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Shannon Wright › Over the Sun

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Gros Bidon      samedi 27 août 2022 - 17:06
Khyber      mercredi 6 mai 2015 - 18:34
cyprine      samedi 30 novembre 2013 - 09:44

cd • 9 titres • 42:20 min

  • 1With Closed Eyes04:39
  • 2Portray05:36
  • 3Black Little Stray06:20
  • 4You'll Be the Death04:08
  • 5Throw a Blanket Over the Sun04:25
  • 6Avalanche04:50
  • 7If Only We Could04:07
  • 8Plea04:08
  • 9Birds04:07

informations

Enregistré à Electrical Audio, Chicago, Il, par Steve Albini

line up

Shannon Wright (chant, guitare, piano), Christina Files (batterie)

chronique

  • claque dans la gueule

Dès cette petite mélodie de mellotron glauque, on sent que ça ne va pas être la marrade. Et puis ça tombe, la rythmique de guitare saccadée, hoquetante, heurtée, puis la batterie sèche comme un coup de trique. Et enfin la voix, porteuse d'une angoisse pénétrante. Shannon Wright n'a jamais fait dans le superflu, mais cette fois-ci le voyage sera plus austère que jamais. Quand au refrain s'abattent ces riffs qui fouettent jusqu'au sang, la messe est dite, d'autant que le morceau s'interrompt aussi brutalement qu'il avait commencé, d'un seul cut de rasoir. Et ça reprend, toujours plus désespéré, en une colère froide qui ne demande qu'à s'expurger dans des instants de rage insensée que Shannon passe sur sa pauvre guitare qui en prend plein la gueule, sa seule confidente dans une nuit froide et solitaire, sa seule compagne d'infortune, celle à travers de laquelle l'expression du mal-être prend l'allure de décibels dégorgés comme on vomit toute sa mauvaise bile jusqu'à se faire très très mal. Ca laisse des traces physiques et morales, c'est difficile d'être confronté de plein fouet à une telle douleur, à une telle agressivité dirigée contre soi-même. Shannon est comme en transe, elle n'a pas d'autre choix, elle doit passer à travers la nuit, mais chaque minute apporte son lot d'angoisses nouvelles qui grignotent à l'intérieur, comme un ténia malveillant. Shannon se berce de comptines lugubres qui finissent par imploser en vagues de bruit purulent. Colère, se calmer, hurler, respirer, hurler encore, respirer doucement, se calmer, hurler à nouveau, respirer, respirer et puis hurler encore, encore, encore. Et finir par s'épuiser. La peur ça épuise. Quand on a bien pleuré, bien gueulé, bien souffert, l'organisme vous lâche. Alors Shannon doit ralentir le rythme, mais elle n'en est pas moins toujours envahie par la terreur et la haine, c'est comme la marée, comme la nausée, ça revient par vaguelettes, c'est insupportable, on voudrait juste dormir. Mais c'est exclu. Freiner oui, parce qu'on n'a plus la force physique, que les yeux sont secs, mais la boule dans le ventre est toujours bien là. Shannon ne se fait plus d'illusion, elle sait que tout ça va la détruire. Et puis, trop ankylosée par toutes ces douleurs, ces migraines, ces sales idées, elle se met au piano, d'abord toujours suivie des coups éprouvants de cette batterie implacable, et de sanglots d'un violoncelle imaginaire. Puis, comme par soustraction, comme si la nuit toujours plus profonde apportait son lot de silence à défaut de sérénité, seule, toute seule, résignée à sa tristesse immense, plus qu'elle assise sur son tabouret, jettant les derniers soubressauts de son énergie en quelques accords martelés. Si le Soleil est dans le titre, c'est que quelqu'un a jeté une couverture par dessus, qu'il fait froid et sombre maintenant dans le coeur de Shannon. Dans cette interminable nuit d'angoisse, elle pourrait s'évanouir au loin sur quelques dernières notes d'ivoire, d'un sommeil désiré, sombrer dans une inconscience, un oubli sédatif. Mais ça ne se passe jamais comme ça. Quand on croit en avoir fini, du moins que le corps va brandir le drapeau blanc, c'est là que ça recommence. Les ressources humaines à souffrir sont surprenantes d'endurance. Et ça reprend plus troublé que jamais, plus dissonant, la guitare spasmodique heurte à nouveau le cerveau de Shannon, et remue ses idées noires en un bouillon malsain. Et la colère remonte à la surface, privée de son énergie d'il y a quelques temps mais toujours aussi brûlante, et ça fait tourner la tête, ça n'en finira donc jamais. C'est reparti pour un tour, et bien. Plus inquiétante que jamais Shannon, gagnée par un dégout exponentiel qui joue sa petite ritournelle maintenant menaçante. Osez croiser son regard à ce moment-là, il vous transpercera et vous détournerez le votre à moins de tenir à y laisser des plumes. Shannon projette une violence inouïe, une violence pure et inconfortable, parfaitement familière, trop familière pour qui a déjà traversé ces longues soirées à se triturer le cerveau et à se taper contre les murs avant de s'endormir en pleurant sur l'oreiller. Une violence qui suinte par tous les pores de sa musique, même quand elle semble flotter entre deux eaux. Ne l'approchez qu'avec la plus grande prudence ou vous serez marqués à vie. Comme moi, qui en garde toujours une cicatrice.

note       Publiée le lundi 28 octobre 2013

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Ah, Fiona. La meilleure. Y a de ça dans l'intensité, parfois tout en tension rentrée, oui. Fiona sur GoD le jour où je trouve les mots. C'est pas gagné.

Gros Bidon Envoyez un message privé àGros Bidon

On est bien d'accord, loin de moi l'idée de coupler la production de Patti et de Shannon. Il n'en reste pas moins une certaine filiation que je ne suis pas le seul a avoir ressenti si j'en crois les analyses en ligne que je viens de lire. D'ailleurs, si je devais rapprocher la voix de Shannon d'une autre artiste ce serait plutôt de celle de Fiona Apple que j'admire aussi beaucoup. Bref, tout ça pour confirmer que je place très haut cette artiste que vous m'avez fait découvrir.

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En concert c'est d'une intensité parfois insoutenable. Rugosité, c'est le mot. Bon par contre aucun rapport, mais vraiment aucun, avec Patti Smith, c'est absolument pas la même musique, je vois même pas d'où vient la comparaison en fait (sinon que toute nana avec une guitare qui fait du bruit est ramenée à Patti Smith, comme l'a été PJ Harvey en son temps alors que là non plus, aucun rapport; d'ailleurs elle ont exprimé toute deux leur agacement face à ce genre de comparaison non pertinente où toute artiste féminine est systématiquement ramenée à un unique référent, forcément féminin aussi, on voit la même chose avec Kate Bush ou Björk d'ailleurs). Wright elle a ce truc très brut du son de Chicago (le post-hardcore à la Slint ou Shellac), y a vraiment aucun rapport une intellectuelle new-yorkaise qui veut faire de la poésie comme Rimbaud ou Lou Reed (après j'entends bien qu'on fasse les liens qu'on veut en fonction de son propre parcours d'écoute). Y a d'autres trucs à creuser chez Wright, même si j'ai pas suivi sa disco exhaustivement. Moins torturée que sur celui-ci, mais pas moins intense quelque soit la forme, guitare qui grince ou juste piano/voix.

Message édité le 27-08-2022 à 17:36 par (N°6)

Gros Bidon Envoyez un message privé àGros Bidon

L'écoute de cet album me fait tout d'un coup regretter les grandes voix de femmes comme Patti Smith. Bien sûr ni les mélodies ni le lyrisme de Shannon Wright ne peuvent prétendre égaler Patti mais on retrouve sa rugosité et sa spontanéité dans chaque titre sans toutefois la parodier. Il est probable que Shannon soit passionnante en concert. Merci en tout cas de m'avoir fait découvrir cette artiste qui tranche tellement avec les minauderies actuelles.

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Je devrais en chroniquer d'autre. C'est toujours une merveille en concert (j'ai zappé le piano-voix la semaine dernière, assez connement), intense est le mot juste. Dans un peu le même ordre de rugueux que cet album, je recommande In Film Sound, l'avant-dernier Division est très beau aussi dans un style plus contrasté.