þursaflokkurinn › Okomin forneskjan

'1984-de l'album qui n'est jamais venu'...Þursaflokkurinn n'aura finalement pas sorti son cinquième album, du moins pas avant 2008 et la sortie de la box 'Þursar' collectant l'intégralité des enregistrements du groupe, y compris ce disque avorté, cette fois finalisé et enrichi d'inédits. Hasard ou volonté, la première photo lorsque l'on ouvre le digipack date de 1983 et montre les musiciens vêtus de noir et blanc, le visage passé au fond de teint blême, les lèvres noires, les yeux sombres...Comme pour préfigurer l'acte de décès du projet ? A en juger par les compositions d'ailleurs, ce n'est pas un vent de franche gaité qui parcourt les partitions de Þursaflokkurinn à cette époque, jamais leur musique n'a sonné si mélancolique. Combo passionnant ayant démarré sa carrière sous le sceau du rock progressif avant de se faire rattraper par le punk dont il adoptera la philosophie DIY en montant son propre studio afin de ne plus dépendre d'une maison de disques, il se laissera séduire par la new wave sans renoncer à l'exigence de sa propre grammaire. 'Ókomin forneskjan', 'Antiquité à venir', étrange titre résumant l'ambiance particulière qui le baigne, entre spleen nostalgique et un goût de l'expérimentation pas totalement éteint. Le morceau éponyme démarre sous des auspices peu joyeuses: nappe de clavier lourde, cristal de guitare glacé, chant plaintif presque religieux et même si le rythme démarre, qu'un saxo pointe le bout de son bec, on ne se départit pas de cette tristesse recueillie, laquelle se retrouve sur 'Súpa a la carte' avec une note plus inquiétante lors de descentes de fretless poncutées d'un accord de guitare, quant au piano hivernal il renforce cette impression d'échec désabusé transmis par la voix. Mais tout ne se limite pas à ce genre d'ambiances, certaines pièces se voulant plus fières ainsi 'Of stórt', 'Harley Davidson' qui me rappellent des échos lointains du Pink Floyd époque 'The Wall' dans ce qu'il pouvait dégager de plus intime ou 'Anarki' carrément punk dans ses orchestrations. Avec l'instrumental ambient 'Hverju á að trúa – Arab ?', c'est avec son volet expérimental que le groupe renoue, de même que sur 'Fjandsamleg návist III' mais de manière plus jazzy et légère. Depuis leur conversion à des cieux plus new wave et le disque 'Gæti eins verið' produit un an auparavant, nos Islandais maîtrisent l'art de faire passer la complexité musicale pour de la pop. Les inédits au contraire renouent avec une veine plus progressive en mêlant influences rock, jazzy, mambo, cabaret, psychédéliques, qui satisfera sans doute davantage les amateurs du style, à ceci près que le format des titres se stabilise autour des quatre minutes, ce qui n'empêche pas moult variations, piques, break, roulements, nouveaux départs, intensité, apaisement. Je ne vous cacherai pas que ce disque est rare et à la base uniquement inclus dans la box mais bon, les magasins de seconde main de Reykjavik, c'est fait pour ça...