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La Rumeur › L'ombre sur la mesure

cd • 19 titres • 58:27 min

  • 1Entrée
  • 2Les Coulisses De L'Angoisse
  • 3L'Ombre Sur La Mesure
  • 4Je Connais Tes Cauchemars
  • 5Le Prédateur Isolé
  • 6Interlude 1
  • 7Le Coffre-Fort Ne Suivra Pas Le Corbillard
  • 8Les Petites Annonces Du Carnage
  • 9Premier Matin De Novembre
  • 10Ecoute Le Sang Parler
  • 11365 Cicatrices
  • 12Le Cuir Usé D'Une Valise
  • 13Interlude 2
  • 14Moha
  • 15A 20000 Lieues De La Mer
  • 16Le Silence De Ma Rue
  • 17On Frappera
  • 18A Les Ecouter Tous
  • 19Sortie

informations

La réédition de 2003 contient un CD bonus avec 4 inédits ("Nous Sommes Les Premiers Sur...", "Le Dortoir Des Grands", "A Minuit L'Égorgeur", "La Théorie Du Tonton")

line up

Ekoué, Hamé, Philippe, Mourad (MC's). Kool M, Soul G (production)

Musiciens additionnels : Casey (MC 18), LTA (MC 18), Sheryo (MC 18), Acto (MC 18)

chronique

  • alternatif

La présence de La Rumeur dans nos archives me semble une évidence, et pas seulement parce qu'ils sont le seul groupe de rap français à avoir été médiatisé tout en restant farouchement indépendant... Même si ça fait naïf de le dire comme ça c'est aussi une des raisons de leur charisme à part, au milieu de tous ces MC's médiocres qu'on se farcit dans l'Hexagone. D'ailleurs il suffit d'aller jeter un oeil sur le nombres de vues récoltées par leurs morceaux sur youtube pour constater leur impopularité crasse en comparaison à certains blases bien moins anciens. Une racaille pourrait même nous rétorquer que c'est du rap urbain authentique, mais surtout apprécié par les intellos. Par une fanbase fidèle et silencieuse, surtout, qui préfère savourer le texte plutôt que de se laisser aveugler par l'écrin, même si l'écrin a de la gueule. Le rap de la Rumeur a toujours été un peu bancal, imparfait, trop manichéen - car humain, mais aussi (paradoxalement?) rigide et appliqué, presque didactique, antithèse du fun et du groove. L'équilibre et la complémentarité quasi-militaire des flows se répandant dans nos enceintes, solides (genre arrêtes tranchantes), aucun ne dépassant l'autre (bien que Hamé reste à mon sens si pas "le cerveau du groupe", du moins celui qui a toujours signé les meilleurs textes aux côté d'un Ekoué souvent considéré comme le rôle principal, plus instinctif et sauvage, et de Philippe et Mourad mésestimés mais pas moins percutants et avec leur personnalité bien trempée) y sont pour beaucoup dans cet aspect "cérébral et torve", même si la poésie ne manque pas de s'évader de ces gorges brûlantes. Les textes sont cruciaux, usant de la métaphore et de l'anaphore, avec moins d'inventivité et de panache que chez des IAM mais avec un côté plus "brut", plus menaçant, et pas moins littéraire au final (le jeu de mot pessimiste en filigrane dans leur nom est à lui seul révélateur), qui donne à La Rumeur cet air d'opération au scalpel sur le rap français. Un peu comme Dead Prez à la même époque, mais de façon plus efficace, La Rumeur, arrivé bien après la bataille menée par Public Enemy, veut effacer la dérive bling bling, retrouver une pureté rap "consciente". Ils se revendiquent du rap politique, reviennent à un afro-centrisme, dans une posture pète-sec qui leurs donne des air de casseurs d'ambiance forçant le regard jusqu'à avoir des sourcils à la place des yeux. Et reviennent aussi au message initial et punk de NTM : s'opposer à la variété et à la chanson française, par l'instru binaire et le croisé de voix. A un héritage. A un pays dans lequel ils vivent et pour qui ils n'ont pas vraiment envie de trimer. On peut évidemment trouver qu'ils en font des caisses sur leur condition, et que tout ça fait un peu posture, caricature de rap conscient... Mais n'ayant jamais vécu en banlieue, j'ai toujours ressenti une forte sincérité dans leurs textes, quelque chose de brut, une façon de voir le monde en gris et noir. Un rap négatif, pessimiste et politique. Même si ici L'Ombre sur la Mesure, sorti après six ans de galère et de maxis qui ont fait leur noms, est encore le visage de la première version de La Rumeur, plus nuancée... tout est déjà là : visions urbaines nocturnes, dégoût presque traditionnel du CRS, invectives au système et aux rappeurs "vendus aux radios", posture menaçante. Contrairement à Assassin, sur la scène depuis le début mais complètement grotesque en dehors de quelques instrus efficaces (et dans la posture la plus hypocrite en ce qui me concerne), La Rumeur a une saveur, leurs mots ont une chair, un visage, une odeur... et même si beaucoup de mots tombent à plat, beaucoup t'arrivent dans la gueule et y restent. Et L'Ombre et La Mesure reste peut-être à ce niveau (au niveau des mots) leur meilleur album, du moins le plus riche, celui dans lequel on revient d'année en année en redécouvrant quelques bribes pas saisies au premier voyage, et parfois des pépites remarquables ("A 20000 Lieues De La Mer"). Les prods, plus variées que ce que la suite donnera mais pas mises en valeur par la version CD (son un peu étouffé et plat), montrent un groupe encore underground et frais, les sonorités jazzy en place disparaîtront par la suite, éradiquées par le chrome - pour beaucoup cet habillage plus organique et "années 90" reste ce qu'ils ont eu de mieux comme parure mais je trouve que Kool M et Soul G gagneront plus tard à dégrossir... Le décor est en réalité encore tiède, douillet. Les ombres se creusent sur les flows et les prods. L'album le plus nuancé d'un groupe sorti de l'ombre, le plus dense question textes, mais curieusement pas le plus marquant... Comme un crépuscule, avant l'ouverture de la morgue et le lâcher de papillons de nuit.

note       Publiée le dimanche 11 août 2013

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Étant donné leur réputation hyper austère (peut-être due à la suite), je m'attendais pas à des prod aussi smooths. Moi j'étais beaucoup plus familier de Ékoué et Hamé invités dans des émissions de débats sociétaux des années 00 (les 00's dernière décennie télévisuelle notable), j'avais jamais poussé plus loin et la, bonne surprise. C'est dense sans être (trop) didactique (c'est pas Assassin pour le coup, même si je serais plus mesuré que la grosse pique dans la chro; par ailleurs on entend l'influence que ça a du avoir sur quelqu'un comme Casey, qui est déjà dans le coin), c'est très fortement atmosphérique, tendance vieux Paris cradasse, y a un côté "ceci est la nouvelle chanson réaliste, la vraie". Les flows hyper clairs (pour que tout le monde comprennent bien les paroles) me semblent bien de leur temps (Oxmo est passé par là, ça s'entend nan ?), y a quasiment quelque chose du rap "alternatif" là-dedans, même si ils ne seront jamais affiliés à cette scène apocryphe. Y compris dans leur auditoire d'ailleurs. Rap d'intello ? Bah quand on voit le pedigré des deux "leaders", ça table sur du Bac+5, Bac+8 (sans savoir où ils en étaient à l'époque de leur cursus), donc forcément, ça parle pas forcément aux tripes (les tripes, c'est surestimé de toute façon). J'en reviens aux prods, que je trouvent vraiment hyper qualitatives, avec quelques samples de films bien placés ("La bataille d'Alger", c'est assez logique) et quelques touches orientales qui font plaisir. Dire qu'aujourd'hui c'est sans doute considéré comme une truc old-school un peu obscur...

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Je confirme le 6/6 après réécoute, pas de morceau faible, une égale présence des membres, une atmosphère grise et terne qui se dégage tout au long du disque. "La Rumeur c'est flou, peut-être bien que c'est fait exprès". Sinon question lyrics de qualité en rap français, il y a l'album de Rocé "Identité en crescendo" qui vaut clairement le détour.

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Et ce clip (récent), c'est pas un monument ? http://www.youtube.com/watch?v=mu8QthlZ6hY. Et tiens un autre morceau sur le clash avec Akhenaton : http://www.youtube.com/watch?v=-zIWTZwaycU.

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Klarinetthor Envoyez un message privé àKlarinetthor

merci pour la précision; il va falloir que j'y aille à petite dose alors

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Raven Envoyez un message privé àRaven
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Pas que des collab, du groupe en général. Mais les feats avec Serge sont pas les plus chaloupés c'est clair; raide genre amidonné, dépouillé, un peu cheap aussi mais la fusion riff-flow est si malaisée... Le groove ça reste subjectif évidemment, mais tu irais reprocher à Mobb Deep de pas être assez festif ? Au Wu-Tang d'avoir trop de samples de kung-fu ? Le groove n'a pas lieu d'être ici. On est dans le hip-hop avec zéro teneur en glucose et en beu, 100% diatribe austère, et c'est ça qu'est rare, même dans le rap US peu de groupes sont aussi casseurs d'ambiance appliqués. Ternes, moches aussi - ils épousent les couleurs du décor ambiant j'imagine. Mais introspectifs comme peu. Ceci dit je ne reproche rien au fond, j'aimais pas au premier contact, genre "c'est quoi ce truc pète-sec, gauche et sans feeling?"