Lunettes noires et goéland près du Tjörnin, Reykjavik...Le fantôme de Johnny Cash fatigué d'errer dans les limbes du paradis s'en est venu reposer quelques accords bluesy, tandis que l'autre balance son petit orgue bien funèbre...'Now I'm old and bitter', tu l'as dit, man, sauf que les bars de la capitale islandaise, ça te requinque son homme si t'avales quelques verres de Brennivin, et du coup l'humour revient au galop, on se sent plus jeunot dans sa tête, au point de s'en aller titiller la donzelle ('Precious one')...Presque un pastiche, presque...L'infatigable Henrik Baldvin Björnsson (Singapore sling, Go-go Darkness, Dead Skeletons) et son compère Thorgeir Gudmundsson (également membre de Singapore Sling à une époque) nous la jouent Cash meets Nick Cave in Iceland et se rebaptisent Hank and Tank pour une série de chansons plombées, bluesy, au rythme brumeux d'esprits englués dans les vapeurs de spiritueux. Des orchestrations dépouillées, lentes, pour des bases le plus souvent acoustiques qui s'allument sous quelques étincelles électriques pour des atmosphères de fond de bar placées sous le leitmotiv des oiseaux. Des tranches de vie glauquinettes, des bilans de vie amers que l'on croirait nés de la plume d'hommes mûrs et pourtant...Presque too much, on devine le sourire esquissé dans l'ombre, presque, mais rien n'est sûr...Il serait de mauvais goût de se marrer si l'intention n'était pas ironique, donc autant s'enfiler une bière de plus pour se noircir le moral; de tout manière demain aura les mêmes couleurs délavées qu'aujourd'hui. Un beau truc au final, peut-être un hommage ? En attendant, le ciel de Hank et Tank, c'est le plafond du pub, et les oiseaux mêlent leurs plumes à la mousse des pintes; on se sent bien dans la pénombre à écouter. Même si aucun étranger à la silhouette de cowboy ne ramène ses santiags, on se prend à l'imaginer et on termine la bouteille...De toute manière, on peut sortir au grand jour, traîner ses bottes parmi les chiures de mouettes au bord du lac, le soleil islandais n'est pas de ceux qui font mal aux yeux, juste à la tête...