournelles qui nous aident, nous, incapables de purger nous-même nos vipères intimes, à supporter un peu mieux chaque jour qui passe, inexorablement. La musique de Sparklehorse, bouleversante, ne l'aura pas empêché, dans un moment de désespoir, de mettre un terme à ses jours, à quarante-sept ans passés et déjà revenu une fois de l'autre-monde. Malgré aussi le respect, l'admiration et l'amitié que lui portaient des artistes, et pas des moindres, avec qui il avait eu l'occasion de collaborer. Parmi eux, Brian Burton, alias Danger Mouse, producteur hip-hop (entre-autre) très en vue depuis ses succès crossover avec le deuxième Gorillaz et encore plus Gnarls Barkley. C'est lui qui va remettre Linkous en selle, partageant avec le reclus de Virginie son amour du travail sonore, des beats, des textures (Linkous aura aussi collaboré avec Christian Fennesz). Et après le dernier album de Sparklehorse, Linkous souhaite s'effacer derrière d'autres voix, rester dans l'ombre de la production pour s'adonner à cette activité qui lui sied bien, concocter des sons comme des peintures et laisser des amis, des collaborateurs qui l'estiment prendre sa place dans la lumière. Ou plutôt la pénombre. Car Linkous y est décidément voué, à ces étreintes du coeur trop éreintantes pour les afficher en plein soleil. Une hyper-sensibilité qu'il partage avec d'autres grands fragiles, eux aussi venus d'espaces trop grands pour être embrassés : Wayne Coyne, l'écorché chanteur-visionnaire-cinglé des Flaming Lips, en direct de son Oklahoma natal, ou Jason Lytle qui a laissé Grandaddy et cet horrible Modesto californien déprimé pour ce réfugier dans les montagnes du Montana. Deux voix que la coutume avait associée à Sparklehorse dans les années quatre-vingt-dix sous une vague bannière néo-psychédélique en fait beaucoup plus vaste mais qui regroupait sous son voile un goût commun pour les tessitures abimées au bord de la rupture. Laissant à ses invités une bonne part d'écriture, ces morceaux ressemblent à leurs interprètes tout en conservant fortement l'empreinte sonore de Linkous. Le second morceau de Jason Lytle, à cet égard, remue les tripes comme seul un mélange parfait entre Sparklehorse et Grandaddy en serait capable, délicat et résigné devant une relation douce et tragique, noyée dans des descentes nocturnes de verres alcoolisés. Un autre trublion psyché et attachant des nineties frappe aussi à la porte de la ferme en la personne de Gruff Rhys, le gallois des Super Furry Animal pour un "Just War" sixties aux fragrances baroques et plus lumineuses. Mais Sparklehorse a toujours été pris dans la schizophrénie de Linkous, entre immense fragilité et volonté de balancer du gros décibels, du coup trois invités aux pédigrés plus foncièrement rock se pointent pour accélérer un peu la tension cardiaque. D'abord Julian Cassablancas qui livre une étonnante et catchy-as-hell "Little Girl", morceau le plus pop et efficace de l'album, bien épicé par la prod de Linkous/Burton. Puis ce vieux ronchon de Black Francis, plus en colère que ses collègues et enclin à faire grincer les guitares comme Linkous lui-même avait coutume de le faire avec une délectation noisy, sur un tapis de beats grésillants. Pour finir ce triptyque avec du couillu encore plus vieillit en fût, l'inévitable Iggy Pop débarque en mode crooner sur lit de grosses guitares sales qui dérapent, bien plus convaincant ici qu'avec ses retours stoogiens à la petite semaine. Pas de doute, tout ceci ressemble bel et bien à du Sparklehorse dans ce qu'il avait de plus multiface, écartelé entre sensibilité exacerbée et agressivité crasseuse. Et une image de l'Americana mi-pastorale, mi-cauchemardesque. D'autres figures passent encore dans le champs, plus ou moins convaincantes telles James Mercer ou Suzanne Vega (un joli morceau typiquement Sparklehorsien dans lequel elle se coule avec aisance) et puis Mark Linkous accepte de sortir de son trou une dernière fois accompagné de la belle suédoise Nina Persson (elle aussi était venu le chercher pour produire son album solo) pour une belle et directe "Daddy's Gone", où il se livre dans une forme de pop-country agrémentée de cordes et des bruissements de radios déglinguées. Cette campagne américaine, à la fois rassurante et terrifiante, pleines de mythes et d'angoisses, il n'est pas étonnant qu'elle eut plu à Mister David Lynch lui-même, répondant positivement à l'appel pour assurer la partie visuelle du projet, un livre de photos dans son pur style onirique et déformé, avec sa violence grotesque et son comique épouvanté. Sauf qu'il voudra aller plus loin et enregistrer lui-même deux morceaux, dont le titre éponyme, crépusculaire, en suspension menaçante et effroyable, où la voix du vieux maître, grinçante et filtrée salement, fait s'écouler un sortilège mortifère dans un goutte à goutte cauchemardesque dont il a le secret. Un tiré de rideau rouge sang, forcément, qui tombe son voile de linceul sur un album tristement marqué par le deuil. La dernière voix qui résonne avant celle de Lynch, au son d'un carillon funèbre, c'est celle de cet oisillon de Vic Chesnutt, sur le morceau le plus sombre déjà, au sentiment de tristesse alors devenu insoutenable, Chesnutt s'étant donné la mort quelque mois plus tôt, à la fin de l'année 2009. "La nuit obscure de l'âme" chevrote David Lynch, tel un fantôme prisonnier d'un vieux vinyle craquelant. Ce n'était pas qu'une formule. Deux suicides plus tard, l'album finira par sortir après une sordide dispute contractuelle. Sa propre musique n'aura pas sauvé l'âme de Mark Linkous. Encore aujourd'hui, parfois, je songe qu'elle ne sauvera pas plus la mienne.

note       Publiée le dimanche 9 mars 2014

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    Alfred le Pingouin Envoyez un message privé àAlfred le Pingouin

    J'adore cet album... A sa sortie, je trouvais qu'il était formidable, vraiment évident et cohérent, et avec le temps je trouve toujours qu'il fait mouche.

    Note donnée au disque :