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Rued Langgaard (1893-1952) › Sfærernes musik (l'harmonie des sphères)
cd • 15 titres • 53:21 min
- Sfaerernes musik- pour soprano solo- choeur- orchestre et orchestre à distance (1918) | 35:29
- 1Like sunbeams on a coffin decorated with sweet-smelling flowers2:32
- 2Like the twinkling of stars in the blue sky at sunset2:34
- 3Like light and the depths2:08
- 4Like the refraction of sunbeams in the waves0:36
- 5Like the twinkling of a pearl of dew in the sun on a beautiful summer's morning0:53
- 6Longing - despair - ecstasy3:33
- 7Soul of the world - abyss - all soul's day2:16
- 8I wish...!1:21
- 9Chaos - ruin - far and near2:07
- 10Flowers wither1:36
- 11Glimpse of the sun through tears5:17
- 12Bells pealing : look he comes!1:58
- 13The gospel of flowers - from far distance2:28
- 14The new day1:32
- 15The end: antichrist - christ4:38
- Tonebiller (four tones pictures) | 17:44
informations
Ivar munk (producteur); Biran Couzens (producteur executif); Jorn Jacobsen (ingénieur); enregistré les 21, 23 et 24 fevrier 1996 au Danish Radio Concert Hall.
line up
Hedwig Rummel, Annette Simonsen (contralto, choeurs solos); Gitta-Maria Sjöberg (soprano); Danish National Radio Choir; Jesper Grove Jorgensen (maître de choeur et direction de l'orchestre à distance); Danish National Radio Symphony Orchestra; Gennady Rozhdestvensky (direction)
chronique
- aurore boréale
Figure atypique, étrange, anachronique, et finalement paradoxale, Rued Langgaard est un des compositeurs danois les plus prolixes et fascinants. Paradoxale car incomprise, il ne fût longtemps connu (enfin, toute proportion gardée) que sous deux angles largement contradictoires : à la fois comme un musicien passéiste, entre romantisme tardif et pastiches franchement classiques, mais aussi pour une seule et unique œuvre, l'avant-gardiste et inclassable "harmonie des sphères". Il fût d'abord et avant tout incompris et rejeté par l'intelligentsia musicale danoise de son époque, entra en conflit avec Nielsen, ce qui ne pardonne pas. Ses innombrables tentatives d'obtention de postes et autres créations de ses œuvres furent systématiquement rejetées ; il finit par obtenir un placard à l'autre bout du Danemark, organiste à la cathédrale de Ribe à l'âge de 47 ans... il y mourut 11 ans plus tard dans l'anonymat et donc l'indifférence générale, à la tête de plus de 400 œuvres, disparates et protéiformes. On peut toujours s'interroger sur ce qu'aurait été sa production si les portes de la vie musicale danoise ne lui avaient pas été aussi sévèrement fermées, si son caractère pour le moins entier ne l'avait pas poussé à s'attaquer à Nielsen, dont il critiqua la domination sur la vie musicale danoise. S'il ne se départit jamais de son amour de la vie et de son optimisme, Langgaard s'enfonça néanmoins dans l'amertume et la défiance. Pourtant... oui, pourtant... pourtant sa première symphonie écrite à 17 ans et créée à Berlin révélait sans ambiguïté une puissance et une science créatrice hors du commun ; pourtant, cette fascinante "Sfaerernes musik" composée à 25 ans est totalement visionnaire, et sublime. Une œuvre extra terrestre, qui marqua profondément le monarque Ligeti, et il suffit d'écouter la symphonie n°3 du canonisé Norgard pour en mesurer l'impact dans les plus hautes sphères de la musique contemporaine danoise. Musique spectrale, aérienne, étrange, elle témoigne de la vision mystique de l'art qu'avait son auteur, alternant les vols stationnaires de violons vibratiles, les chœurs tour à tour declamatifs et mystérieux, les roulements de timbales préparant l'apocalypse et les arias célestes pour soprano, à l'élégance mélodique aujourd'hui merveilleusement surannée. Partition hautement plastique, dans laquelle l'acoustique des différents instruments est matière première, avant les notes elles-mêmes, elle se présente comme l'éclosion d'une longue aurore, habitée par endroits de percussions tribales, assombries dans ses creux de cuivres profonds, et dans le ciel de laquelle s'envolent flûtes et hautbois, dans des chassés croisés virtuoses et aériens. Souvent minimale, juste tendue par les violons dont Langgaard tire le son le plus épuré et lumineux, la partition est une fantastique mise en espace des sons et des mélodies, faisant appel à deux orchestres, dont l'un à distance, dans un jeu de lueurs et d'horizon à l'impact proprement visuel inégalé. L'abstraction mélodique des bois tisse des atmosphères irisées, étranges et nuageuses, les rares arias sont angevines et atteignent ainsi à la désincarnation, les descentes chromatiques sont soulignées de mélodies délicates... les timbales passent comme de funestes présages. Huit ans plus tôt, sa première symphonie déchaînait les pupitres et noyait l'auditoire sous un flot sonique d'une maîtrise ahurissante ; ici, tout n'est que légèreté, retenue, vibrations. "Longing-despair-ecstasy"... "Glimpse of the sun through tears"... "The gospel of flowers-from the far distance". Le génie de Langgaard s'exprime dans cet équilibre, cette confrontation, ce mariage parfait entre abstraction et tonalité, entre pures textures et mélodies de soie, entre les aigus de violons de verre qui vibrent comme les premières lueurs du jour et les mouvements souterrains des cors et des tubas. Les notes s'étendent, les sons s'étirent comme au sortir du sommeil ; on est entre l'aurore boréale et le rayon vert, la glace et le satin. On assiste à l'éveil des harmonies, on aperçoit l'invisible, on est peu à peu envahi par la douce chaleur de cordes qui se balancent comme des herbes sous la brise, une voix s'élève enfin au dessus du silence comme le soleil se lève. Declamatif, tendu à l'extrême et aveuglant, l'ultime chapitre est finalement cette irradiation, irrésistible, que l'on a attendue, pressentie et redoutée durant la demi-heure d'émerveillement qui la précède, et qui soulage autant qu'elle écrase. En 1918, Langgaard créait avec "l'harmonie des sphères" la musique planante, l'ambient, et posait les bases de la musique spectrale. Écoutée aujourd'hui, "Sfearernes musik" est une fascinante rencontre entre modernité intacte, intemporalité, et fragrances mélodiques un peu fanées, qui lui confèrent cette aura sans doute plus étrange et subjugante encore.
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- Moonloop › Envoyez un message privé àMoonloop
"les rares arias sont angevins" Langgaard puisait son inspiration dans le cointreau, où-bien est-ce le chroniqueur? :o) - Quoique la mystique et l'ivresse se tiennent parfois main dans la main -. Belle chronique par ailleurs pour une pièce fascinante. Les "4 Tone Pictures" présents sur ce disque sont très beaux aussi.
- MaxwellsDemon › Envoyez un message privé àMaxwellsDemon
Un grand merci pour ces chroniques. Bonne année!