Vangelis › Fais que ton Rêve soit plus long que la Nuit

Oublions Hypothesis et The Dragon, deux albums aux tendances de free jazz progressif, et revenons à Sex Power où Vangelis fractionnait la structure d'une mielleuse approche mélodieuse dans un impressionnant canevas d'échantillonnages sonores. C'est l'histoire de “Fais que ton Rêve soit plus long que la Nuit”, aussi connu sous le nom de Poeme Symphonique. Alors en France avec les membres de Aphrodite's Child, Vangelis est le témoin de la révolution étudiante Française de Mai 1968. Visionnaire, il sort son magnétophone et enregistre les brouhahas, les interventions, les tumultes et tous les bruits intrinsèques de cet intense mouvement étudiant parisien qui se retrouveront 4 ans plus tard au cœur de cet album qui divise encore les adeptes du musicien Grecque. Rarissime objet de collection qui n'a encore vu le jour en format CD, “Fais que ton Rêve soit plus long que la Nuit” a été produit et distribué qu'en France, par le label Reprise, et en Grèce avec le label Philips.
La Face A débute avec des bruits d'explosions sourdes qui pétaradent dans des clameurs anonymes, des hurlements de sirènes de police et des coups de klaxon. Un synthé siffle une lointaine harmonie dont l'approche très légère résiste aux assauts des divers échantillonnages sonores qui se recouvrent de chants festifs avant de muter en une fête folklorique aussi soudaine qu'inattendue. Si les 6 premières minutes sont enjouées, le cœur de la face A plonge dans une ambiance de tension avec des disputes et commentaires des différents acteurs sur un fond musical qui étendra son baume jusqu'aux ambiances de Heaven and Hell, en 1975. C'est un superbe mouvement éthéré où les clameurs anonymes, les chants entraînants et discussions de foules agacent la quiétude morphique. Le tumulte d'ouverture vient chasser ce doux moment avec une finale constamment déchirée entre la violence des actes et paroles et de courtes et belles ballades tantôt accompagnée d'une guitare acoustique ou de ce sombre piano pensif qui étale ses fragiles notes sous les très belles harmonies vocalisées fredonnant et sifflant un hymne à la pacification. C'est du très grand Vangelis qui laisse entrevoir sa très grande carrière à venir. La face B offre le même genre de structure avec une intro de genre ballade des années 60 où une chorale française festoie comme une gang de joyeux lurons dans une brasserie. S'ensuit une phase larmoyante où flutes et violons s'accouplent à des voix absentes sur un piano léger, conduisant cette 2ième portion de “Fais que ton Rêve soit plus long que la Nuit” dans les mêmes corridors musicaux et déchirements populaires que la face A.
L'élément diviseur de “Fais que ton Rêve soit plus long que la Nuit” est cette enveloppe d'échantillonnages sonores qui perturbe la sérénité des belles mélodies éthérées ou des ballades bavaroises qui laissent des empreintes sonores digne des plus beaux vers d'oreilles. Mais je ne crois pas que l'un sans l'autre aurait le même impact, car les violences et déchirements populaires ont inspirés ces ballades et mélodies. Donc, faut vivre avec! Mais peu importe, “Fais que ton Rêve soit plus long que la Nuit” est un bel album. Onirique et rebelle, il est le point de départ d'une belle histoire d'amour entre un Vangelis qui continuera constamment de s'épanouir et un public qui lui est fidèle depuis Sex Power.