Fu Manchu › The Action Is Go

C'est toujours la même chose, on se dit que le stoner à part Kyuss c'est même pas la peine, que de toute façon derrière il n'y a qu'une masse indéfinie de suiveurs qui déroule du riff lourdaud au kilomètre telle une goudronneuse bien docile et moutonnière plantée connement sur une autoroute californienne. Et puis dès le premier coup de wah-wah dans le moteur, dès le premier retour de fuzz dans les esgourdes, on se laisse prendre à la joie facile d'un album, pris au hasard comme il se doit, d'une formation comme Fu Manchu. Pour les plus fervents orthodoxes, l'avantage avec The Action is Go, indépendamment de la pochette avec photo vintage de skater über-classieuse qui flatte le regard avant le ramonage des trompes d'Eustache, c'est qu'il marque l'arrivée de Brant Bjork, batteur historique et séminal bla-blou-bli… Ouais, c'est avant tout un ferrailleur de première bourre qui amène avec lui la Kyuss-cred au groupe de Scott Litt, alors abandonné par deux de ses éléments les plus précieux partis fonder le bien nommé Nebula. Autant dire que ce nouveau Fu Manchu, il ressemble quand même vachement à n'importe quel autre groupe de stoner, du gros riff plombé vaguement psyché sur les bords, du fuzz du fuzz du fuzz, une section rythmique qui groove pachydermique et puis des thèmes qui tournent autour de l'espace, de la bagnole, des filles, de la route et d'autres connerie de slackers qui n'ont rien d'autre à foutre que d'aller se regrouper sous le soleil caniculaire pour éponger de la mousseuse jusqu'à l'aube en faisant saigner les amplis et soulever des nuages de poussières. Ca s'écoute en format cassette, le bras sur la portière, la canette dans la main, à bonne vitesse pour décoiffer les copines mais pas à un train d'enfer non plus, le stoner c'est une musique décontractée du gland qui n'oublie jamais qu'on est tous plus ou moins des losers pointant au chômage, et que d'abord même si on avait un boulot ça nous ferait bien chier d'aller y pointer quand on peut passer ses journées et ses nuits dans le désert et sur les plages abandonnées à tripper. Bref, le programme de tout bon groupe de jeunes branleurs à la cool, à l'image de la voix de Scott Hill, pur slacker skate-punk dont le ton un peu traînant et nasillard peu donner envie de coller des baffes au bout d'un moment, mais qui fait le boulot aussi bien qu'un autre sans aller se risquer sur les plate-bandes de l'immense John Garcia. Rentrer dans le détail d'un album de Fu Manchu serait aussi vain que de comparer des canettes de bière de marque identique, mais faut quand même remarquer quelques ruptures de ton avec la sensuelle et downtempo "Trackside Hoax", et deux excursions encore un peu psyché dont la gigantesque "Saturn III" qui mérite sa petite place au panthéon du genre. Pour le reste, c'est du riff qui boost, du riff qui pète, du riff qui bourre, avec de la cowbell en veux-tu en voilà, ça coûte pas cher et ça fait plaisir. De toute façon, l'originalité est une qualité très surévaluée de nos jours, Fu Manchu oeuvre dans l'artisanat respectueux d'un genre bien défini et c'est toute sa grandeur. L'originalité, ce conformisme de mirliton. En gros, il suffit pour évaluer la valeur d'un tel album de mesurer la teneur en morceaux vraiment dignes de faire partie d'une anthologie du stoner. Celui-ci se défend plutôt pas mal, avec, en sus du gros bout de rock cosmique pré-cité, l'énorme "Evil Eye" et sa wah-wah qui couine, et puis deux tranches de fuzz bien épaisses avec "Laserbl'ast" et surtout "Anodizer", grosse tornade estampillée EF5 sur l'échelle de Fujita. Ca fera bien la rue Michel pour une journée à la plage.