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Tori Amos › Strange Little Girls

  • 2001 • Atlantic 7567-83486-2 • 1 CD

cd • 12 titres • 62:09 min

informations

Enregistré et mixé par Mark Hawley & Marcel von Limbeek à Martian Engineering, Cornouailles, Angleterre et John Philip Shenale à The Nut Ranch, Los Angeles, CA. Produit par Tori Amos.

line up

Tori Amos (chant, Wurlitzer, Bösendorfer, Rhodes, synthétiseur ARP), Adrian Belew (guitares), Matt Chamberlain (batterie, percussions), John Philip Shenale (cordes, synthétiseurs), Justin Meldal-Johnsen (basse), Jon Evans (basse), M&M (guitare, claviers 7)

chronique

  • florilège de reprises glauques

L'album de reprise, c'est l'occasion rêvée pour ressortir l'argument du manque d'inspiration. Avec Tori Amos c'est aussi le moment de signaler le début de sa schizophrénie artistique et du goût pour les concepts un peu fumeux qui seront au rendez-vous des albums suivants. Ici, un point de vue féminin sur des morceaux d'hommes, des vrais, avec des couilles. Mouais. Autant dire que c'est comme les gimmicks foireux dans les films d'auteur français, ça tient la distance sur un petit tiers et ensuite c'est juste un prétexte qui habille vaguement les reprises en question. Comme prévu c'est donc aussi inégal et aléatoire qu'une soirée dans une boite à partouze, surtout quand il y a une seule fille entourée de plein de mecs. Mais je diverge. Malgré l'aspect intrinsèquement hétéroclite de l'affaire, il y a quand même une atmosphère globale qui se dégage de l'album et celle-ci est plutôt glauquasse, sans doute à cause des traitements très tordus infligés à certains morceaux et des thématiques abordées, assez sombres. Mais il faut mettre de côté les scories inévitables pour apprécier les petites perles noires. Déjà, reprendre les Beatles n'était pas une très bonne idée si c'était pour en faire, euh… ce qu'elle en fait. La version de "Time" de Tom Waits, en piano voix, est mollassonne à souhait. Et si "Enjoy the Silence" passe mieux l'épreuve de la nudité des arrangements, révélant si besoin était que Martin Gore est tout bêtement un excellent auteur de chansons, elle n'est pas exactement transfigurée comme l'avait pu être "Smells Like Teen Spirits" près de dix ans plus tôt. Dans ce registre plutôt classique et apaisé, "Rattlesnake" en Rhodes et guitare acoustique fait son petit effet avec élégance alors que "I Don't Like Mondays", plus dépouillée encore, résonne des échos de la fusillade de Columbine deux ans plus tôt alors qu'Amos l'interprète avec une délicatesse pudique. Alors d'où vient cette sensation de malaise insidieux qui se dégage malgré tout de cet assemblage de bric et de broc ? De la version habitée du "New Age" du Velvet, qui se finit dans le bruit et la fureur de la guitare hachurée d'Adrian Belew et le chant de Tori glissant de la suavité vers une hargne progressive. Du bouillon de dissonances dans lequel est plongé le classique "Heart of Gold" de Neil Young, totalement méconnaissable et massacré sans vergogne par la sorcière Tori dont la voix se dédouble pour mieux pétrir la pâte du morceau et le rendre aussi difforme et peu aimable que possible. Des bourdons sourds et du piano lugubre qui accompagnent le morceau emblématique de Slayer transmuté en ambient gothique de mauvaise augure, largement aussi sinistre que l'original en prenant un parti pris sonore radicalement opposé. De la sidérante version de l'infâme et cynique "'97 Bonnie et Clyde" d'Eminem, où sur un fond de bande-originale digne d'Hitchcock en boucle, Tori sussure au creux de l'oreille et donne une voix au cadavre de la mère assassinée qui semble alors s'adresser à sa fille, et ce sans même changer les paroles. Le résultat est miraculeux et bien plus flippant que la version du rappeur white-trash de Detroit. Dans le même ordre d'exercice de mutation radicale, le slow qui tue des déjà très sarcastiques 10cc est réduit à sa plus simple expression sur fond de beats anémiques et de bourdonnements inquiétants, Amos chantant à peine la mélodie qui semble toute maladive, toute chétive, pour un résultat aussi sexy et chaleureux qu'un hangar désaffecté en zone industrielle entre une et quatre heures du matin. Glauques donc les reprises par Tori Amos. Pas facile de te vendre un album pareil coco, alors il n'y aura qu'un single, la chanson la plus pop, la plus évidente, mais pas la moins torturée, "Strange Little Girls" des Stranglers qui arrive juste derrière celle d'Eminem à laquelle elle semble répondre, comme une suite indirecte à l'histoire de cette petite fille meurtrie, "she didn't know how to live in a town that was rough." Pas facile de se débattre dans ce monde de mecs pas clairs. D'ailleurs où sont-ils passés les hommes, les vrais ? Jamais dernière pour secouer le cocotier du patriarcat, Tori conclue sur une version magnifique de "Real Men" de Joe Jackson, qu'elle s'approprie à merveille, avec un retour à des arrangements plus classiques et son piano lumineux mis en avant, comme il le sera à nouveaux dans le futur.

note       Publiée le vendredi 8 novembre 2013

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Note moyenne        2 votes

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Aladdin_Sane Envoyez un message privé àAladdin_Sane

Je découvre la reprise de Slayer. Ha oui quand même

(N°6) Envoyez un message privé à(N°6)
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Je l'adore cette reprise. Elle a remplacé la tornade de riffs par un piano qui drone et finalement l'atmosphère est tout aussi malsaine je trouve, en prenant un biais totalement inverse. Un des meilleurs morceaux de cet album, avec celles de Eminem (idem, parti pris complètement opposé) et Neil Young (idem).

Message édité le 14-08-2022 à 19:30 par (N°6)

Nicko Envoyez un message privé àNicko
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Je viens d'écouter sa reprise de Slayer. Je reste dubitatif. Pour moi, ce n'est pas une reprise. Elle a juste utilisée les paroles mais elle a écrit un morceau complètement différent (et over-chiant). A part les paroles, y'a absolument aucun lien musical avec l'originale.

Rastignac Envoyez un message privé àRastignac
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La reprise de Slayer et d'Eminem sont vraiment bonnes, d'un joli glauque. Enfin surtout celle d'Eminem. En fait, un single aurait ptet suffi.

(N°6) Envoyez un message privé à(N°6)
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Sa reprise *magnifique* de Nirvana (et qui a contribué à faire réaliser que Cobain, ben c'était aussi un putain de bon mélodiste et un parolier singulier parce que d'un coup ça s'entendait clairement) elle l'a faite beaucoup plus tôt, dès l'EP "Crucify" au moment de la sortie de son premier album. Donc rien à voir. Et même si aujourd'hui hélas l'exercice de la reprise "décalée" est devenue une grosse tarte à la crème, à l'époque ça avait quand même mis tout le monde sur le cul.