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Enrique Morente › Sacromonte

  • 1982 • Serdisco JD 10 10035 • 1 LP 33 tours
  • 1991 • Serdisco 50601130 • 1 CD

cd • 10 titres • 39:43 min

  • 1Tienes La Cara4:02
  • 2Eres Como Veleta2:33
  • 3Sembre Una Esperanza3:00
  • 4Mi Pena4:30
  • 5Donde Pones El Alma3:14
  • 6Amante2:30
  • 7Cuando Un Hombre4:05
  • 8Pa Mi Manuela8:10
  • 9Tiro Tire4:03
  • 10Decadencia3:18

extraits audio

informations

Enregistré aux studios Kirios, printemps 1982 par J.M. Vinader. Mixé par Luis Calleja.

line up

Enrique Morente (voix), Manolo Aguilar (basse), Chocolate (palmas et chœurs, jaleas sur 10), Juan Suero (palmas et chœurs), Guadiana (palmas et chœurs), Tomatito (guitare, luth arabe sur 2), Isidro Sanlucar (guitare)

Musiciens additionnels : Carlos Carli (batterie sur 1, 3, 7), Tito Duarte (tumbas sur 1, 3, 7, cajón sur 5), Rubén (bongos arabes sur 3, cajón suer 8), Tino Bautista (cajón sur 4 et 6), A. Moreno « Tacita » (batterie sur 5), Portugués (chœurs sur 6), Toni (chœurs sur 6), Maya (chœurs sur 6), Morito (chœurs sur 6), Amador (guitare sur 8), Miguel « Chorvos » (guitare sur 8), Manuel Muıñoz (guitare soliste sur 9)

chronique

  • flamenco electrico>duende-wave

En voilà un, de type à part. Morente. Un Payo – c’est à dire non Gitan – mais grandi avec eux à Grenade, dans le même quartier, les mêmes couleurs dans les oreilles, les mêmes vibrations allumant sa rétine – le Sacromonte, au fait, c’est celui-ci, de voisinage. Un peu plus tard, très jeune monté à Madrid – pour y faire cordonnier – le genre de gars à gagner le respect des tribus, des anciens, le mec à qui on permettra de se mêler. Derrière qui ils joueront, les Tomatito, les Sanlucar, ceux de toutes générations. Le type aussi, parti de la tradition pure et dure, telle quelle, se trouvera sans rien perdre de toutes ces connivences l’audace de pousser cette musique – le flamenco, au fait, si jamais vous doutiez – hors des limites, dans les frontières même de l’Espagne et au dehors. D’y mettre l’électricité, cet autre feu plus bleu, plus froid. D’y chanter les poètes des tréfonds et hauteurs, aussi, à égalité avec l’Anonyme, les répertoires aux bouts premiers perdus. Machado (Antonio), GarcÍa-Lorca (Federico) – il fut l’un des premiers (Carmen Linarès, par exemple, de dix ans peu ou prou sa cadette, continuera l’idée, elle, parmi d'autres) à oser le rapprochement, l’évidence. Geste poétique, saillie politique, aussi ; le franquisme – n’oublions pas que le dictateur, contrairement à d’autres en Europe, n’avait pas fini avec la guerre, allait maintenir sa routine de flicaille, d’exécutions sommaires, de corsetage, jusqu’à sa mort en 1975 ; que le pays en prendrait pour trente ans sous les yeux oublieux des voisins, encore – le régime, donc, n’aimait pas trop ça, qu’on sorte la chose du formole, du folklore où il voulait l’engoncer. Qu’on les montre, les gitans, qu’on y mêle les aèdes invertis, les tombés sous ses balles. Sans doute, aussi, c’était le lien : les uns et l’autre, réprouvés et fiers, il fallait bien qu’ils se rencontrent plus loin même que leurs propres préjugés… Le voici, là, Enrique, plus tard. En 1982. L’Espagne théoriquement libérée. La nuit dehors s’agitant enfin. Son art à lui, sa trajectoire, se déployant, poussant plus loin et maintenant aux yeux du monde. Attaché à sa terre. Colporteur au dehors mais ici revenu. Distinct, aussi – décidément – de ce courant qui naissait, Nuevo Flamenco. D’autres – en tête, à l’internationale, Paco de Lucia – allaient à la même époque chercher dans le jazz, sa souplesse, ses comptes complexes, une réponse, une perspective nouvelle aux cheminements mercuriels et brisés de l’Ancestral, un entrelacement de subtilités. Un choix qui les porterait souvent à délaisser les formes les plus rudes et graves – siguiriyas, soleás… – allures, empan – "palos", dans le langage des cercles – souvent aussi les plus anciens au profit des plus évidemment vives et fluides, continues – fandangos, bulerías. Et Morente, ici, choisi… Le rock. Batterie, basse électrique, battues binaires. Étonnant choix, au vrai. Et paradoxe, à priori : puisant pour ainsi les vêtir aux thèmes, aux coplas, aux poèmes les plus déchirés, les plus souffrants, les plus brûlés dans l’aveuglante ou bien les plus drapés de ténèbres sans tain. Curieux parti pris, certes ; mais cet homme à vrai dire – et d’autant plus, souvent, lorsqu’il semble d’abord divaguer ou se plier aux changement des temps – est homme d’intuitions fulgurantes. Et dans ces plages alternées – tour à tour acoustiques et soutenues par l’amplifié – c’est encore une histoire saisissante et vive qui se dit, qui vibre. La rythmique apportée, avec ce son mat, gris-soir et texture-technique, presque new wave, au vrai – oui ! – dans sa teinte presque froide, sa régularité posée, presque fatale, n’éteint rien des mots et des coulées, des explosions et affleurements soudains : de feu, de nuit épaisse, de peines et d’élans en flambées. Dans leur gangue faussement terne, au contraire, les passions se détachent nettes, saisissantes, à distance nouvelle. Pas du tout annulées, rendues inoffensives, mises en laisses. Mais contraste au contraire, débordant et traçant dans les rues de cette ère. Les index mêmes censément les plus bruts, intacts de forme, se parent de ces mêmes lueurs, de cet alanguissement d'un air aux autres fumées, autre ville, autres pièces à l'accès qui se gagne. Les subtilités du cycle, aussi, se découvrent aux écoutes, la profondeur et l’articulation. Ce sont pour cette fois, en terme de répertoire, de textes, presque seulement des coplas anonymes – "populaires" disent les notes de pochette – et d’autres signées de la main de Morente même. Expressément indiscernables, en substance et en rythmes. Ce sont d’autres pistes, aussi, qu’il développera bientôt, ce sont des jeux encore inédits, à peine dévoilés : cette guitare classique qui fait le lien – car elle n’est pas, elle, flamenca, mais laquelle des deux s’abreuve au flot de l’autre ? – sur Tiro Tire. Ces "orientalismes", aussi, dont lui fera parfois, ailleurs, l’un des ses traits de malice – pour rappeler à tout le monde ce qu’avait été l’Andalousie, la Méditerranée, d’une côte à l’autre, avant que les rois catholiques n’en expulsent Maurs, Arabes, Juifs. Tout cela, pour l’heure, contenu pour mieux frémir. Consumant l’apparent repos, les modernes instruments, réduisant à la cendre tous les soupçons de trahison, de frelaté trafic. Crépuscule sans pareil sur les pentes natives. Et pas la dernière aube singulière pour celui-là.

note       Publiée le vendredi 28 février 2014

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    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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    (Bon, et tout le "Nuevo Flamenco", Vincente Amigo etc. Évidemment feu Paco de Lucia dans l'optique jazz mais je crois que tu connais un peu et perso je suis pas toujours preneur de tout, disons - bien qu'un truc comme son album Zyryab soit quand-même un sacré morceau, par exemple. Dans les Paco y'a Ibañez mais c'est pas flamenco pour le coup, pas vraiment voir du tout. Ça défonce, par contre, au passage - A Flor de Tiempo ou son disque sur le poète Goytisolo, par exemple).

    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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    Oui, y'a !

    Alors déjà, celui-là est électrique au sens où il embauche une section basse/batterie mais les guitares restent acoustiques/flamenco de bout en bout (sauf la classique sur un morceau donc - ce qui est une jolie façon de dpélacer encore le truc autrement). Y'a même des gens comme Tomatito dans l'affaire, ou Isidro Sanlucar, qui est un ancien de la chose rarement mêlé à ce genre de fusions.

    Sinon pour continuer à te répondre, y'a des gens comme Ketama - mais gaffe, ça dérive parfois vers un côté chanson-limite-varièt' si j'ai bonne mémoire - qui ont tenté des trucs. Ou plus récemment Ojos de Brujo (mais là aussi, ça peut dériver "world" un peu vague, je trouve pas que ça prenne des masses, perso). Ou la chanteuse Martirio, qui fait une espèce de cabaret-rock-flamenco qui quand ça prend peut carrément toucher juste. Après... Morente a vraiment une façon bien à part de s'emparer du truc et de le mêler sans que ça dénature quoi que ce soit... Toujours surprenant, le gars. (Enfin, souvent, très souvent... Et pas gratuitement). Pas écouté ce que fait sa fille (Estrella) mais... Ça me fait toujours un peu peur les "enfants de" (d'autant qu'elle a sorti des trucs chez Realworld. Et puis... Les filles dudit Tomatito, ça a quand même donné Las Ketchup alors méf', quoi, un peu).

    Ntnmrn Envoyez un message privé àNtnmrn
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    Merci pour la chro ! ça me démangeait de découvrir la facette "électrique" du mec, et du coup, l'occasion étant donnée... D'autres ont tenté le coup, du flamenco "fusion" ?