Le metal, c'est mon premier amour. Ma première passion. Je suis heureux de voir que vingt ans plus tard rien n'a changé. Je suis sans doute un peu plus blasé qu'auparavant, mais c'est l’expérience qui rentre, on va dire. J'ai plus de mal à être enthousiaste, c'est tout. À ce titre Eibon ne partait pas en favoris. Un premier album sympa, qui me faisait penser à Goatsblood, un groupe que j'aimais bien mais dont il ne me reste guère de souvenirs, hormis une voix bien horrible ; Goatsblood sludge, disons. Sans plus. Mais Eibon force à l'oubli. Apprendre l'ailleurs et apprendre le mensonge. Eibon a la médiocrité des poètes. Eibon a la fatigue des soldats français. Vous avez déjà essayé de sprinter dans une tranchée où il pleut averse et où vos pieds rencontrent d'innombrables cadavres de copains gonflés et de grenades allemandes qui vous brûlent les yeux et la gorge ? Exact : on s'enfonce jusqu'au torse. Nager devient le seul motif de discussion. Eibon ne renversera pas ce qui a déjà été écrit. Eibon s'en moque, je crois. L'amour du combat suffit à sa peine : une manière de raconter la guerre avec une odeur de glaire dans les mots. User la lutte, travailler l'ennui au corps, amputer les membres endoloris, occuper la place qu'un Neurosis a laissé vacante. Effet post hardcore de terrain. Les pieds bien ancrés dans la terre. Ou quand la tête s'enfonce profondément, qu'on croit d'ennui, alors que c'est juste qu'ils t'empêchent de reprendre ta respiration. Ils appuient fort, les cons.