Iswhat?! › Things That Go Bump In The Dark

Les cincinnatiens Iswhat?! sont presque nés pour figurer dans nos colonnes hip-hop, et ce dernier album étant leur plus sombre - dès la couverture aussi éloquente que l'intitulé - ou du moins le plus trouble, l'introduction me semble idéale par lui. Plus équivoque qu'un simple wannabe Roots, plus ambivalent que du simple jazz rap en réalité (sur "It Hurts" par exemple, j'ai ressenti du Underworld), même s'il en a tout le tremblement esthétique, que ses musiciens se réclament de Mingus et que le MC Napoleon Maddox a tapé le boeuf avec Archie Shepp, Iswhat?! se plait surtout dans mes fantasmes a zoner à quelques rixes des quartiers où les blancs-becs de Kill For The Vultures ont joué The Careless Flame, et pas très loin d'un Angel With Dirty Faces. Bref dans des eaux un peu sinistres, derrière des manoeuvres à la cool et un feeling moins sexuel. Le flow de Maddox est déterminé mais haletant, presque au sol par moments, usé comme un clandestin en cavale... ici, on louvoie, on serpente. Contrairement à KTV qui rôde au plus près des carcasses et des marmites dégueulant leurs bouillons ou dans les tripots vétustes bourrés d'opium, Iswhat?!, moins moite, saturé et étouffant, est en errance lépidoptère au travers, sautant de toit en toit, il fraie entre les foules, d'ailleurs on les entend les gens, par instants, comme si on crevait l'air des ruelles avec lui. On traverse en sa compagnie les humeurs et les odeurs variées d'une cité étrange, une ville qui serait le théâtre d'un polar afro mêlant intrigues politiques, sentimentales et voyoues, comme les textures sucrées-poivrées de sa bande originale... Quatrième album déjà, mais le son métisse d'Iswhat?! n'a pas encore achevé sa fascinante mutation. L'affinage sensuel de ses instrus entomologistes et ornithologues continue. Moins de flûte que par le passé, plus de détail. Et c'est beau. Encore quelques souffles, quelques tailles dans ce corps difforme, un peu moins de glissements parasites vers le gros beat à caisse tunée et un peu plus de hip-hop chiromancien, et ce sera le Sublime. La pupe reste fraîche, ses soies frémissent dans la brise urbaine... et c'est aussi la beauté si singulière de Things That Go Bump In The Dark. Un album symbiotique, organique tissé de synthétique, délicieusement imparfait, et vivifié par ce cuivre et ce bois qui esquissent ombre et lumière sur sa peau hybride... Moiré. Passeur. Serval. Sous une nuit drapée de cumulus, quand les abribus se confondent avec les alcôves... entre l'asphalte et le velours.