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Prince Far I › Long Life

  • 1978 • Front Line FL 1021 • 1 LP 33 tours
  • 2002 • Virgin 7243 8 12193 2 4 • 1 CD

cd • 9 titres • 32:12 min

  • 1Daughters Of Zion3:43
  • 2Right Way3:28
  • 3Black Star Liner Must Come3:47
  • 4Praise Him With Psalms3:25
  • 5In Your Walking Remember Jah Jah2:56
  • 6Farmyard3:13
  • 7Love One Another3:39
  • 8Who Have Eyes To See4:12
  • 9So Long3:52

informations

Enregistré par Sylvan Morris aux studios Harry J.

line up

Bingy Bunny (guitare rythmique), Carlton "Santa" Davis (batterie), Sly Dunbar (batterie), Prince Far I (voix, percussion), Vincent "Trommie" Gordon (Don Drummond Jr.) (trombone), Richard "Dirty Harry" Hall (saxophone), Errol « Tarzan » Nelson (claviers), Robbie Shakespeare (basse), Earl "Chinna" Smith (Chinaas Melchezinick) (guitare lead), George Fullwood (basse), Snappy (claviers), Bobby Kalphat (claviers, mélodica), Bongo Herman (percussion)

chronique

Autre histoire, ça, encore. Époque pivot. Histoire de retour aux sources ou du quelque chose qui se perd, on ne sait pas toujours. Question d’individus, en fait, de mouvement qui se fractionne, voire qui se spécialise.

Dans les dernières années de la décennie soixante-dix, le reggae devient une affaire internationale – littéralement affaire, littéralement mondiale. Marley touche le point sensible et tout veut s’engouffrer derrière. La musique des rastas – qui depuis toujours portait la parole locale, traînée instantanée derrière les événements, colporteuse de noms et mots de passes, caisse de résonance des aspirations, des protestations partagées dans les rues, les arrière-cours, les collines ; qui depuis le début mêlait à ça ses mythologies propres, généalogies religieuses, ses paraboles et ses prêches – désormais, s’exporte. Loin des quartiers où les messages qu’elle délivrait, les questions qu’elles posaient, s’échangeaient à portée de bras, de pair à pair, en voisins ou rivaux directs. Les hommes des frondaisons sortent à ciel ouvert, partent en longues tournées : Europe, Amériques, Afrique etc. Délaissent peu ou prou la gloire immédiate – certes souvent éphémère – qu’on leur faisait au pays.

Le public du cru n’aime pas trop ça, qu’on le snobe. Il oublie vite, aussi, ceux qui partent. Son goût change. Les producteurs du coin, à vrai dire, sont dans une drôle de passe. Leurs idées, leurs recettes, ont fait florès, amorcé cette légende qui partout maintenant fait sésame et dividendes. En terme d’imagination, d’accomplissement, de formes foisonnées et devenues autonomes, la chose dub, de plus en plus présente dans toutes les productions – dans le reggae, et désormais bien au delà – a touché déjà ses sommets. Mais pragmatiquement, matériellement, les Perry, les Tubby – comme d’autres, chez Studio One, Treasure Island… ceux en somme qui travaillaient sans relâche, inventaient, proposaient (bon… puis arnaquaient un peu trop les artistes pour que ceux-là veuillent y prendre racines, il faut bien avouer aussi) – commencent à manquer de fonds. De clientèle, même. Les stars, donc, sont au loin. Les Marley, Spear, Gregory Isaac, Dennis Brown… Tous les chanteurs.

Ce sont d’autres voix qui viennent remplir le vide. Parlées, celles-ci, la manière directe. Wordsound Is Power, disent les types aux dreadlocks : le Verbe Est La Puissance – mais une bonne traduction ne laisse pas de doute : ce Verbe là n’est pas de l'écrit consigné ; il est vibration, porté par les airs, jailli des larynx et des cages thoraciques. Ceux qui s’en emparent à cet instant, sur l’île, ce sont les toasters – les tchatcheurs. Non pas de beaux mais de forts parleurs. Habiles à l’image qui frappe, manieurs de timbres contondants ou insaisissables, adeptes de la rime scandée, cognée, tapée. Retour aux bases, donc, la forme qui se dénude à nouveau.

Parmi ceux-là, Prince Far I a carrure de Prophète. Pas là pour rire. Encore un habité, un fervent, évangéliste à l’œil noir et qui fixe. Et puis cette voix, diantre ! Voice of Thunder, l’appellent-ils là-bas. On pourrait dire aussi organe sismique, du fond des terres, des fosses marines autours. Tremblement des fondations. Grave. Très grave. Caillouteuse, gravillonneuse, texture rêche, râpeuse. Mais le débit posé, sûr, sans réplique. Avec cette propension à l’image terrible : enfers de lave, Armageddon, tourments surnaturels – la fin des temps est proche, il faut se tenir prêt.

Et derrière lui, ce son en débord, caverneux, plein d’éclats en rebond. Un dub brut et urgent qui déforme la matière musicale, l’éclate, lui colle cette même atmosphère de catastrophe imminente, continuée, continuelle. Mix brutal, aussi, parce qu’alors il est de coutume de recycler les riddims – instrumentaux, morceaux, arrangements – de les resservir derrière l’un ou l’autre dont c’est le nom sur la pochette. Mesure d’économie. Combien de versions pour une seule prise ? Tant que ça tient ! Mais en forçant le trait pour compenser, sur telle ou telle dimension qu’on lui donne, qu’on lui exagère afin que ça ne sonne pas encore usé.

Parfois – chez d’autres – ça tourne, il faut bien le dire, au procédé. Ça tient une saison, pas plus loin, c’est fait pour. Avec celui-ci – et sur le présent disque – ça reste marquant, son temps passé. Parce que le gars à la manière et le propos, la détermination qu’il faut pour assener ses hantises, sa ferveur. Parce qu’encore une fois – dès qu’on parle dub et satellites, c’est déterminant – ce son là pèse, fait ployer l’écoute. Tient toujours de l’effroi, en quelque mesure, et de l’étrange plaisir qu’on prend à s’y plonger.

Et puis le Tonnerre, de toute façon, ça ne vous laisse pas le choix. Si ça vous tend les nerfs, fuyez l’averse ou patientez. (Et si ce sont des grenouilles ou bien des pierres qui pleuvent, ne vous étonnez pas trop : ce gars là est biblique, on vous dit ; ça donne de drôle d’intempéries et de sacrées visions).

note       Publiée le jeudi 30 janvier 2014

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