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Clock Dva › White Souls In Black Suits

cd • 7 titres • 40:27 min

  • Face A
  • 1Consent5:05
  • 2Discontentment (1 & 2)6:03
  • 3Still/Silent7:22
  • 4Non11:07
  • Face B
  • 5Relentless5:27
  • 6Contradict5:23
  • 7Anti-Change (Soundtrack ; Keyboards Assemble themeselves At Dawn)14:08

extraits audio

informations

Enregistré par Jon Mills sur une « unité mobile EGA », au sutdio DViation, lors d’une session d’improvisation de quinze heures. Mixé par Richard H. Kirk et Stephen Mallinder (Cabaret Voltaire).

La liste des titres est reportée depuis l’édition vinyle Italian Records de 1982. La K7 originale semble donner Anti-Change et Soundtrack ; Keyboards… comme deux plages distinctes, et dans l’ordre inverse de celui proposé ici. Cette version vinyle porte également une faute typographique pour ce dernier titre : Keyboards Assebble à la place de Assemble. L’intitulé Anti-Change est probablement fautif également, la K7 proposant quant à elle le titre Anti-Chance (repris d’ailleurs dans le court texte/manifeste reporté au verso de la pochette).

line up

Charlie Collins (saxophones, flûte, percussion, glace, « go go bells »), Adi Newton (voix, clarinette, guitare électrique à l’archet, synthétiseur), Roger Quail (batterie, percussion), Steven "Judd" Turner (basse, guitare avec effets), David J. Hammond (guitare)

Musiciens additionnels : Richard H. Kirk (sur 7), Stephen Mallinder (sur 7)

chronique

Pour les inventeurs de la musique industrielle – cette recherche appliquée (et déphasée) en accidents – le punk, de fait, apparaissait comme un repli, réactionnaire. Pas tellement pour le retour clamé aux bases, à la simplicité – ce n’était qu’une ruse, ça, pour trouver, permettre d’autres formes ; non parce qu’il voulait dégommer les stars du rock de stade – ceux-là étaient une partie de la cible commune… Mais une partie seulement – incidente, presque négligeable, au fond. Parce que justement... Pour ces quelques individus radicaux, lassés des arts dérivatifs qu'ils connaissaient par cœur et de leurs morbides atermoiements – pour ceux du collectif COUM Transmissions, singulièrement, d’où émergera Throbbing Gristle – c’est bien par là que "le punk" (entendre : le punk rock, surtout) péchait : c'était trop peu, demie-mesure ; le choix sournois – parce que stratégique, calculé par avance – de l'impuissance à faire pour de bon table-rase, le moment venu. Connaître trois accords – Genesis P. Orridge le dira lui-même plus tard, à peu près mot pour mot – ça leur semblait déjà bien trop, à ceux-là. C’était une fois de plus cultiver du savoir mort. C’était continuer – forcément pour rien puisque tout était dit. Prendre un instrument, l’apprendre, c’était s’apprêter – interminablement – à récupérer encore des débris, à assembler des bouts de déchets respectables ; se placer dans la suite des faussaires et des dupes. Les scories, eux voulaient les fabriquer – directement, telles quelles, conçues comme scories mêmes. Il fallait pour ça détruire le geste, la machine à faire des œuvres, la pléthore des théories prouvées. Chacun devait s’emparer de ce qui le mettait le plus mal à l’aise, de ce qui lui tenait le plus mal entre les mains. Les technologies nouvelles valaient avant tout parce qu’on ne savait pas faire fonctionner les appareils – allumés tout de suite et maltraités sans toucher au mode d'emploi ; ce qui allait en sortir si on touchait là, si on branchait ensemble ci et ça ; ce que ça allait dire, là-dessus, le texte jeté sur un brouillon. Ensuite, il fallait tout enregistrer. Tout mettre en vente sans rien changer ; en coupant, seulement, en recollant le plus possible au hasard. Tout mettre sur le marché à des prix dérisoires. Contaminer les amateurs, montrer qu’au final ça valait bien en intérêt, ça surpasserait en puissance d’excitation – et de loin – les objets calibrés dans les fabriques à savoir-faire. Bien sur, ce fut une autre impasse. Et ladite invention – de "l’indus", donc, avant que ça devienne un genre de plus – devait découler de l’échec. C’est à dire que de tout ça, effectivement, il est encore sorti de l’art et du folklore, une tradition. De la création, nouvelle, originale mais pas tout à fait amnésique. Parce que ça ne se pouvait pas, qu’il y a le langage et que la passion de tous ces gens là s’était forcément, voracement nourri du flot des choses et des affinités – courants, littératures, disques, liqueurs, manifestes, fréquentations forcées ou électives.

Les jeunes gens de Clock DVA étaient de ces quelques poignées – ceux là bloqués à Sheffield, cité du Nord de l’Angleterre, usines sinistrées – qui avaient pris au pied de la lettre cette idée de départ depuis rien, de sape des fondations, de pleine incompétence posée comme condition. Deux ans avant, en 1978 – l’année où Throbbing Gristle sortait son 20 Jazz Funk Great, titre et musique ironiques mais avis de défaite, justement : il y avait là des morceaux identifiables, c’en était bien, de la musique – le groupe s’était donc emparé de machines inconnues. Synthétiseurs incontrôlables, boîtes à rythmes sommaires, effets tripotés. Et tout de suite, sûrement, avaient commencé à enregistrer. Cinq cassettes en deux ans à peine. Collusions de nappes et de fragments, sons malades, crissements noyés dans l’écho, déformés par les paramètres d’une électronique utilisée à rebrousse-poil. Avec par dessous, entre les strates, enfouie, flottant, coupant ou perçant la matière, la voix d’Adi Newton. Comme il arrive, ainsi, à force de pratiquer – c'était fatal, disions-nous – eux aussi, finalement, avaient appris. Acquis une bizarre maîtrise des outils. Malgré eux, façonné. Le temps était venu de changer encore d’armes, de retrouver la maladresse, l’ignorance technique. C’est ce moment là que capture ce disque. Instant paradoxal : parce qu’indéniablement, c’est là que la démarche trouve son plein aboutissement ; parce que, pas moins, c’est là qu’elle s’abîme, définitivement. White Souls In Black Suits – beau titre, en passant, à la fois délavé, terne comme le énième index d’une série de roman de gare et menaçant, obscurément, imprégné de lassitude à voir passer les clones d’une génération, de l'autre – résulte d’une longue séance d’improvisation ; quinze heures, disent les crédits ; dans un probable hangar. Les membres du groupe, donc – de ce qui devenait un véritable groupe, en fait – pour l’occasion, avaient délaissé les claviers et les stations informatiques primitives, désormais trop familiers. Repris guitare, basse, anches, batterie – pour s’empêcher d’atteindre un but, de suivre une routine. Et les fragments ici soudés, de cette grande débauche de timbres échappés, de lignes ressassées en obsessions récalcitrantes, assemblage de minutes, omission d’autre pans, ne manquent pas d’intriguer, de frapper, de déstabiliser. Paquet de nœuds synaptique, mémoires piratées, fracturées, genres, riffs, schémas contrariés dès qu’ils s’emballent et veulent nous entraîner. Un motif de guitare effilé, presque funk, se heurte aux toms cognés trop fort et bien trop sur le temps, rythmique clouée – le battement obnubilé n’est accepté que parce qu’il nie ses velléités de groove qui libère. Le son est distant, parfois, confus. Des détails émergent, mixés trop en avant ; fixent l’attention, l’entraînent droit au mur quand ils trébuchent et se délitent. Les nappes atonales, souffles superposés, opposés, émulsions de saxophones et clarinettes, sont les seuls laps en quoi l’écoute pourrait trouver un semblant d’apaisement, de répit ; mais l’appui se dérobe, les textures sont instables et rien n’y tient qui puisse se creuser une place ferme. La voix d’Adi Newton – à peu près seule inchangée depuis les premiers travaux, les cinq cassettes précédemment évoquées – édicte des lambeaux de mauvais rêves, manifestes de frustration, tentative de nier l’ombre à l’œuvre ; ou bien de l’épouser, d'intimement s’y fondre. Encore, déjà, ce timbre étrange : glacial et séduisant, grave, bizarrement virile ; cette diction atone et solide, articulée ; désertée des nuances du drame mais habitée de colère gelée, de dégoût, d’un amour passionné, contrarié, impossible – pour le monde, ce qu’il devrait être à l’aune des vivants. Voix de songe-creux, de hantise ; et présence charnelle, gênante, parfois, intrusive, presque jusqu’à l’obscène – choquante et attirante comme telles fulgurances au détours d’un cut-up dans l’œuvre d’un Burroughs, d'un collage Dada, au hasard des logorrhées de leurs mille épigones.

Whites Souls In Black Suits est forcément décevant, frustrant, promesse partiellement tenue. Parce qu’y meurt la première impulsion – qu’elle s’y mue en musique. Parce que cette musique est bancale, trouée – l’est par nature et par destination. Parce qu’elle est embryonnaire, que ce qui peut y captiver est ce qui ne veut pas y prendre, s'y donner, ce qui refuse d’aboutir. Ce n’est plus l’expérience totale, aveugle, des débuts, le bruit industriel – au sens propre, premier, à tous les sens du terme, alors, en ces lieux et ces temps – capturé, enfermé dans les rectangles de plastique et mis comme ça, jeté en circulation. Ce n’est pas encore la musique d’après. Les thèmes d’une future mythologie peuvent bien y naître – les obsessions, encore, voyeurisme, désœuvrement de l’employé sans emploi, flétrissures du chemin invariable ; maison/bureau/maison, quelques boîtes et des pubs, peut-être bien, entre temps ; la figure du Costume Noir et de son âme enserrée, hypnotisée par l’errance bien réglée, archétype, récurrence dans les disques à venir…

Tout ça, pour l’instant, ne va nulle part. C’est l'objectif : avoué, affirmé, aussitôt mis à mal, à mort. Ainsi gravé, c’est forcément inconfortable. Ça vous reprend aux heures de la nuit où l’inquiétude saisit – l’inachevé, l’intime conviction qui ne parvient pas à se formuler, tout ce qui sourdement taraude, qu’on refoule, qui revient toujours ; à l’heure où tout cela seul vous arrache aux tentations de la tranquille extinction.

note       Publiée le dimanche 17 novembre 2013

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ProgPsychIndus Envoyez un message privé àProgPsychIndus

La discographie de clock dva est un sans faute pour moi, groupe en perpétuel évolution, en recherches sonores, c'est la même chose pour TAGC l'autre projet de Adi Newton, projet plus ambiant, mais d'une force expressive magnifique. Le coffret horology montre le potentiel énorme de ces mecs dans les années 80 !!!!

Message édité le 12-09-2023 à 23:37 par Progpsychindus

Note donnée au disque :       
Shelleyan Envoyez un message privé àShelleyan
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Il est quand même bien âpre celui-là... Je comprends mieux pourquoi je ne l'avais pas apprécié quand je l'ai écouté en 1992; quand comme moi on a découvert le groupe avec le fabuleux 'Buried dreams', on ne peut qu'être déboussolé par cette victuaille industrielle grouillante... Je suis encore ébahi par la créativité et la liberté de création de ces artistes. J'ai vendu ma maison pour m'acheter le coffret 15 cds et je découvre un univers aux recoins vraiment divers et passionnants... Pour en revenir à celui-ci qui me parle aujourd'hui, j'y retrouve un peu de Bourbonese Qualk en plus extrême.

Message édité le 12-09-2023 à 20:27 par chris

Hazincourt Envoyez un message privé àHazincourt

mhm elles sont toutes les deux de 1978, je n'en sais pas plus, mais "Texas Chaisaw Massacre" était à priori une édition privée pour les amis peut être, c'était pas officiel, alors que "Lomticks Of Time" semble être la première production officielle du groupe.

Klarinetthor Envoyez un message privé àKlarinetthor

oui c'est plus important historiquement; voir les collages qu'ils faisaient a leur debut; ca vire tres vite a des choses bien differentes avec la K7 reeditée sur lomticks (tu peux confirmer qu'elle est bien posterieure a Texas chainsaw?)

Note donnée au disque :       
Hazincourt Envoyez un message privé àHazincourt

Désormais "The Texas Chainsaw Massacre" est sur youtube ! Bon c'est un truc de 1977/78 leur première sortie je crois, c'est space, comme si ils avaient enregistré le film dans la salle et bidouillé ça sur un quatre piste. C'est plus une curiosité qu'un indispensable, contrairement à tout ce qu'ils ont sorti après. https://www.youtube.com/watch?v=tqldnFIEL5I