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Enregistré et mixé par Steve "Barney" Chase & Suminobu Hamada à Wonder Station. Produit par Joe Hisaishi.
Joe Hisaishi (piano, claviers, programmation Fairlight), Ikuo Kakehashi (percussions), Chiharu Mikuzuki (basse)
Une ritournelle simple comme un jeu d'enfant. Il lui fallait ça à Kitano, pour son Pierrot d'Okinawa, pour son yakuza déclassé, planté sur une plage en attendant la mort. Juste le temps de refaire des châteaux de sable et contempler la mer, la dernière frontière avant la fin. Quand on est pétrifié par la peur, comme l'est Murakawa, il vaut encore mieux faire des blagues. Et la petite ritournelle au piano d'avoir une saveur inquiétante, dramatique, sous-tendue par une ligne de basse caoutchouteuse et des synthés s'empilant progressivement sans jamais la noyer complètement, cette mélodie de peu de chose. Une petite musique qu'on oublie pas, attachée qu'elle est aux images inoubliables de ces voyous Japonais retombant en enfance, de ces durs à cuir en chemises hawaïennes trompant l'ennui et la peur en simulant des combats de sumo gaguesques sur une plage immense. C'est à Joe Hisaishi que revenait la tâche ardue de faire émerger cette mélancolie douce et terrifiante, cette peur insidieuse, le tout avec une légèreté absolue, sans jamais devoir souligner. Alors encore une fois, il fait le choix du minimalisme, loin, très loin de ses opératiques compositions pour Miyazaki. Plus ténues encore que pour A Scene at the Sea, les mélodies mortelles de Sonatine trouvent leurs origines avant tout chez le vieux maître Terry Riley, auquel on pense immédiatement quand se déroulent les frétillements synthétiques et psychédéliques de "Magic Mushroom", Hisaishi use de son Fairlight comme d'un sorcier, ondulant au rythme indolent des vagues. Et cette étrange et très japonaise boucle de "Play on the Sands", comme sortie d'une boite à musique mécanique au son de laquelle Kitano ferait bouger ses petites figurines dans des cercles tracés à même le sable, envahi de ce devenir enfant qui le prend devant cette angoissante étendue d'eau infinie, une frontière devant laquelle tout s'interrompt, le temps et la vie. Hisaishi mêle ainsi parfois le ludique et le triste dans un même morceau, au fil d'arrangements flottants, de percussions pour marionnettes, d'éclairs de claviers lumineux, de nappes froides et de bouts de chants triturés de façon assez grotesque. Sans jamais oublier qu'ils n'iront pas plus loin que cette plage, ces hommes-là, et que la nuit, sous la lumière froide de la lune, son piano ne peut évoquer qu'une ambiance de menace sous-jacente, lugubre et un peu surréaliste, "On the Fullmoon of Mystery". Tout comme les jeux se répètent incessamment, Hisashi passe son thème principal à la moulinette, y revient régulièrement, le colore différemment selon les heures de la journée, et au final il ne cessera plus de hanter l'esprit de celui qui l'entendra. Une sorte de sortilège cette Sonatine, dont on ne peut réchapper malgré les escapades plus mélodiques ou plus atmosphériques à droite à gauche, d'un bout à l'autre de la grève. Il y a de quoi tourner en rond. Hisaishi lui-même s'enferme dans un anneau de Möebius, sa composition la plus foncièrement Terryrilienne, nocturne et envoutante, annonciatrice d'autres plages plongeant dans un ambient onirique, au moment où le film bascule enfin, où la violence étouffée fait une irruption silencieuse et létale. Il n'y aura pas d'explosion. La mort est sèche et sans spectacle, c'est la mélodie qui signale son immense tristesse, à peine le temps de redessiner le thème principal de Sonatine sur son versant le plus doux et poignant, "See You…", avant de le relancer avec toute son ampleur initiale dans une version terminale où Hisaishi laisse aller un piano pathétique le long des lignes glaciales de synthétiseurs qui s'entrecroisent une dernière fois. Simple comme un jeu d'enfant.
note Publiée le mercredi 4 septembre 2013
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Mais c'est vrai qu'il est entré dans une sorte de crise avec lui-même et ses films sont devenus plus expé, foutraques. Et puis il y a quand même eu une grande vague, ou vogue, du cinéma Japonais contemporain (avec l'apex de la Palme d'Or de Imamura pour Unagi et du Lyon d'Or de Kitano pour Hana-bi la même année) dans les années 90 qui a reflué à l'approche du milieu de la décennie suivante.
Glory to the Filmmaker! et Achille et la Tortue ont bien marché encore.
C'est un petit miracle quand un grand cinéaste trouve son grand compositeur de musique de films. Pour l'un comme pour l'autre, "Sonatine" n'est peut-être pas leur "grand chef-d'oeuvre" (pour moi, c'est "Hana-Bi") mais c'est tout de même chaudement recommandable. Par contre ce qui est étonnant, c'est que j'ai l'impression que Kitano a disparu des radars depuis "Zatoichi", mais après 11 films allant de Bon à Grandiose, il a le droit de passer à autre chose...
"Vas-y, donne lui ta vie !" (oui, pas le même film je sais...mais cette scène m'a marqué à jamais...d'ailleurs elle fait assez cruellement écho à cette scène culte de Sonatine reprise pour la pochette, c'est peut-être pour ça que j'y ai pensé quand tu as évoqué Terajima.)
Par contre Kitano, plus je vieillis plus je trouve ça génial. C'était déjà le cas y'a 15 ans, mais avec la maturité, je me rends compte que Susumu Terajima est un personnage central de ma représentation des années 90's que je n'ai fais que traverser (tardivement quand même) à l'époque où je me faisais la totale du cinéma de cette époque là en VHS de médiathèque ou en Divx de 700 Mo. Putain, le premier Katsuhito Ishii, "Shark Skin Man"... il devient quoi lui d'ailleurs ?