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Von Magnet › De L'Aimant

cd • 12 titres • 59:47 min

  • 1Silencio ! (intro)00:44
  • 2Morirme (rumba)06:03
  • 3Hambar (fandango)03:59
  • 4How to breathe (alegria)03:30
  • 5Fragments of ice (solea por buleria)05:35
  • 6Rayos (tarantos)07:06
  • 7Ma peine (tango flamenco)04:06
  • 8Electroflamenco (buleria)04:59
  • 9Arena (magnetico)06:05
  • 10El vacio (andalus)05:45
  • 11Miroir (siguiriya)05:28
  • 12Fantasmas (outro)03:28

informations

Produit, mixé, masterisé par Norscq.

Les titres Miroir (siguiriya) et Fantasmas (outro), crédités comme des index séparés, sont en fait montés d’un seul tenant, un silence les séparant.

line up

Flore Quétier (Flore Magnet) (paroles, voix), Jérôme Soudan (Mimetic) (composition, beats, karkbah), Phil Von (paroles, voix, composition, zapateados, karkbah), Sabine Van Den Oever (guitares flamenco)

chronique

Von Magnet incarne. Ses titres sont directs, ses jeux linguistiques un retour au littéral, les mots qui enfin signifient la chose : frontale et dure ou bien en fuite parce qu’en douleur. "De l’Aimant" : cette pierre noire qui attire ; ou bien celui qui aime. Von Magnet est collectif non figé – qui s’installe où il doit travailler puis s’en va lier ailleurs, accomplir et ouvrir. Troupe ambulante, membres fidèles serrés autours du noyau. Les moyens du groupe – de la compagnie – sont multiples, choisis. Ample sa geste et ses traits essentiels, bruts. Esprit élevé et chairs travaillées. Il y a sur scène plus qu’un concert, quand eux l’investissent. Un spectacle : entier, mouvant, saisissant… Rares sont ceux qui comme eux – en dehors du berceau (l'Andalousie gitane ou non...) – ont su s’imprégner ainsi du flamenco. Car celui là n’est pas qu’une musique, pas qu’une danse, même. C’est la fête poignante, le Drame qui convulse en explosion de lumière : combustion aveuglante, éclair qui calcine et révèle et nettoie ce qu’il frappe de tous les poids morts. "J’ai voulu mourir… Pour vivre plus loin"… Simple phrase. Qui ainsi transcrite semble presque plate. Qui par eux jouée, chantée – avec cette précision que lui donne la langue espagnole : "morirme" et non "morir" ; et "vivirme", on devrait dire "me vivre", mais le sens ici n’est pas du nombrilisme, seulement de l’expérience ramenée aux limites du corps qui ressent, se meut, s’arrête et vibre – qui par eux, disais-je, trouve sa profonde vérité. Duende. Ce masochisme que le Nord soupçonne souvent aux coplas, aux déchirements des cantaors et cantaoras, qu’il parodie parfois en comédie de sanglots, les artistes d’ici s’en sont depuis longtemps pénétré, en rendent la charge, la ruse, l’inversion véritable : il ne s’agit en souffrant que de sentir mieux et plus profond, d’affiner toutes perceptions, d’affuter cœurs et nerfs et l’extralucide prémonition qui n’est peut-être qu’attention extrême pour l’instant, la seconde, la fraction du basculement. Nulle complaisance, là-dedans, rien qui se vautre en délectation morne. Sang, circuits imprimés, cordes sonnantes, samples en vapeurs de hantises – Silencio ! L’électronique n’est là qu’une des percussions – c’est à dire un battement, un écoulement, poids pulsé, fluidité véloce ; ici qu'une autre strate des matières ; un enveloppement qui change la masse vitale des particules, amplifie l’espace, tend ou assouplie les trajectoires de l’attraction. Von Magnet, sur ce disque-ci, est au plus près de cet art, cante jondo, explosions de joie toujours au bord ou bien aux cimes des tragédies. Mouvements exacts et passionnés, cris plantés à la racine et lâchés, déployés. Il est cette fois légitime que chacun de ces titres – en castillan, anglais, français – soit suivi, comme sur les disques des Anciens de Jerez, Seville, Grenade… de ces indications pour toujours hermétiques aux yeux non initiés, qui chaque fois font impression de mystère, savoir technique et informel, non appris mais su sans erreur possible par qui s’en fait profession et voie. Rumba, fandango, siguiriya… Styles, allures – comme en équitation il y a des pas rompus ou bien couplés autant que des vitesses, qui parfois portent leurs noms identiques – formes précises, échelles, intonations de gammes, couleur de l’existence qui à ce point jaillit ou sourde. Il n’est pas ridicule, non-plus, qu’eux en inventent pour leur usage un tout particulier : ce magnetico qui qualifie le titre Arena – le sable ou l’arène, tout ce qui boit le flot lorsqu’il quitte les plaies. Von Magnet incarne, et à mesure que ces corps prennent l’âge, rien ne s'amenuise, en s'use, ne passe. Les muscles, les os, les flux, trouvent les postures les plus justes, plutôt, les points d’appui pour jeter sans déperdition fougue, fatigues, tourments d’esprit, de ce que l’on nomme âme, pointes embrasées de l’allégresse toujours inespérée. Ce ballet n’est pas simulacre. Il sait que ses mimétismes sont esquisses, forcément, épures par nature ; il les revêt de nos tissus d’humains, d’organique, d’organes. Et le vide, ce qui ne peut se montrer, à peine s’évoquer, est aussi ce qui nous frappe dans ses idoines proportions, sa sensible mécanique, son articulation. Il est la nuit où l’on s’enfonce pour dessiner et émaner les feux ; fait le contraste, le relief, le creux où pousse la plénitude inassouvie. Même ce qui ailleurs rendrait un son futile, insuffisamment dur ou d’une douceur pas assez matérielle – "chaque larme est une pierre qui déchire mes os/Chaque larme est un éclat de verre qui raye ma peau" – touche, ici, perce la cible. Exigeante, intransigeante générosité. La langue slave, même, qui soudain flotte sur les guitares de ce dernier midi avant la mer et l’autre rive, sœur d’en face, ne fait pas simple épisode rapporté du chemin, de l’histoire, de la migration, collage. Il est souvenir, mémoire. Et ceux-là sont zones cérébrales, jeux électriques, implantation locale aux lieux physiques de l’être – abandon et pensée, marche, course, trace de chute et suspension. Ce disque incarne. Et sa présence attrape et fait trembler les centres ; fait courir les toxiques jusqu’aux points où la peau sait par instinct les expulser – ou abreuver, selon l’heure impérieuse et l’aiguisement des volontés, dégoût, épuisements, désir, les soifs allumés encore sous sa surface.

note       Publiée le vendredi 21 février 2014

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Procrastin Envoyez un message privé àProcrastin

Toujours très plaisant celui-ci, des tourbillons d'affects scellés dans la chair, mais avec assez d'espace et de courants d'airs pour ne pas trop suffoquer par cette promiscuité.

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Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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Réécouté ça hier - au volant et de retour d'un petit périple cool mais pas reposant (dans l'état et les fumets de nous quatre depuis cinq jours dans le van...). Je l'avais un peu délaissé voir moins aimé, entre cette chronique et cette réécoute... Le réentendre comme ça - avec le moteur qui couvrait une partie des détails - m'a donné envie de me re-poser plus attentif dans son ambiance. Et bien là, à la maison, j'y retrouve tout ce qui je lui avais trouvé. (C'était pas parti).

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Hazincourt Envoyez un message privé àHazincourt

En Live cela prend une dimension incroyable et c'est d'une poésie rare. l'un des meilleurs concert que j'ai fait, musicalement, visuellement et artistiquement !

Procrastin Envoyez un message privé àProcrastin

Je découvre par le dernier, archipielagos. Ben j'aime beaucoup!

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eric burden Envoyez un message privé àeric burden

J'avais été un peu déconcentré par le jeu de scène, à ce concert. Il a l'air de sentir bon, celui-ci. Il est en entier sur bandcamp, tout comme les deux derniers, ce qui est plutot bien vu qu'il peut etre un peu difficile à écouter sinon.