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The Sound › Jeopardy
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Elephant Studio, Londres, 1980.
Jeopardy était devenu quasiment introuvable jusqu'à récemment, n'ayant pas été réédité entre 2001 et 2012, période pendant laquelle sa popularité chez la dernière génération d'amateurs de post punk n'a fait que croître.
line up
Adrian Borland (chant, guitare), Graham Bailey (basse), Bi Marshall (claviers), Michael Dudley (batterie)
chronique
Contre toute attente, la division de la joie a mené à la multiplication du cafard. J'ai jamais rien pigé aux mathématiques, ceci dit... mais je sais additionner. Des lignes de basses qui vous avalent la bonne humeur. Des guitares de cuir et de cuivre, travaillées au corps, lançant leurs riffs crépitants et gémissants, attaquant sous la ceinture. Des refrains comme du Elvis Costello trempé dans l'azote liquide, éclatant comme les jurons un peu hystériques d'une mal baisée chronique. Peu adroits. Des récits de solitude savourée comme brandy, d'angoisse quotidienne, de militantisme abattu, ceux de cet aimable garçon un peu trouble : Adrian, le bipolaire, l'incognito, le maudit. Ce type c'est un peu moi, en plus réussi, donc quand même à moitié raté, vous savez ces mecs dont on dit "il aurait pu être quelqu'un" ; sauf que des fois, ben ça vaut mieux d'être personne pour eux. De rester sous cape. Sa voix au repos à l'Adrian, elle est livide, cintrée, elle a le malaise fiché comme un vieux néon dans la gorge... et des rictus de salaud anonyme. Puis quand elle se dresse : elle est androgyne, elle se colle au plafond, aussi chaleureuse que l'amiante. Adrian ne méritait pas tellement qu'on le compare avec Curtis, trop facile. Oh, lui aussi a balancé - volontairement ou pas - des hits pour refaire le parquet ciré de la salle de bal à s'en écorcher les talons, même en compagnie de midinettes. Et il les a entrecoupés de moments de stupeur nocturne (l'éternelle "Hour Of Need", ou "Desire") aussi inattendus que glaçants, du genre qui vous plaquent direct au coin le plus morne du mur de cette pièce de bal, qui est devenue soudain aussi vide que le regard de cette nana du lycée que je convoitais comme un fruit un peu sale et dont j'ai oublié le nom mais pas le strabisme aussi prononcé que ses formes... mince, voilà je m'écarte encore... ces moments de stupeur, oui, furtifs, mais dangereux comme le doute, qui hantent longuement leur hôte, voué à rester prostré sur la touche repeat jusqu'à en avoir extrait tout le suc... seulement on extrait jamais complètement le suc de ces petites horreurs-là, même en ayant la faim d'un drogué de la solitude agoraphobe et misanthrope la plus sérieusement adolescente, ayant expérimenté la compagnie de Seventeen Seconds et Faith durant d'interminables nuits avec lui-même. Alors on analyse un culte trop tardif, et on atteint l'os du problème, le malaise, pour revenir au protagoniste central : Adrian. Et son Son : une texture connue des amateurs, aux détails qui font toute la différence, évoluant sur les paysages laissés vacants par les dinosaures germaniques des années soixante-dix (ceux portant des noms à trois lettres et travaillant eux aussi la pulsation nocturne, 'voyez ?). Pas de reverb exagérée ici cependant, mais des échos omniprésents, comme des ombres malveillantes, même dans les moments les plus sautillants... Contaminé, de partout. Ce Son oscille comme une menace incertaine. Un peu nauséeux. Il flirte avec les larsens, explose en soli étincelants, se teinte de synthétique, voire de cuivres festifs, portés comme un trait de khôl discrètement voyou sous l’œil. Façon Alex DeLarge. "Korova", n'était-ce pas le nom du label d'origine, après tout ? La nuit de Jeopardy est une nuit laiteuse. Et dans cette longue nuit post punk, Jeopardy est la silhouette qui rampe sous la Lune, sillonnant les jardins des quartiers résidentiels éclairés aux lampions mornes. Celle qu'on n'a pas vu tout de suite, qui transbahute avec elle le parfum du drame, et qui rôde dans ces villages éteints comme un cambrioleur un peu violeur. Jeunes filles sages, laissez vos fenêtres entrouvertes... Adrian est de sortie ce soir, et son couteau scintille dans le noir.
note Publiée le lundi 17 juin 2013
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Note moyenne 22 votes
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- Shelleyan › Envoyez un message privé àShelleyan
Into Paradise, les Irlandais ? Je possède un disque, 'Churchtown', très recommandable en effet...
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- allobroge › Envoyez un message privé àallobroge
Pour les amateur du Sound ( Borland a produit leur 1er album ) ”Into paradise” et leur mini LP ”For no one” ( peux-t’on faire + culte que ce titre ? ) et sa magnifique pochette de Stephan de Batselier ( 4ad ) est la cime himalayenne du rock mélancolique avec ”Don’t let me down” en point d’orgue, un trésor cold méconnu.
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- GrahamBondSwing › Envoyez un message privé àGrahamBondSwing
Ouep, franchement cool... Y a comme qui dirait une "urgence". Le morceau Resistance me fait irrésistiblement penser aux Arctic Monkeys (première époque).
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- boumbastik › Envoyez un message privé àboumbastik
I can't escape myself, quel morceau ! L'entendre une seule fois suffit pour devenir accro à ce son, cette voix, cette caisse claire sans timbre. Ensorcelant.
- allobroge › Envoyez un message privé àallobroge
Le coffret 4CD est un cadeau du ciel pour les live et les BBC sessions ( car le Sound excellait en concert ) : C'est frissons garanties pour tous ici! J'ai, moi aussi, le magnifiquement designé par Vaughan Oliver double live vinyle "In the hot house", un trésor!
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