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Grateful Dead › Anthem of the Sun
- 1968 • Warner bros. records WS1749 • 1 LP 33 tours
- 1971 • Warner bros. records K46021 • 1 LP 33 tours
- 1987 • Warner bros. records 1749-2 • 1 CD
- 2001 • Rhino R270001 • 1 CD
- 2003 • Rhino R2 74393 • 1 CD digipack
cd • 9 titres • 80:16 min
- 1That’s for the Other One : I - Cryptical Envelopment /II – Quadlibet for tender Feet /III – The Faster we go the Rounder we get/IV We leave the Castle7:40
- 2New Potatto Caboose8:26
- 3Born Cross-Eyed2:07
- 4Alligator11:20
- 5Caution (Do Not Stop On Tracks)9:51
- BONUS MATERIAL
- 6Alligator (live)18:43
- 7Caution (Do Not Stop On Tracks (Live)11:38
- 8Feedback (Live)6:58
- 9Born Cross-Eyed (Alternate Version)2:55
extraits audio
informations
Produit par le Grateful Dead et Dave Hassinger. Pistes studio enregistrées au RCA Victor Studio A, Hollywood (Californie), septembre 1967 ; à l’American Recording CO, Studio City (Californie) octobre 1967 ; au Olmstead Sound Studio (New York), décembre 1967. Pistes live enregistrées au Shrine Exposition Center, Los Angeles (Californie), les 10 et 11 novembre 1967 ; à l’Eureka Municipal Auditorium, Eureka (Californie), le 20 janvier 1968 ; à l’Eagles Auditorium, Seattle (Etat de Washington), les 26 et 27 janvier 1968 ; au Crystal Ballroom, portland (Oregon), les 2 et 3 février 1968 ; au Caroussel Ballroom, San Francisco (Californie), les 14 février, 15 mars, 17 mars et 20 mars 1968 ; au Kings Beach Bowl, Lake Tahoe (Californie), du 22 au 24 février 1968.
Les plages 6 à 9 sont les bonus de l’édition CD (digipack) sortie chez Warner Bross/Rhino en 2003. La plage 9 – version alternative de Born Cross-Eyed – n’est créditée nulle part sur le disque.
line up
Tom Constanten (piano préparé, piano, bandes), Jerry Garcia (guitare lead, guitare acoustique, kazoo vibraslap, voix), Mickey Hart (batterie, cloches d’orchestre, gong, carillon, crotales, piano préparé, cymbales de doigts), Robert Hunter (paroles sur 4 et 6), Bill Kreutzmann (batterie, cloches d’orchestre, gong, carillon, crotales, piano préparé, cymbales de doigts), Phil Lesh (basse, trompette, clavecin, guiro, kazoo, piano, timbales, voix), Ron "Pigpen" McKernan (orgue, célesta, claves, voix), Bob Weir (guitare rythmique, guitare 12 cordes, guitare acoustique, kazoo, voix)
chronique
Puis l’heure avait sonné ! En quelques mois – qui avaient paru quelques jours tant rien n’y tenait en place ; et beaucoup de nuits où ni vitrines ni luminions ne s’éteignaient jamais vraiment – il avait semblé que le monde voulait s’ouvrir, entier, devant les pas de ces jeunes gens aux cheveux en friches, poèmes en bouffées, regards fixés sur l’incessant mouvement. Les fabricants de machines par quoi l’on capturait images et sons, par quoi on pouvait les changer, les piéger, les défaire, les refaire, en générer maintenant de parfaitement neufs, se faisaient concurrences… L’Industrie, secteur Illusions. Presque au hasard, de fait, dans l’affolement ! Sans mesurer l’usage à quoi l’on destinerait leurs mécaniques, une fois passées aux mains des curieux découvreurs. Le mot "pop" même avait subi comme une culbute. Ceux qui s’en emparaient maintenant semblaient vouloir en retourner le sens, pour que s’en relâchent, s’en évaporent les limites. Du loisir – de la consolation, de la pause rêvée entre deux courses à la production, au service des manèges aveugles – ceux-là entendaient le faire passer au plan de l’accomplissement, d’une grâce immanente qui mettrait fin à toute cécité… Non plus un espace où l’on s’affranchirait le temps seulement d’une fête, avant de retourner à la petitesse des jours, au reniement des songes trop forts ou trop doux. Mais un lieu de communion véritable, une culture à part entière, un mode de vie : complet, autonome.
Bien sûr nombre d’entre ceux-là – prophètes et cohortes – chuteraient bientôt ou resteraient perchés, morts ou vifs, au faîte de la chimère. Mais pour l’heure – pour ce temps brièvement suspendu qu’ils avaient décrété leur – rien ne semblait plus freiner les dépassements tentés, le débordement de toutes barrières à quoi s’appliquait chacun de leurs instants.
Le Grateful Dead continuait de jouer. Beaucoup, tout le temps, partout où l’on voulait. Des heures durant, souvent, à déplacer pivots et motifs, harmonies familières. Avançait. Faisait entrer en son sein un second batteur – percussionniste, tout autant, la précision n’est pour cette fois pas qu’un point de détail… Un "frappeur", comme on dit des Esprits qui se manifestent par voie de choc et de saisissement. Accueillait un claviériste, manipulateur, aussi, de circuits et potentiomètres – Tom Constanten – porté sur les Grandes Orgues, les scansions et filés du blues autant que sur les brisées des Musiques Concrètes ; rencontrait celui – Robert Hunter – qui deviendrait bientôt son exclusif parolier, le poète de ses Riches Heures. Eux tous étaient prêts. Parés parce qu’alors toujours en questionnement, en poursuite de mythes en marche, d’une Geste. Celle des foules qui venait se masser à leurs concerts, certes ; celle, aussi, n’en doutons pas, de courants plus souterrains qui grondaient sous les déserts, dans les forêts, aux rues d’une Amérique plus vieille, hantée de figures bien moins riantes.
Au moment où Warner somma le Dead de livrer ce deuxième album, le groupe choisit de s’emparer de ces technologies nouvelles – huit pistes sur une bande, à l’époque, cela semblait infini – comme d’autant d’outils magiques ; d’une magie empirique, aux techniques pas encore fixées, naissante au fil des jours présents. Mixé "pour l’hallucination", comme le répéteront souvent, plus tard, les membre du groupe, Anthem of the Sun est surtout un disque qui semble se construire et s’effondrer, s’ériger et couler, sourdre à même l’écoute… En genèse perpétuelle, recommencée chaque fois et toujours différente. Depuis la Californie, le climat se déboussole. Les tambours – ô Parades – de la Nouvelle Orléans engouffrent soudain leur chaleur moite, leur pas de transe, d’emballements aux sillons giratoires – soudain multipliés en savants décalages. Quand l’un des huit exige, à l’impromptu, "d’entendre le son de l’air épais", c’est une trompette qui éclate – mariachi, fanfare, jazz – et réalise soudain son souhait en nous plongeant dans la touffeur illuminée… C’est l’ingénieur du son, aussi, qui s’enfuit en pestant – Anthem… en aura, semble-t-il, usé plus d’un, professionnels désemparés par toutes ces inédites demandes, ces attentes formulées en paroles de Visionnaires.
De fait, l’album est un incroyable montage, une concrétion de strates, matières fondues et confrontées, flux et émotions – idées, vibrations transmuées pour devenir sensibles, visibles, tactiles. Pistes prises brutes en concert puis superposées, découpées, renversées ; qui se mêlent et se contrarient, s’éteignent ou glissent aux confins de l’audible ; reprises, continuées, recouvertes en studio par le jeu des musiciens qui en saisissent l’élancement au vol. Fragments écrasés, concassés, étalés, compressés sur la bande ; espace libéré – ces sources confondues en un unique son – pour que ne cesse de gagner, de s’étendre le délire en progrès.
Garcia et les autres – ce n'est pas encore sa seule signature ajoutée à celle de Phil Lesh (et de Robert Hunter pour le verbe, donc, pour l’instant présent pour la genèse d’un seul des morceaux) que l’on trouve apposée à presque toutes les chansons – cherchent l’inconscient du son, ce qui bruit sous les lignes, dans les textures ; la vie qui tente de percer, de passer par dessus les bords qui voudraient la contenir. Voyez le cercle sur la pochette, ces visages bleutés de six hippies transmués en Avatars Védiques – il y a là plus qu’un rire lancé depuis le haut ou du fond de la défonce. La perception est livrée vive aux cahots, jetée en éclaireur vers un cosmos supposé. Dans le voyage repose toujours la tentation – l’espoir ? la peur ? – d’une perdition. Par places, aux bouts de phrases qui semblaient anodines, au détours de changements de tons qui semblaient naturels, s’ouvrent des trous de conscience où soudainement tout s’obscurcit ; de furtives traînées de lumière colorée qui s’impriment un instant, disparaissant comme des feux follets, des émanations trompeuses ; comme dans cette illusion qui s’appelle "déjà-vu". Au revers des pics de plaisirs – d’exultation même – se love une inquiétude, l’ombre d’une panique toujours prête à bondir. L’indice, parfois, qu’une violence rôde sur la Terre du Lait et du Miel. "Gravement ils statuèrent.. Que lui, devait mourir"…
Ce disque est habité d’un frémissement unique. Son incroyable forme – instable mais accomplie – ne pouvait advenir, sans doute, qu’à ce moment précis. Les mains y semblent libres, confiantes aux intuitions. Les esprits relâchés mais dévoués à ces buts qui se formulent dans l’instant. D’un joueur à l’autre – on en aura bientôt une autre preuve, sous une toute autre forme – cette attention, cette réactivité, cette complémentarité télépathique que les fans du groupe prêteront toujours à ses membres s’est déliée pour de bon, circule comme un air commun.
Le Grateful Dead, ici, attrape un souffle émané du plus haut flot ; le proclament offrande rayonnante ; le délivrent en une œuvre toute d’éruptions et réfractions – exhalée plutôt qu’écrite. Hymne, oui… Mais d’un idiome énigmatique, sans doute jamais chanté vraiment ainsi – ailleurs, avant, plus tard. Qui par vertu de ses tiraillements nous parvient fort, intoxicant, frappe encore l’entendement à travers les époques : Énigme en langue vivante, dont le fin mot est de ne point se résoudre.
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- Dioneo › Envoyez un message privé àDioneo
Oui, 1991, Arc - que j'aime beaucoup aussi ! Et on est d'accord que c'est assez comparable, alors que pas forcément "émané d'un même point avec une même intention"... Pour Neil Young, c'est Like a Huricane qui est découpé/monté/mixé, à partir de X performances "à travers les âges" du morceaux, là où pour Grayfolded, c'est Dark Star - donc dans les deux cas des gros morceaux live, auxquels les artistes sont sans arrêt revenus, et dont les fans ont pu suivre l'évolution, le "traitement" le long de leurs carrières ! Assez d'accord pour Weir, aussi - guitariste très mésestimé, assez subtil et "modeste" comme tu dis, à première vue mais en le mec est un rythmicien assez hors-pair - c'est de ça aussi que je parlais quand j'évoquais le jeu d'ensemble, lui et Phil Lesh, même si ça s'entend moins, font au moins autant que Garcia dans le truc, la richesse de la musique, sa souplesse, sa versatilité ET sa consistance. (Et les autres membres aussi hein, mais la "section de cordes" chez eux c'est quelque chose de particulièrement euh, "serré", "téléphatique", comme on dit souvent à propos du groupe).
- Note donnée au disque :
- jacques d. › Envoyez un message privé àjacques d.
John Oswald, oui bien sûr ou l'art et la manière du couper-recoller... matière à faire plunderphonics non ?! Ce n'est pas sans évoquer aussi le ARC de Neil Young (& Crazy Horse), postérieur peut-être (à vérifier) aux travaux de customisation d'Oswald mais dans le même esprit. Je crois préférer Bob Weir à Jerry Garcia (que je ne déteste pas mais qui ne me touche que peu) aussi bien vocalement que guitaristiquement (la modestie musicale du side-man ?)(j'avoue avoir été un peu trop cinglant dans ma première intervention sur le Dead qui est loin d'être le pire représentant de la scène rock du siècle dernier).
- Dioneo › Envoyez un message privé àDioneo
Ah, oui, je peux comprendre, pour le chant de Garcia, chez moi il passe bien mais oui, ça n'a jamais été le point fort du groupe, c'est sûr. Et curieusement j'entends bien aussi qu'on puisse n'écouter que celui-là d'eux (ou un seul d'eux, tout court, autrement). La guitare y est aussi présente que sur d'autres disques mais oui, le côté "longs solos" est fondu par l'effet montage, paysage sonore ("soundscape") de l'ensemble, et ça sonne moins solos, du coup, dans le sens démonstratif du terme (même si perso j'ai jamais trouvé que Garcia étai dans le show guitar-hero, c'est complètement ailleurs, à mon sens, aussi parce que l'interaction avec le reste du groupe est souvent balèze, c'est pas "Garcia qui trippe avec les autres qui se contentent d'accompagner").
En passant, pour ceux qui aiment celui-là ET pour ceux qui ne jurent que par le Live Dead, le Grayfolded chroniqué par l'ami Dariev vaut le coup d'oreille ! Pour rappel, c'est un montage également, extrêmement travaillé, fait par John Oswald, à partir d'innombrables versions captées en concert de Dark Star, l'un de leur plus gros morceau en live, matière à longues impros... La matière en question ayant été enregistrée, en l' occurrence sur un période d'à peu près vingt-cinq ans, ça donne un truc assez fou quant à ce que ça peut raconter sur la continuité et l'évolution du groupe... Enfin, je vous renvoie à la chronique de Dariev, donc, sur ce disque bien particulier (et assez fantastique pour qui n'est pas de base réfractaire à ce genre d'ouvrages).
- Note donnée au disque :
- jacques d. › Envoyez un message privé àjacques d.
Je ne connais et n'écoute que Anthem of the Sun et ça me suffit (au bon sens des termes et, du coup, à quoi bon dépasser la dose idéale) ; j'en ai bien essayé d'autres mais soit le chant nasillard-folk rock m'y est vite devenu insupportable soit les interminables solos de guitare (d'où l'accroche pour Greg Ginn ???) des live m'assommaient. Sur celui-ci, la petite touche "varions-les-sonorités-on-verra-bien-ce-que-ça donne" est le supplément d'âme, au regard des autres albums (pléthoriques), qui me convient.
- kranakov › Envoyez un message privé àkranakov
Allez ! Encore un petit coup ! Demain je passe à « Aoxomoxoa » !!!
- Note donnée au disque :