PJ Harvey › 4-Track Demos

Pour ceux qui trouvaient que "Rid of Me" était un peu plombé par la non-production rentre-dedans de Steve Albini, voici le médoc idéal pour profiter des effets migraineux post-écoute des brûlots cramés de Polly Jean Harvey dans toute leur impureté originelle. Toute seule, comme une grande fille. Une belle fille aussi, voyez un peu l'allumeuse dans sa chambre d'hôtel qui se la joue touriste-starlette en petite tenue. Fixez bien l'objectif. Mais pas trop. Être enfermé avec Polly ça peut sembler être de l'ordre du fantasme, mais c'est pas le genre de nana qui va se laisser faire. Seule avec son quatre-pistes, c'est pas pour ça qu'elle va enregistrer des petites démos en acoustique bien gentilles qui n'attendent qu'une bande de loulous pour prendre cher. Polly, elle envoie, elle n'a besoin de personne, merci bien. Alors ce sera sans la chape de plomb de la tête de nœud de Chicago, la voix de la belle (oui, la belle, garçon manqué no more) s'entendra nettement mieux même dans la fausseté mais l'instrumentation, dépourvue de section rythmique, ne sera pas moins abrasive, crasseuse, grinçante, rentre-dedans, bruiteuse ou arrogante en débordement de cyprine fumante. Lo-fi as fuck. Raw as fuck. Fuck as fuck. Jamais Polly sera moins polie. Polly chante et crie (piste 1), Polly double sa voix (piste 2), Polly fait dégueuler sa guitare (piste 3), Polly rajoute des claviers déglingos ou du violon rouillé (piste 4, y a pas plus). Polly toussote avant de se lancer, Polly fait quelque pains, Polly écoute des bandes de chansons en Russe, Polly va gueuler un coup dans la salle de bain parce que la réverb est meilleure, Polly met son métronome devant le micro, Polly en petite culotte et guitare sous le coude se défonce toute seule. Le répertoire de "Rid of Me", il est connu, il est repassé à coup de fer dans la tronche, c'est bluesy-crado, ça percutionne avec ce que ça trouve sous la main. Même sans basse/batterie, ça ne perd rien de son mordant, ça a du chien de sa chienne. Polly n'a plus besoin de sa meute, d'ailleurs s'en est alors fini du trio Harvey/Ellis/Vaughan. Polly est une grande fille maintenant. Une affranchie. L'ombre protectrice du bon Captain toujours au-dessus d'elle, Polly démontre qu'elle peut tout faire toute seule, dépouillée mais pas nue. Son blues punkoïde de femme ravageuse, elle le balance en se frottant le plus près possible de l'os, de la matière la plus brute, la plus écorchée. Et comme si les grands morceaux de "Rid of Me" ne suffisaient pas sous cette forme (et ils suffiraient, écoutez ces versions fracassantes de "Rid of Me", "Ecstasy", "50ft Queenie" ou "Yuri-G"), Polly en remet une couche avec quelques brillantes surprises, ce "Hardly Wait" érotique et dramatique, ce "Goodnight" marécageux et visqueux, ce "Easy" lancinant et menaçant. Et puis "M-Bike" explosant de colère jalouse, Polly en furie devant un pauvre type qui lui préfère sa putain de moto, salope d'engin. Et "Reeling" avec sa morgue sensuelle sur fond d'orgues qui bourdonnent et vrillent les tympans, transpirant de sexualité affolée quand Polly feule des "take me to the moon" intimidants. Polly, oh Polly, ton blues du Dorset fait du bien quand il fait mal. Et dans cette chambre-là, il fait très mal. Tu fais très mal. C'est bon. Une putain de femme, Polly.