Oddateee › Halfway Homeless

Quand j'étais petit, je collectionnais les images de dinosaures. J'avais un classeur énorme de la collection Atlas rempli de volumes divers décrivant avec la passion du détail ces bestiaux d'un autre temps, appuyés par de beaux dessins et des schémas plaçant des humains à échelle pour se donner une idée de leur taille. Passée la mode infantile du T-Rex qu'on a tous traversé (normal, c'est un peu le Elvis Presley des dinos) et celle du Raptor (bah ouais, après Jurassic Park on était tous à fond ! trop malin cet enculé de raptor), j'avais développé une fascination pour les seconds couteaux des dinosaures méchants. Genre l'albertosaure, ou ce gros tank hérissé de piques avec sa teub en double massue là... sans parler de celui qui avait la tête de frère tuck ou de l'iguanodon, avec ses pouces de vainqueur pour transpercer ces gros caves de carnivores qui voulaient pas lui laisser mâcher ses fougères tranquilles... 'culés ! Aujourd'hui j'ai plus l'âge de collectionner les dinosaures (enfin... je crois) donc je collectionne les rappeurs. Les rappeurs méchants, de préférence (mais pas que, j'aime bien Cypress Hill donc j'aime bien les herbivores aussi). Et passée la fascination des gros blases de l'ombre, j'aime découvrir des petits rappeurs de caractère, qui payent pas de mine comme ça mais ont leur charisme perso... du coup j'ai toujours su que j'aurais une tendresse particulière pour Oddateee (avant même de savoir combien y a de "d" de "t" et de "e" à son blase). Admettons que Absence de Dälek soit le T-Rex des albums de hip-hop indie. Halfway Homeless de Oddateee serait le carnosaure. Le T-Rex, tu l'aimes, il a la classe, mais le carnosaure, certes moins puissant, a un charisme certain, avec une crête de loubard qui tranche un peu avec le côté gros boss sérieux du T.Rex. Oddateee a le flow attachant, le côté humain, un style rapistique dans la veine des MC's de l'alternatif, à l'ancienne. Là où un Dälek n'est qu'inhumanité massive et goût d'apocalypse, vu de façon panoramique en mode rapace, Oddateee, petit thug minable, épouse le tarmac et les bars à putes au plus près de la populace, il rôde, la pochette modeste et miteuse donne bien le ton. Si je compare aussi bêtement avec Dälek, c'est que Halfway Homeless, second album (sept ans après le premier plus typé abstract), est un pur produit de sa distillerie : première signature du label Deadverse, jusqu'aux instrus torchées avec l'aide de Dälek lui-même, souvent lourdissimes ("The Influence" brrrrr), c'est aussi le skeud d'un mec plus classiquement hip-hop dans son approche que Dälek (qui ce n'est pas un secret est grassement dédaigné par les fans de hip-hop et majoritairement apprécié par les geeks de culture alternative et les métalleux un peu curieux qui l'ont découvert en concert). A l'exception de l'obsédant "Ricans", qui est un tube qui claque en mode "shoutout" et gangsta mais pas vraiment à sa place dans cette esthétique pesante et typiquement oktopusienne, Halfway Homeless, disque assez oxymoresque, présente un flow léger sur des instrus pesantes. Le petit Oddateee est parfois écrasé, mais surtout mis en valeur par l'ombre menaçante du parrain Dälek... comme quoi y a pas que la lumière qui mette les choses en valeur.