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Gustaf Allan Pettersson (1911-1980) › Symphonie n°13

  • 1993 • CPO CPO 999 224-2 • 1 CD

cd • 1 titre • 67:03 min

  • 1Symphonie n°13 (1976)67:03

informations

Enregistré en janvier 1993 en Ecosse. Ingénieur : Tony Kime. Producteur executif : Burkhard Schmilgun

line up

BBC Scottish Symphony Orchestra, Alun Francis (direction).

chronique

"S'apitoyer sur son sort est une attitude si improductive. Ce dont je fais part n'est pas de l'apitoiement, mais pure information". Et tout n'est que douleurs, frustrations, négations... et accumulations. Voilà 5 ans que l'hôpital m'a remis dans ma prison de plâtre et de béton. 5 ans que je n'ai pas senti, réellement, le souffle du vent sur mon visage, 5 ans que seul le bruit s'invite au travers des murs de mon appartement... le quartier est en chantier permanent, ça démolit, ça fracasse, ça gueule. Tout n'est qu'accumulations. La nuit mes voisins écoutent de la musique rock. J'avais pourtant tant de vie à donner, tant de musique à faire. Jamais je n'avais autant chanté pour les hommes. J'ai passé mes dernières années à composer un oratorio et une cantate : "Vox humana"... à tel point que l'on me fait aujourd'hui des offres pour écrire des opéras, et que je dois les refuser. Composer pour la voix lorsque l'on vit emmuré dans le vacarme des pelleteuses et des bétonneuses, quand vos nuits sont niées par un rythme binaire et des rires étrangers... ce n'est que pure information. On ne veut pas que je me plaigne... je ne le souhaite pas non plus. Pourquoi devrais-je me plaindre, puisque j'ai toujours vaincu ? J'ai voulu faire du violon mais on préférait me tabasser : j'ai fait du violon. J'ai voulu devenir musicien et apprendre au conservatoire, mais les riches fils de pute qui arpentaient les lieux se moquaient de mes fringues et de mes idées de gauchiste... la liste est longue, jusqu'à la maladie, l'infirmité et même la mort, qui est venu me chercher des poux dans la tête. J'ai toujours été plus fort. Ma musique a toujours été plus forte. Aujourd'hui on veut me réduire au silence en m'accablant de bruits. Crois-tu que j'ignore le bruit ? Crois-tu que je n'ai pas déjà, et si largement, appris à trouver la vie, la beauté, l'espoir au milieu de la pire des fureurs ? Comme si ma musique pouvait se taire... comme si ma musique pouvait s'éteindre. Elle sera sans répit. Aux vulgarités de la ville se mêlent les sanglots des petits, le vacarme des faibles qui se battent pour survivre. Le monde n'est que collisions. J'écris un monstre. Tant de lignes s'entremêlent, tant de ruptures, tant d'explosions, tant d'acharnement et de cuivres chauffés à blanc. Les violons et les altos occupent sans cesse le ciel de leur vol angoissé ; ils tournent, ils tournent, ils tournent au dessus du sol où rampent et se tortillent les corps lourds et ronflants des contrebasses... sans répit... car rien ne peut s'épanouir ; tout avorte, tout se déforme, tout se bouscule et s'agresse... rien ne dure. Rien qui ne disparaisse, épuisé de ne pouvoir se faire entendre, ou enseveli sous la masse de la grande cacophonie. Les courtes plages de tranquillité sont si rares qu'elles en paraissent dénaturées, illusoires... irréelles. Tout n'est que vacarmes, collisions, superpositions, répétitions et divergences... le monde n'est que divergences. Il n'y a pas une flûte qui ne puisse faire entendre son chant malade sans qu'une trompette ne l'assourdisse de ses piaillements de vermines, pas un voile de cordes dont les ondulations difformes ne soient percutées de cuivres bouillants, pas une mélodie qui n'échappent à la tourmente, à la peur, à l'égarement... pas d'issue. Tout ce que je sais, tout ce que j'ai appris est là, tous mes océans mêlés en une immense, et atroce planète d'eaux noires et terribles. Le monde que je devrais tant vouloir retrouver ne m'envoie que des messages d'agressions, de violences, de frustrations, d'humiliations, et mes souvenirs, eux, ne sont que désolations. Toutes les images me reviennent sans arrêt dans la tête. Elles se heurtent les unes aux autres. Je revois la forge, encore et toujours, j'entends les klaxons, les moteurs, les engins et les gueulantes, les conversations débiles, tout ce qu'éructe la ville, et qui entre par mes fenêtres... au milieu de tout ça, déformé par la maladie et la douleur, je fais entendre mon chant de colère, de regrets, et d'amour. Dans l'immonde labyrinthe d'un monde qui perd la tête je jouerai du violon, celui qu'on m'a volé, je chanterai à l'alto les larmes de ma sœur, la douleur de mes semblables entassés dans la boue, le visage lumineux de cet homme sans chaussure ni maison, qui boit au caniveau. Je vis assailli par les montées et les descentes chromatiques des hautbois et des flûtes, des violoncelles et des tubas qui me bousculent et me balancent jusqu'à m'en faire vomir ; assailli par des salves de trompettes perçantes et viles comme des dards de scorpions, piétiné et cogné par des caisse claires martiales et des tambours aveugles. Mes symphonies sont des océans, au milieu desquels, déformé par la maladie et la douleur, cloîtré dans le bruit et quatre murs de béton, je fais entendre mon chant de regrets, de colère et d'amour. D'une île lyrique à l'autre, j'irai reposer mes oreilles malades et mon cerveau fatigué, encombré, gavé de bruits et de souvenirs, d'intranquillité et de dissonances. Cela fait tant d'années que je n'ai pas entendu de mélodie tonale... celles qui me sont parvenues ont été noyées, découpées, violées... elles se sont accouplées sans égard d'harmonie, de règles, sans égard pour personne. Allongé et malade sur le sable couleur cendre de mon île, j'arrive à peine à saisir le calme retrouvé de la terre ferme ; même si la tempête semble avoir cessé, je la pressens qui gronde, je la sens dans mes veines, je l'entends qui s'agite dans le souffle du ressac. J'ai oublié le silence, j'ai oublié le calme, l'attente ; moi, le musicien, on m'a condamné au bruit. Je ne comprends plus rien, je ne vois plus rien, le monde n'est qu'inconfort, vacarme et déraison ; je survis à la proue de ma musique ; peu m'importe d'être audible, j'ai renoncé au monde. "Depuis les années 60, je suis atteint d'une maladie incurable. C'est un véritable miracle que je parvienne à garder une activité créatrice. Un miracle comme l'amour dans la vie a maintenu la vie - je l'ai expérimenté jusqu'à l'extrême limite - j'ai vécu comme un homme accablé - mais on a quand même continué de me piétiner - tout cela est si loin du monde qui règne dans ma musique ; c'est pourquoi je veux garder cette musique pour moi."

note       Publiée le lundi 11 novembre 2013

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