En 1983, split des Bush Tetras; douze ans plus tard sort une compilation regroupant leurs enregistrements réalisés entre 1980 et 1983. Pas lourd, quatorze chansons dont une instrumentale et personne n'en avait grand chose à faire à l'époque. Sauf qu'en 1995, ce combo exclusivement féminin originaire de New York a depuis largement gagné ses gallons de formation culte et sa place parmi les pionniers du post punk américain. Fondé par une ex-The Contortions, Pat Place, et la chanteuse Cynthia Sley, ce groupe peut être regardé comme une sorte de mélange entre les Slits et Gang of Four. Les jeunes femmes alternent en effet entre une forme de funk glacé, presque hypnotique, de par la basse élastique, la voix légèrement désincarnée scandant plus qu'elle ne les chante une série de phrases ('You can't be funky', 'Too many creeps'), des morceaux plus lourds et menaçants (les excellents 'Cowboys in Africa' 'Rituals', 'Who's gonna pay' évoquant Siouxsie and the Banshees...) avec quelques trouvailles personnelles, notamment dans un jeu de percussions carrément exotique ('Moonlite', 'Das ah riot', 'Dum dum') et des miettes punky ('You taste like the tropics'). Les musiciennes se nourrissent de toutes les influences de l'underground de Manhattan tant blanches que noires, les croisent, avec pour constante une économie dans les lignes puisqu'elles axent volontiers leurs compositions sur l'effet planant des répétitions en boucles des parties de chaque instrument. La rythmique tourne mais la guitare n'est pas là pour assurer la mélodie, plutôt pour renforcer les ambiances à coups de slides bizarres, de glissés froids, de slaps funky, le chant injectant dans le tout une noirceur jouissive, presque gothique par moment. Le résultat est impressionnant de maîtrise, de fluidité, pas le moindre temps mort, la plus petite lassitude, les ambiances se renouvelant sans se départir d'un fil rouge cohérent. Ok, ce disque n'est ni un LP ni un best of, pourtant il aurait rempli les critères des deux options et on se demande comment ce combo a pu être aussi longtemps négligé en comparaison d'autres artistes de la no wave new-yorkaise. Ce n'est qu'après la reformation à la fin des 90's que les filles enregistreront de vrais albums, trois si je ne fais pas erreur. Elles donneront pas mal de concerts tant aux USA qu'en Europe (en 2006) pour récolter des fonds afin de soutenir leur bassiste Laura Kennedy aux prises avec une hépatite C dont elle finira par mourir en 2011.