Les bonnes vieilles manœuvres, ça marche toujours : sampler Black Sabbath en hip-hop, c'est un truc qui date des années 80 et qui le fait, et poser en mode "dark" derrière un titre pareil, c'est aussi gage de mettre du métalleux dans son escarcelle... ce second Blacastan a donc - du moins d'après ce que j'ai pu constater dans plusieurs forums pas du tout hip-hop à sa sortie - fait son petit effet dans les cercles chevelus quand il est sorti... mais dans le fond, ça on s'en pougne, la question c'est juste : est-ce que c'est un album aussi génial que ça ? La réponse c'est non. Il est simplement dans une bonne moyenne. Blacastan a baroudé dans l'ombre avec un vécu chargé, physiquement à Hartford mais à New-York dans sa tête, et il en a chié (taulard, zonard des tapes pendant une décennie)... Il devrait en être plus marqué niveau musique, mais sa volonté de balancer un truc original (manifeste quand on attrape un peu les paroles au vol) ne fait pas un album aussi trouant qu'escompté. Blacastan a des idées de bon rappeur conscient à l'ancienne (entendez par là école KRS-One) par exemple quand il rappe de la perspective d'une K7 audio sur "Life Of A Tape", bien loti dans une instru soulful ; c'est pas non plus "La Face B" de Akhenaton ou "I Gave You Power" de Nas niveau impact, mais c'est dans l'esprit. En fait le problème de Blacastan (si c'en est un) c'est bien que le flow casse pas des briquettes, sans être mauvais. C'est souvent du flow bourrin-carré, pas du Vinnie Paz non plus hein, mais du genre bien bourré dans le mic et pas attachant, Blacastan préférant souvent rapper camion (NdA : en hip-hop, j'appelle "rapper camion" le fait de rapper bourrin et carré, et c'est une attitude très "années 2000", vérifiable mondialement). Pour nuancer et parler productions, il faut avouer quand même que ça attaque sous plusieurs angles et que ça tape parfois dans le bide, les instrus de son sidekick au micro ColomBeyond (lol) étant globalement suffisamment épicées et variées pour hextriliser (= tenir en haleine) jusqu'au bout, entre effets à la DJ Premier ("Crate Diggaz"), tentatives sympathiques ("Returnin' To Nam" avec ses verses sans beat sur une petite boucle crade), prods école RZA - le RZA des années 2000, hein, pas celui de la 36e piaule - et aussi pas mal de gros beats hollywoodiens à la Army of the Pharaohs / Jedi Mind, vous savez, le genre "big mac". Blac Sabbath en prend par moments des airs un peu persistants de Black Album pour gens sombres et pas expérimentaux (d'ailleurs quand j'entends un truc comme "Anything Less", je pense énormément au morceau "Threat" de Jay-Z - en moins savoureux). Morceaux choisis perso : la déjà citée "Life Of A Tape", "The Dice Life" (succulente production 90's de Statik Skeletah, bien pêchue) et le doublé plus typé horrorcore "Crac House"/"The Darc Krystal" (sampler Tubular Bells, quand c'est bien foutu c'est banco). Un skeud qui reflète parfaitement son temps, entre nostalgie inspirée et gros sons jetables.