Je ne reviendrai pas sur les difficultés du lancement de la carrière solo de Peter Murphy, elles vous sont contées dans la chronique de 'Deep.'. Toujours est-il qu'en 1986, ça y est, après une poignée de singles éclaireurs, le premier essai solo de l'ex-Bauhaus est dans les bacs. Aujourd'hui sa version rééditée par Cherry Red permet un bilan plus objectif qu'à l'époque (l'héritage de son précédent groupe pesant encore lourdement sur ses épaules et j'ai pour ma part boycotté le 'traître' Murphy jusqu' à 'Dust'). Il se caractérise par deux excellentes reprises, celle du 'Light pours out of me' de Magazine que Murphy colore d'une sensualité mélancolique et grave et 'Final Solution' de Pere Ubu, un peu moins barrée mais bien sombre et convaincante (presque plus proche de Bowie que des Américains). Niveau compositions personnelles, ce disque est au final plutôt bon, plutôt délicat et profond dans ses arrangements et ses climats. Par bien des aspects, c'est comme si l'atmosphère de Dalis Car se perpétuait, par exemple sur 'Canvas Beauty' avec sa fretless rappelant celle de Mick Carn ou 'Confessions' pour son indolence paresseuse, triste, légèrement toxique. Autant cracher le morceau de suite, c'est ce registre-là qui sied le mieux à monsieur Murphy; la beauté ténébreuse de son timbre y révèle avec doigté et sensualité tout le talent de son interprète. En témoignent le nocturne et étrange 'Never man', pas si éloigné de certains travaux de Bauhaus dans un registre semblable, le beau 'God sends' dont les percussions exotiques cèdent le pas à des atmosphères plus sèches et inquiètes. Une certaine beauté des ténèbres. Impossible d'omettre le 'Jemal' final poussant l'alchimie un cran plus loin avec son piano, ses tentations cabaret jamais réellement apaisantes ni dissonantes. Tout n'est pas que calme et volupté et l'artiste propose quelques chansons plus rythmées. Nettement moins sa tasse de thé. Si 'Blue heart' fait efficacement illusion de par la pertinence de sa mélodie, le morceau éponyme s'avère la grosse faiblesse de l'album de par sa banalité et ses arrangements datés sans saveur. Si Peter a assuré lui-même la programmation des boîtes, quelques claviers (d'où cette filiation avec la new wave de Dalis Car ?), il a principalement écrit en compagnie de Howard Hugues qui avait déjà joué pour lui à maintes reprises. Plus étonnant, la présence de l'ex-copain Daniel Ash pour quelques guitares, de même que John McGeogh (Magazine, Siouxsie and the Banshees, P.I.L.). L'acoustique n'a pas été négligé vu la présence de violon et de violoncelle qui se mêlent avec pudeur à la touche synthétique dominante. Avec ce recul salutaire, je m'étonne d'avoir boudé cet album si longtemps lui qui finalement opère une bonne transition entre Dalis Car et la carrière solo de Peter Murphy. Un chouia vieilli dans sa production, il reste pourtant savoureux et l'un des indispensables de l'ex-Bauhaus et Dieu sait qu'il y en a peu...Ah oui, le second cd ? Totalement dispensable, si ce n'est pour les deux inédits 'Stay' et 'Tale of the tongue'.