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Ghost (Jap) › Tune In, Turn On, Free Tibet

cd • 8 titres • 00:00 min

  • 1We Insist 2:33
  • 2Comin' Home 4:11
  • 3Way To Shelkar 5:16
  • 4Images Of April 3:09
  • 5Lhasa Lhasa 3:28
  • 6Remember 2:55
  • 7Change The World 4:41
  • 8Tune In, Turn On, Free Tibet 33:54

informations

Enregistré à Tokyo en 1998 par Kohei Amano

Ce disque est sorti le 20 Avril 99, le même jour que Snuffbox Immanence (sur Drag City également), qui semble ne pas lui être lié par un quelconque concept, autre que celui d’être apaisé, et pourvu d’arrangements fabuleux.

line up

Michio Kurihara (guitare électrique), Hiromichi Sakamoto (violoncelle, violoncelle électrique), Masaki Batoh (guitare acoustique, batterie, chant, orgue de barbarie), Setsuko Furuya (bass drum, timpani, vibraphone), Kazuo Ogino (flûte, tambura, piano, synthétiseur analogique, kaval)

Musiciens additionnels : Sawa Ishizuka (voix sur la 7 et la 8) , Liaison Office Of His Holiness The Dalai Lama (autre, cooperation)

chronique

  • ballades du toit du monde

Ça partait pas forcément bien. Un double hommage, avant d’avoir entendu la moindre "chanson". Le titre du disque, tout d’abord, détournant le Tune In, Turn On, Drop Out de Timothy Leary, slogan inventé par le gourou du LSD pour inviter ses ouailles à se désolidariser de la société et à tripper sans entrave. Puis cette intro, baptisée We Insist, allusion au combat des afro-américains, qui n’a en fait à voir avec le précédent slogan que par son rattachement au mythe des 60’s libres et téméraires. Inquiétude de courte durée : dès Comin’ Home, toutes ces considérations sont loin derrière nous ; on est téléporté, sans transition, dans la peau du voyageur esseulé, apercevant sa ville aux toits luisants sous le soleil, après avoir franchi les cols de l’Himalaya… On suit ses pas dans les rues familières de sa ville, tandis qu’un tambour résonne au loin (ou est-ce un coup de fusil ?). On entend ses soupirs nostalgiques, alors qu’il peut enfin se délester de son harnachement… Et enfin, on le sent trembler alors qu’il arrive au pied du grand temple, quand les chœurs immémoriaux de ses ancêtres semblent soudain le toiser sévèrement depuis leurs tours battues par le vent glacial… Tout cela, Ghost le raconte avec la minutie d’un auteur de BD, passant d’une bulle à l’autre avec la précision du miniaturiste comme lors d’un travelling imperceptible. C’est d’ailleurs tout le génie de cet album : nous transporter sans en avoir l’air, nous rendre aussi impalpable que les sons qu’il héberge. Comment est-on pénétré dans le lieu saint, mystère, mais nous voilà à présent bercé par les arpèges de Way to Shelkar, contrastant avec la rudesse montagnarde qui nous avait accueilli dans l’album… La lumière aveuglante du dehors est ici distillée par un miroir, en un rayon limpide. Le titre, sublime, dévoile ses richesses par strates, façon lotus. Pétales après pétales, on découvre le chant, humble et recueilli, de Batoh, puis le mellotron, et enfin la guitare, qui vient ponctuer cette atmosphère cristalline par un véritable haïku sonore : quelques notes déposées en offrande, rien de plus. Courte pause… Et c’est comme si une nouvelle chanson démarrait, dans une transition divine. Ce n’est que la dernière partie du titre, où vient poindre un violoncelle reclus dans son effort de méditation. Il y a tant de magie ici que tout auditeur attentif ne pourra ensuite plus que se laisser transporter par le flot du disque, qui continue à nous bercer comme si tout était naturel. Il a fallu plusieurs écoutes pour bien être certain qu’au milieu de ce voyage, j’avais bien entendu une reprise de Pearls Before Swine. D’Images of April, chanson déjà chargée en mysticisme énigmatique, Ghost n’a gardé que le texte. Le poème de Tom Rapp est ici simplement chuchoté à notre oreille par Masaki Batoh, comme un mantra secret transmis à travers les ages. La transmission, n’est ce pas précisément ce qu’évoque l’intro de la chanson, à la fois mignonne et profonde ? Si le mellotron continue ensuite à couler paisiblement au détour des ruelles de la ville sainte (Lhasa,Lhasa), ce n’est plus pour en être saisi par la mélancolie. Notre voyageur a pris le temps de regagner ses pénates, et le matin suivant son arrivée, il sort humer l’air de sa terre chérie… Cette fois, son chant est extatique, pastoral. C’est comme si rien n’avait bougé. C’est comme si, à vrai dire, rien de terrible n’était jamais venu perturber ces hauteurs. Ghost, en tournant son miroir longuement poli, plus pur qu’un diamant, vers le folk des 60’s anglo-saxonnes qu’il n’a pas connu, s’est-il senti pousser des ailes au point de croire retrouver le souvenir d’un Tibet d’avant l’invasion Chinoise ? La joie des retrouvailles passée, la ballade suivante, Remember, s’épanche dans une sérénité encore plus profonde… On est invité à s’arrêter, à regarder autour de nous, à sentir comme un printemps vibrer sous le manteau neigeux. Sur tous leurs albums, sans exception, Ghost a pris les chemins de Katmandou depuis l’autre opposé du globe. Mais jamais ils n’avaient réussi à rendre leur art aussi évident, aussi lumineux. Là où nombre de leurs disques ont leurs moments d’opacité, de ruguosité, sur celui-ci tout n’est qu’épiphanie. Il y a tellement d’âme dans ces élégies qu’on ne peut pas les mettre en doute une seconde. Et quand Batoh lance un mantra hippie de plus au refrain de Change The World, où de grands flashs extatiques viennent percer la ritournelle aux flutiaux très traditionnels ; on y croit. C’est le seul instant du disque où la nature électrique du groupe ressurgit… La dernière piste, qui prend les 2 faces d’un 33t entier pour l’édition vinyle, porte le titre de l’album. C’est un quasi-instrumental évolutif et organique, le pendant nocturne et onirique des vignettes claires du reste de l’album. Finies les guitares folk, on est en terra incognita pour une demi-heure, d’abord porté longuement par les vagues des synthés analogiques, toujours dans la fluidité zen du disque… Batoh, avant de se retirer, nous a ouvert les portes de ce qui semble bien être un trip au LSD pour les oreilles. La montée, lente et fabuleuse, tournoie autour de nous dans une nuée de couleurs vives. Ensuite, on ne sait pas trop. Il y a une cérémonie rituelle, mais on ne sait si on est en son centre ou si on l’observe depuis un nid d’aigle. Les remugles Noise qui occupent tout le dernier tiers du morceau pourraient être les stigmates de la redescente. Mais ici, à l’image de ce slogan détourné, on optera pour une autre interprétation : la violence faite au peuple Tibétain, et la terreur imposée par les Chinois. Exprimée avec des sons, plutôt qu’avec des mots... Symptomatique de ce conflit, ignoré des puissants. Ghost aura passé tout le disque à éviter l’écueil des protest-songs et à chanter les louanges d’un Tibet forcément rêvé et idéalisé, pour mieux nous amener - de la façon la plus imperceptible qui soit - vers du protest-noise ! Les slogans qui ouvrent et ferment le disque sont oblitérés par un effet sur la voix, image parfaite de cette colère passée sous silence. Pour tout cela, Ghost n’a pas cherché à faire pareil ou même mieux que les grandes œuvres des années 60. En un sens, il en a transcendé l’héritage, puisque sa musique est intemporelle. Si entre tous les infatigables revivalistes que compte l’archipel, seuls eux ont connu une exposition internationale significative, cela ne doit rien au hasard. Un des tout meilleurs groupes psychédéliques modernes, ici dans son œuvre la plus apaisée.

note       Publiée le jeudi 9 mai 2013

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... et version originale de Images of Aprisl (déjà plus proche musicalement, et tout aussi profond)

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    Kagoul Envoyez un message privé àKagoul

    fantastique chronique ! pour un album envoutant :-) merci dariev stands

    HotOrange Envoyez un message privé àHotOrange

    Jamais écouté pas celui-là de ghost mais j'aime beaucoup ce que je connais d'eux, je vais sans doutes me laisser tenter.

    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
    avatar

    (Ah le salopiaud, il me signale des concerts pour ne pas y aller et chroniquer MES disques pendant ce temps là, à la place... !).

    Non, blague à part, très bon, ce Ghost là. C'est vraiment le moment où ils passent un cran, cette période, je trouve - celui-là et le beaucoup plus prog' Snuffbox Immanance - où ils touchent à un truc (dans l'impro, notamment, et le folk hippie pastoral, effectivement) qui n'était qu'effleuré sur les tout premiers (en tout cas sur un "répertoire neuf", parce que oui, y'a aussi le Temple Stone et ses prises live dans des temples et des églises, où la ferveur tenait déjà bien l'ensemble, donnait une autre dimension aux morceaux de Ghost et Second Time Around, avec des inédits du même tonneau, de même niveau). Pas complètement apaisé pour moi, par contre ! L'ouverture mantra-déclamation-voix trafiquée avec son BIIIP régulier et la dernière partie du morceau titre m'ont toujours fait l'effet d'un drôle de trip, quand-même, limite accident de bardo...

    Un de leurs très très bon, sinon, oui, on est donc assez d'accord !

    Note donnée au disque :