Pour évoquer au lecteur l'ambiance de Eat The Low Dogs, disque gavé d'effets d'écho flanger aussi gros que les montagnes des Appalaches, j'avais pensé à citer Délivrance, ou Gerry de Gus Van Sant. Il y a de cette ambiance d'interminable survie oui, d'épuisement, dans ce western rock sans cow-boys dont les chevaux seraient tous morts abattus par le soleil... A moins qu'Eat The Low Dogs ne soit juste l'album de rock qu'on aurait extirpé de la meilleure scène de Natural Born Killers... Non, pas celle avec Juliette qui se fait prendre sur le capot, bande de lubriques... celle avec le vieil indien, plutôt. Si vous n'avez pas vu ce film, qu'est-ce qu'il me reste alors comme images ? Les miennes ? Je ne me bornerais quand même pas à vous ânonner le tube le plus populaire de Capdevielle... Voilà un album et un groupe qui ont plus de gueule et de cruauté que le shoegaze, le post-rock instrumental école Godspeed Youpala! ou le metal post-neurosien. De toute façon, le post-rock est en général et même par son essence synonyme de musique du repos et de la contemplation. Ici, contemplation équivaut à mort. Le titre de cet album est "Mange les chiens faibles", ça vous résume assez bien l'esprit. Les US xMas sont des gens de la nature, pas du côté des citadins en randonnée mais du côté de ceux qui tiennent le banjo (qui sont en général aussi ceux qui tiennent le fusil). Et l'essence de Eat the Low Dogs n'est pas post rock, mais psychédélique. Il s'agit plus précisément d'un album d'éreintement psychédélique ; au sens où le repos y est impossible, car l'homme y est en fuite permanente contre les éléments. Collé aux basques par la Mort jusqu'aux confins de canyons inatteignables... jusqu'à ce que l'horizon devienne un tunnel blanc. Les riffs de US Christmas n'existent pas en tant que riffs : ils sont un vent sans pitié, capable de se calmer quelques instants pour se faire nuit, afin de mieux revenir plus fort pour vous abattre. Le vent des guitares dans Eat The Low Dogs souffle tout le temps, et quelle que soit sa puissance, il est omniprésent. Il taraude sans répit, lancinant, assèche la bouche et l'espoir. Et le chant agonisant poursuit sa fuite contre ce vent, survivant au bout du bout, la langue dure, les yeux secs comme de la craie. Poursuivi par une meute de mirages affamés.