Big Noyd › Episodes Of A Hustla

Chroniques des Vautours de Queensbridge, Volume III : "Episodes Of A Hustla". Celui qui a aimé Mobb Deep (mais n'a hélas pour sa face pas trouvé d'autre album bien mortifère dans leur discographie, passé le diptyque létal L'Infâme / Enfer sur Terre) en veut encore. De ce feeling cold. De ce beat qui tombe comme une douille sur le bitume rugueux des samples de vinyles qui craquent. Pour ce faire, ce vagabond devra emprunter la ruelle derrière la grande avenue gelée de Hell On Earth, et ainsi poursuivre la ballade aux mains de leur dealer, le petit Big Noyd. Parce que les parrains sont présentement un peu occupés à curer des os de gangstas sur leur bureau en marbre, et qu'ils auront pas trop le temps de faire plus de quelques apparitions pour surveiller que le deal se passe convenablement... en revanche, ils sauront faire sentir leur ascendance du haut de ces pittoresques dédales tapissés à la chaux. Gros Noyd, simple troufion de la clique mobbienne, n'est de facto pas aussi menaçant que P et Havoc. Plutôt du genre à faire le travail de rabattage pour la clique, sans se donner des airs supérieur dans le dos des patrons. Flow bien en place de porte-flingue modeste donc, via lequel la menace de mort impétueuse et prodigienne est remplacée par du storytelling de petite frappe à la Nas, versant "sans ambition". La violence morbide laisse donc place au street-walking morose, les coups de couteau entre les omoplates deviennent des tapes dans le dos, même si le froid crispe toujours encore les joues, même si le soleil filtre un peu à travers les vitres car l'aube pointe son pâle museau... Vers la fin (qui arrive vite car l'album est aussi court que le budget du smicard en fin d'année après la régularisation EDF) besoin furtif de présence féminine : une petite halte au poste des gagneuses du coin pour une séance de peura'n'b a visée non-lucrative avec une biatch au blase inconnu qui se prend pour Mary J. Blige... r'n'b de grognasse sur beat ? ouais ; et si ça effraie, il faut se dire que la chanson n'en est pas moins dangereusement entêtante, collante, et à sa manière, tout aussi glaçante. Du pur Mobb Deep à l'ancienne versant meuf, ça fait quelque chose vu que ça n'a marché qu'une fois... les nappes de synthés jouent dans cette sensation... probablement les mêmes modèles que Burzum utilisait j'imagine. Le style Havoc de la grande époque voilà tout : des instrus qui puent l'amiante, des cliquetis malsains. Havoc veut dire "ravage" pour rappel, et ses beats quand il était en forme en imposaient autant que Dark Vador. Hormis le bizarroïde "All Pro" (où il s'essaie apparemment à un style plus Premier) - tout est directement dans la lignée de ses prods pour Infamous et Hell On Earth ; aucun album n'en est aussi proche même, écoutez par exemple "Episodes of a hustla" et les deux parties de "Recognize & Realize" pour ressentir les mêmes frissons, le même venin, le même truc fluide, toxique et nocturne... Havoc était vraiment au sommet de son style de prod "légiste en heures sup' à la morgue" en 96. C'était simplement du grand hip-hop de rue, au goût d'homicide, aux récits simples mais puant la réalité, l'authentique misère des torves, leur zone et leur quotidien sans lumière au bout du tunnel, les paliers d'immeubles saccagés avec de la peinture au plomb écaillée qui nique le sang sur plusieurs générations.