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The Sound › Jeopardy
informations
Elephant Studio, Londres, 1980.
line up
Adrian Borland (chant, guitare), Graham Bailey (basse), Bi Marshall (claviers), Michael Dudley (batterie)
chronique
Contre toute attente, la division de la joie a mené à la multiplication du cafard. J'ai jamais rien pigé aux mathématiques, ceci dit... mais je sais additionner. Des lignes de basses qui vous avalent la bonne humeur. Des guitares de cuir et de cuivre, travaillées au corps, lançant leurs riffs crépitants et gémissants, attaquant sous la ceinture. Des refrains comme du Elvis Costello trempé dans l'azote liquide, éclatant comme les jurons un peu hystériques d'une mal baisée chronique. Peu adroits. Des récits de solitude savourée comme brandy, d'angoisse quotidienne, de militantisme abattu, ceux de cet aimable garçon un peu trouble : Adrian, le bipolaire, l'incognito, le maudit. Ce type c'est un peu moi, en plus réussi, donc quand même à moitié raté, vous savez ces mecs dont on dit "il aurait pu être quelqu'un" ; sauf que des fois, ben ça vaut mieux d'être personne pour eux. De rester sous cape. Sa voix au repos à l'Adrian, elle est livide, cintrée, elle a le malaise fiché comme un vieux néon dans la gorge... et des rictus de salaud anonyme. Puis quand elle se dresse : elle est androgyne, elle se colle au plafond, aussi chaleureuse que l'amiante. Adrian ne méritait pas tellement qu'on le compare avec Curtis, trop facile. Oh, lui aussi a balancé - volontairement ou pas - des hits pour refaire le parquet ciré de la salle de bal à s'en écorcher les talons, même en compagnie de midinettes. Et il les a entrecoupés de moments de stupeur nocturne (l'éternelle "Hour Of Need", ou "Desire") aussi inattendus que glaçants, du genre qui vous plaquent direct au coin le plus morne du mur de cette pièce de bal, qui est devenue soudain aussi vide que le regard de cette nana du lycée que je convoitais comme un fruit un peu sale et dont j'ai oublié le nom mais pas le strabisme aussi prononcé que ses formes... mince, voilà je m'écarte encore... ces moments de stupeur, oui, furtifs, mais dangereux comme le doute, qui hantent longuement leur hôte, voué à rester prostré sur la touche repeat jusqu'à en avoir extrait tout le suc... seulement on extrait jamais complètement le suc de ces petites horreurs-là, même en ayant la faim d'un drogué de la solitude agoraphobe et misanthrope la plus sérieusement adolescente, ayant expérimenté la compagnie de Seventeen Seconds et Faith durant d'interminables nuits avec lui-même. Alors on analyse un culte trop tardif, et on atteint l'os du problème, le malaise, pour revenir au protagoniste central : Adrian. Et son Son : une texture connue des amateurs, aux détails qui font toute la différence, évoluant sur les paysages laissés vacants par les dinosaures germaniques des années soixante-dix (ceux portant des noms à trois lettres et travaillant eux aussi la pulsation nocturne, 'voyez ?). Pas de reverb exagérée ici cependant, mais des échos omniprésents, comme des ombres malveillantes, même dans les moments les plus sautillants... Contaminé, de partout. Ce Son oscille comme une menace incertaine. Un peu nauséeux. Il flirte avec les larsens, explose en soli étincelants, se teinte de synthétique, voire de cuivres festifs, portés comme un trait de khôl discrètement voyou sous l’œil. Façon Alex DeLarge. "Korova", n'était-ce pas le nom du label d'origine, après tout ? La nuit de Jeopardy est une nuit laiteuse. Et dans cette longue nuit post punk, Jeopardy est la silhouette qui rampe sous la Lune, sillonnant les jardins des quartiers résidentiels éclairés aux lampions mornes. Celle qu'on n'a pas vu tout de suite, qui transbahute avec elle le parfum du drame, et qui rôde dans ces villages éteints comme un cambrioleur un peu violeur. Jeunes filles sages, laissez vos fenêtres entrouvertes... Adrian est de sortie ce soir, et son couteau scintille dans le noir.
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- Alfred le Pingouin › Envoyez un message privé àAlfred le Pingouin
Qu'est-ce qu'on s'éclate !
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- allobroge › Envoyez un message privé àallobroge
C’est vrai que toutes les chansons que tu cites sont magnifiques, par contre comparer même les moins bonnes chansons de The sound avec Les simplets, c’est criminelle^^
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- Justin › Envoyez un message privé àJustin
Allobroge: quand tu parles des chansons "plus combatives" que ce qu'ils feront par la suite, c'est vrai qu'à partir de SHOCK OF DAYLIGHT (EP que j'adore) le groupe opérera un virage plus Pop/FM (on pense parfois à Simple Minds) ce qui n'empêche pas la grande qualité de pas mal de compositions. JEOPARDY est plus punk, brut, en tout cas le bassiste Graham Bailey est d'accord avec toi il n'aime pas la production de FROM THE LION'S MOUTH qui selon lui ne traduit pas ce qu'était son groupe sur scène (ses albums préférés de The Sound sont ALL FALL DOWN et le live IN THE HOTHOUSE). Mais franchement sur FROM THE LION'S MOUTH comment résister à "Silent air", "Judgement", "Contact the fact", "New dark age" et bien sûr "Winning"? Sur SHOCK OF DAYLIGHT "Longest days", "A new way of life" et "Winter"?
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- allobroge › Envoyez un message privé àallobroge
Non non Justin, Jeopardy est de très loin le meilleur album du Sound, et sa production, plus proche des lives du groupe tout en étant plus policée est remarquable ! Des chef d’œuvres non stop du début à la fin plus combatifs qu’ensuite ! Bon c’est vrai que y’a pas Winning ,sublime, mais là c’était trop tard, la chanson du fond du trou de la tombe déjà scellée et bien recouverte de terre^^
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- Justin › Envoyez un message privé àJustin
D'accord avec Asharak, la production de JEOPARDY est pas au top mais c'est largement pardonnable. ¨Même si j'aime beaucoup le morceau titre et le classique "I can't escape myself" j'avoue que j'ai moins écouté et j'accroche moins à cet album qu'aux opus suivants de The Sound, ce groupe scandaleusement méconnu dont tous les albums, live et EP mériteraient d'être chroniqués sur cet excellent site! J'ai un énorme faible pour l'incroyablment intense IN THE HOTHOUSE (avec des versions live exceptionnelles oui EXCEPTIONNELLES de "Silent air", "Winning", "Total recall" "Missiles", "Red paint"...entre autres!), le superbe DHOCK OF DAYLIGHT et bien sûr l'incontournable FROM THE LION'S MOUTH..
Message édité le 12-06-2024 à 00:30 par Justin
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