Madball › Set It Off

Boulefolle c'était un vrai gaillard de la rue. Un gueulard, un vachard. La semaine il musclait ses gros mollets comme livreur de journaux pour Cro-Magazine, et pour arrondir ses fins de mois et payer la pension de son ex et de sa gosse il bossait les week-ends comme videur au Biohaz'Bar, point de rendez-vous des dockers de New York. Boulefolle avait une grosse voix éraillée, signe sonore distinctif qui lui permettait de gagner un auditoire respectueux et cicatrice de ce jour funeste où il fût salement corrigé par des loubards, se retrouvant étranglé avec une chaîne de vélo et laissé pour mort. Et c'est sur la Grosse Pomme qu'il a collé des patates pour se venger d'avoir la pomme d'Adam en purée. Elle, et tous ces tocards de fils à papa sans morale et de mafieux qui la pervertissaient. C'est au comptoir avec Larvanneau et Patou la Panthère qu'il devisait de cette merde sociale, toujours à ronchonner sur les sujets de morale et de bonne conduite, parce qu'il fallait pas le titiller sur les questions sensibles, le Boulefolle ! Dès qu'un jeunot des gangs passait l'arme à gauche au cours d'un mauvais deal, ou pire d'une bavure policière, même s'il le connaissait que de vue, ben ça le mettait en rogne, il était capable de tout péter. Et en effet quand il s'emportait sur ces questions-là, Boulefolle foutait souvent des coups de boules, dans tous les sens...en général dans les murs ou les tables, mais parfois en plein bide, et ça faisait mal. C'est pour ça qu'on l'appelait Boulefolle : le gars contrôlait pas d'trop les coups d'boule...il essayait, c'tout. Friand de bastons, il avait toujours ses poteaux en appui, au cas où, comme tous ceux de son espèce. Enfin... ça c'était à l'époque. Parce qu'au bout d'un moment, après avoir démontré que son style de baston avait de la gueule, et après avoir sermonné quotidiennement tout le quartier, il s'est mis à se ramollir et surtout a nous soûler un brin... sans parler de sa chirurgie des cordes vocales en loucedé. Donc ce qui devait arriver arriva : des jeunes plus fringants ont fini par débarquer et lui ont piqué son taf. Plus musclés, travaillant leur cardio et bouffant des compléments protéinés - et tatoués tribal avec ça ! Comparé au pauvre James Cagney en encre bleue délavée sur l'épaule de Tonton, ça c'est sûr, y avait pas photo, et la branlée au baby n'a pas traîné. Ah, la force arrogante de la jeunesse, elle et ses blases agressifs ! (Racedehaine, franchement....) Mais pour se consoler on se souvient du jour où on a vu débarquer Boulefolle, lui aussi fringuant et avec son caractère de merde, on se souvient de quand il s'énervait pour de vrai à en faire trembler quelques rotules sous les tables - et on a une petite larmiche... oh, de pas grand chose, hein, la larmiche, faut pas non plus déconner... Boulefolle, c'était juste Boulefolle.