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Pauline Oliveros (1932-2016) › Electronic Works

cd • 3 titres • 67:19 min

  • 1I of IV (1966)25:28
  • 2Big Mother Is Watching You (1966)33:45
  • 3Bye Bye Butterfly (1965)8:02

informations

1, enregistré en 1966 au Studio de Musique Électronique de l’Université de Toronto. 2, enregistré à l’été 1966 au Studio de Musique Électronique de l’Université de Toronto. 3, enregistré en 1965 au Centre de Musique Sur Bandes (Acousmatique ?) de San Francisco.

chronique

Une musique de dispositif, oui, nettement. D’équipements comme seuls instruments : générateurs de fréquences pures (c’est à dire oscillateurs), delays à bandes ou à plaques, magnétophones… Sons mis en circuits, amplifiés par réinjections, décalés à un point ou l’autre de la chaîne. Clavier d’orgue pris seulement comme appareil de contrôle, déclencheur – pas de son directement émis des chicanes qui s’ouvrent ou s’obstruent, seulement des longueurs d’échos modifiées. Appelez ça froideur si vous voulez, approche machinique, même non-musique. Ce n’est peut-être pas la question, à vrai dire. Car l’angle d’attaque – cela vaut pour ces premières pièces de Pauline Oliveros, bien avant qu’elle ne découvre (et dépose en copyright…) son concept de Deep Listening comme pour nombre de travaux des pionniers de ces musiques électroniques – est avant tout… Physique. Et intuitive. Exploration directe, plongée aux entrailles du son. C’est un changement d’échelle, en fait : les outils nouveaux permettent d’accéder directement aux paramètres les plus basiques, les plus fins aussi en ceci que la moindre infinitésimale modification fait basculer les masses, muter en une fraction de temps les textures. C’est une chimie, même : tous gestes appliqués aux particules élémentaires, aux atomes sonores – timbres, hauteurs, intensités ; attaque, durée, sustain, relâche… Certes pas d’émotion contée, d’épisodes racontés – les titres mêmes, quand ils ne sont pas purs index, semblent procéder d’un curieux humour presque de hasard (Big Mother…), ou décrivent, au plus, la provenance du matériau incidemment jeté sur le plan de travail (Bye Bye…). Mais bien évidemment – musique ou autre chose, au-delà, en-deçà – dès qu’il y a création (hors du conceptuel post-moderne ou l’œuvre et l’idée équivalent exactement, et on est là, nettement, dans un tout autre contexte), surviennent, anecdote ou pas, événements, sensations. Ces pièces sont histoires de volumes, de vibrations matérialisées, presque, enflées, captées puis amplifiées par l’assemblage. Comme d’autres à la même époque – toute une jeunesse psychédélique qui usait alors de machines semblables pour faire sourdre au grand jour leurs visions d’acides ; on écoutera, "au hasard", l’Anthem Of The Sun du Grateful Dead ; mais encore les étranges bandes-sons de Louis & Bebe Baron pour des métrages de science fiction hollywoodienne (Planète Interdite) ; ou plus singulièrement, encore, du côté d’un Sun Ra de plus en plus libéré dans le choix des formes et instruments (The Magic City) – Oliveros, là, semble vouloir révéler des dimensions, des espaces, des plans (vibratoires, encore une fois) autrement inaudibles, invisibles. Nous immerger dans des matières jusqu’alors impossibles, nous déferler leur grain inédit, imprimer leurs couleurs passantes – et encore sans nom ? – à nos rétines choquées d’inédit stimuli. Mais Pauline plus que les autres cités est tranquille, déjà, détachée. Qu’elle fasse gronder, crisser la Grande Mère – est-ce, qui nous regarde, l’Œil Dans Le Ciel ou Celui De Washington ? … Probablement ni l’un ni l’autre ; sans doute un autre plus clairvoyant, plus désintéressé – décompte et classe les parties, déphase (littéralement, au sens acoustique) des bribes de Puccini… On a toujours ici l’impression d’un processus complètement organique. Saisissant mais qui ne cherche à rien… "dire". Ce sont des cheminements, des mouvements moléculaires, encore une fois, que ces pièces rendent sensibles. Des échanges et mutations gazeux, transformations, effondrements et tensions érigées des enceintes investies. Pas pour rien si deux de ces morceaux – les plus longs, ceux de 1966 – procèdent d’un travail "en direct", poids et déploiements modifiés dans l’instant, à l’instinct, sans certitude sans doute des résultantes. Plus heurtées, contrastées, chaotiques que d’autres travaux à venir – ceux par quoi Oliveros se fera plus largement connaître – ces trois plages sont déjà de curieuses méditations : sans objets itérés, identifiés ; au cœur de moments qu’elles ouvrent devant nous, qu’elles présentent à nos sens, à quoi elles les disposent. La préhistoire, en quelque sorte, de l’art de cette Américaine. Sa période d’avant l’écrit, la théorie, les chartes. On les imagine toujours, ces ères plus violentes et sans langue attestée, en couleurs plus primaires, plus vives, en tectoniques incommensurables, boucans cosmiques indifférents à tout ce qu’ils agitent. En l’espèce, à l’écoute, on se dit qu’on a moindre tort, peut-être, d’user de ces métaphores à la place d’autres moins grossières.

note       Publiée le dimanche 5 janvier 2014

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    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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    (Merci)

    Et bien d'accord sur les ressemblances "fortuites" avec d'autres choses issues de courants/logiques/conceptions à priori complètement étrangers... Je me fais souvent la réflexion sur certains trucs censément "purement" noise ou complètement free, qui rappellent vraiment d'autres pièces électroacoustiques fixées sur support, "écrites" ; et dans l'autre sens également, ouep. (Et alors quand on en vient à des gens qui ne se laissent pas contenir genre Kagel et son Acustica, etc. ... On ne sait plus qui de quoi, hein ? Bon, en vrai ça me va comme ça, perso).

    mangetout Envoyez un message privé àmangetout

    Chronique parfaite (très bien écrite mais c'est rengaine de dire ça) résumant ce qu'il faut résumer, tant la spontanéité de ces premières pièces vous saute à la gueule. Mais, étonnement et après coup, on se dit que le résultat, rejoint, souvent, des travaux plus écrits, pré-ordonnés et/ou "conceptuels" notamment certaines productions de l'INA-GRM (je pense à certains Bayle ou Parmegiani) dans leur rugosité, leur chaleur analogique, leurs arrêtes tranchantes et leurs atmosphères arides sans être vides mais comme certains morceaux d'improvisation "totalement libre" du free-jazz ne sont, au final, pas si éloignés de certaines compositions de musique contemporaine atonale. L'intention et la sanction de l'écoute, d'une écoute à l'aveugle, dégagée des présupposés.
    Je trouve, personnellement et comme Dioneo, que le terme "Ovni inclassable" est un fourre-tout pour mettre dedans ce qui nous arrange et pour le coup n'arrange pas la musique de Pauline, les "étiquettes" musique électronique et électro-acoustique sont parfaites pour elle, car elles parlent des moyens de production utilisés et non du ressenti de sa musique, l’américaine utilisant aussi bien des sources électroniques (Moog, Buchla) que des sons sur bandes magnétiques avec dispositifs de traitement dignes de la musique sur support (cf. "L'art des sons fixés" de Michel Chion). Enfin bref au final on s'en fiche un peu quand même, le plaisir d'écoute reste primordial... ce qui n'empêche point de réfléchir...

    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
    avatar

    J'ai hésité... Suis pas fan de cette "étiquette" parce que je trouve qu'à force ça fait un peu "on sait pas où les mettre/on sait pas trop quoi en faire" donc facilement plus bric-à-brac que singularité - mais ceci-dit oui hein : en version non-frelatée du truc, ça lui va bien comme épithète... (Un autre d'elle est en route sinon, ouaip, déjà... Et j'ajoute Bye Bye en écoute, tiens...).

    dariev stands Envoyez un message privé àdariev stands
    avatar

    Et donc, la voilà sur guts, elle... Tu n'as pas utilisé la catégorie "ovni inclassable", pourtant je crois qu'elle est en plein dedans. Il faut plus de chros maintenant !